L’addition s’il vous plaît !
Impossible aujourd’hui d’exclure un retour de la drachme, de l’escudo ou de la peseta qui signifiera - en d’autres termes - la disparition programmée de l’Euro ! Quoi qu’il en soit, le simple fait d’envisager ou d’imaginer cette hypothèse démontre le degré d’incertitude qui mine cette zone Euro ayant suscité jusque là l’admiration - souvent forcée - des observateurs étrangers.
Pour un certain nombre de ces analystes, critiques (ou jaloux) dès le départ, c’est-à-dire dès 1999, l’Euro a surtout crée des distorsions et envoyé de mauvais signaux précisément en exerçant ses effets bénéfiques qui consistèrent notamment en réduisant les coûts de financement et de transaction des pays dits « périphériques ». Il est vrai que le fabuleux essor de la consommation intérieure (favorisée par des taux d’intérêts très faibles) dans certains pays y a notoirement augmenté l’ensemble des charges et principalement celle liée au travail avec, à la clé, une érosion significative de leur compétitivité. Les dommages provoqués aux économies de ces nations par l’introduction d’un Euro ayant outrageusement stimulé consommation et emprunts (y compris de la part de ces Etats eux-mêmes) éclatent aujourd’hui au grand jour car des taux de financement uniformes ne convenaient à l’évidence pas simultanément à des nations aussi différentes que l’Allemagne et que l’Espagne… De fait, la totalité de ces pays de moindre taille ou de moindre économie se retrouvent dans une posture nettement moins enviable en 2010 qu’en 1998 puisque le ratio de l’endettement Grec comparé à son P.I.B. atteint aujourd’hui 133% par rapport à 96% à l’époque, ce chiffre ayant évolué de 52 à 88% pour le Portugal et de 54 à 80% pour l’Irlande…
Contrairement à la croyance populaire ayant prévalu lors de la décennie précédente dans ces pays, l’Euro n’a pas été miraculeux en nivelant par le haut et en harmonisant la politique monétaire : en tout cas, si miracle il y a eu, nous avons aujourd’hui la preuve que tous les miracles ont un prix ! Quelle naïveté de penser que ces pays, dont les taux d’intérêts étaient la plupart du temps exprimés en deux chiffres du fait de leur inflation assez élevée et de la prime de risque prélevée par des marchés peu enclins à prêter à ces nations et à leurs entreprises à des tarifs comparables à ceux pratiqués en faveur de l’Allemagne, quelle naïveté coupable que celle de n’avoir pas prévu les orgies de consommation et de prêts où se sont abîmées ces économies du fait de la division par deux, parfois par trois, de leurs coûts de financement ! Un pays au taux d’inflation très élevé comme l’Espagne où il était ardu d’obtenir un financement hypothécaire devenait ainsi, quasiment du jour au lendemain, un eldorado immobilier à la faveur de l’Euro et de ses taux d’intérêts ! Par quel tour de magie l’Euro et la BCE auraient-ils pu éradiquer ou soulager les défauts endémiques et structurels de ces pays qui souffraient tous de lourdeurs bureaucratiques, d’un marché du travail peu efficient et dont la seule parade était de dévaluer régulièrement leur monnaie nationale afin de regagner un peu de compétitivité ?
La convergence ne fut en réalité jamais qu’un fantasme malsain ayant abusé des peuples méridionaux en leur laissant croire que les taux Allemands leur apporteraient aussi le niveau de vie Allemand !
En effet, aveuglés par des taux nominaux de croissance compris entre 3.5 et 6.5% entre 2002 et 2007 alors que la croissance moyenne de l’Union atteignait péniblement 2%, l’Espagne, la Grèce, le Portugal ou l’Italie se méprirent grossièrement sur la qualité de cette croissance qui était constituée plus et beaucoup plus par une consommation gargantuesque que par une production et par une exportation compétitives… Les effets pervers de coûts de financement uniformes et ridiculement bas sont aujourd’hui bien connus car le faste apparent de ces pays était entièrement redevable à l’explosion de leur secteur des services et de leur marché immobilier ayant, à son tour, provoqué une augmentation des charges liées à l’emploi dans un contexte où la BCE se muait en grande pourvoyeuse de liquidités et ce dans le seul but de maintenir la croissance en France et en Allemagne.
Comment expliquer aujourd’hui à ces populations sinistrées que l’adoption des taux Allemands ne leur apporterait pas systématiquement la productivité et la flexibilité de cette Allemagne … dorénavant prête à faire à nouveau cavalier seul en Europe car parfaitement consciente de ses forces et de son deutschemark qui, une fois rétabli, lui permettra d’obtenir tout le financement qu’elle souhaite !
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