L’emploi des séniors
On nous parle régulièrement de la position « d’exception culturelle » de la France en ce qui concerne l’emploi des séniors, dont les pourcentages de maintien dans l’emploi sont très inférieurs à ceux de tous les autres pays européens.
Une commission du Medef en discute régulièrement avec les syndicats, sans que rien ne semble progresser beaucoup dans ce domaine. Quant à nos ministres, et au Premier ministre lui même, ils pratiquent l’incantation traditionnelle pour montrer qu’ils font quelque chose, et donc pour conserver les voix d’une population qui leur est plutôt traditionnellement acquise. De là à faire quelque chose qui permette d’inverser la tendance, il y a un grand pas que je ne franchirai pas.
Car il y a, pour moi, tout un faisceau de raisons qui explique le non-emploi des séniors :
- Tout d’abord, la non-application du code du travail, qui prévoit explicitement qu’en cas de restructuration, l’ordre des départs est le suivant : "les plus jeunes, les moins anciens, et ceux avec le moins de charges de famille", en d’autres termes les plus employables, et on garde au travail "les plus âgés, les plus anciens, et ceux qui ont le plus de charges de famille".
- La facilité sociale de se séparer des séniors - dont une proportion importante souhaite le départ à condition que ce soit dans des conditions financières acceptables- plutôt que des jeunes ? Il y a plusieurs raisons culturelles à cela, comme le souhait de donner des emplois à nos enfants, la considération très ancrée qu’après 30 ans de carrière, on a bien mérité de partir dans de bonnes conditions, ou le peu de considération pour l’expérience dans nos entreprises. Le départ des séniors est le moyen le plus socialement acceptable de restructurer une entreprise !
- Le jeunisme dans les entreprises, qui font qu’elle ne recruteront jamais un plus de 45/50 ans, sauf pour la tranche des très hauts responsables, qui sont encore "vendables" à 50/55 ans parce que le temps nécessaire pour apprendre tous les rouages et pièges de la conduite d’entreprise ne vous permet d’arriver à ce niveau que vers 50 ans au mieux.
- Le coût d’un employé sénior, plus élevé que celui d’un employé jeune, du fait de la prime d’ancienneté, qui peut atteindre jusqu’à 20 pct pour un non-cadre, ou du haut salaire d’un cadre de 45 ans.
Une fois ce constat fait, que pourrions-nous faire pour favoriser le maintien en poste des séniors ?
- Appliquer le code du travail, mais je crains que ce ne soit un vœu pieux.
- Repousser l’âge de la retraite officielle à 65 ans, comme cela a été déjà fait dans de nombreux pays européens, car cela réduira considérablement les possibilités de restructurer en se séparant des séniors ? Cinq ans de plus avant que les plans sociaux ou l’indemnisation chômage puisse se rebrancher sur la retraite représente en effet un surcoût exorbitant. En d’autre termes, ça tuerait nos pratiques actuelles.
- Faire participer les Assedic au surcoût des séniors, car au lieu de payer de nouveaux chômeurs âgés, il serait peut être moins coûteux de participer à leur maintien dans l’emploi dans leur entreprise, en comblant tout ou partie du surcoût de ces salariés par rapport aux plus jeunes ? En d’autres termes, prendre le contrepied de la cotisation Delalande, qui pénalisait au contraire les sociétés se séparant de séniors, en les finançant partiellement pour qu’elles les conservent au travail.
Voilà quelques idées, sur le sujet, que je livre à vos réflexions. En tout état de cause, augmenter l’emploi des séniors passe par une augmentation de la création d’emplois globale, si l’on ne veut pas que, par un système de vases communicants, le maintien dans l’emploi des séniors se traduise par un chômage des jeunes encore plus important...
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