Rupture de stock. Alors que nombre d’entreprises cherchent en vain à se débarrasser de leurs stocks, Orange a annoncé être en rupture de stock d’iPhone d’Apple. Le monde à l’envers. Alors, la crise, sauf pour Apple ? Ou alors, la crise, la crise, nous rabâche-t-on, mais en réalité, pas si grave que ça ?
Il serait inepte de conclure à une exagération infondée de la crise économique sous prétexte qu’Orange est en rupture de stock d’iPhone. Reste que le symbole est très fort. A partir de 60 euros, l’iPhone n’est plus réservé aux riches. Par conséquent, on peut en déduire qu’en France, la consommation, au moins de produits technologiques à la mode, ne faiblit pas.
Alors, où sont les vagues de licenciés par milliers ? Les centaines de milliers de chômeurs supplémentaires depuis le début de la crise, à l’automne 2008 (la crise financière ayant débuté 1 ans avant, mais la transmission à l’économie réelle n’a eu lieu qu’en fin 2008) ? Y aurait-il une déconnexion totale entre les « privilégiés », ceux dont les revenus sont élevés, ceux dont l’emploi n’est pas menacé, et les « fragiles », smicards, ceux dont l’emploi fait partie des secteurs jugés obsolètes dorénavant ?
Ce pan de la société française, les « privilégiés », sont-ils responsables de cette rupture de stock ô combien symbolique ? Il est permis d’en douter. Les produits comme l’iPhone sont devenus des indispensables. Il faut les avoir. Par conséquent, les foyers ne pouvant pas se permettre cet achat compensent cette carence par l’endettement. Les nouveaux besoins créés, malheureusement trop onéreux pour nombre de Français, sont malgré tout acquis en masse.
Pour qu’il y ait rupture de stock « pratiquement partout » comme l’affirme Orange, et pour que les iPhone soient vendus « en deux-trois jours après que nous les ayons reçus », c’est bien que la clientèle ne se limite pas à quelques privilégiés. Le smicard achète l’iPhone, aujourd’hui. Parce que la téléphonie est devenue indispensable. Et la mode incroyablement prégnante.
Economiquement, on ne peut que se féliciter d’une telle réussite. Mais où va mener cet engouement ? Là encore, les ventes record d’iPhone sont un symbole de la surconsommation délirante, laquelle a amenée les Américains dans le gouffre d’endettement dans lequel ils sont. IPhone : réussite marketing aujourd’hui pour désastre social demain ? Car si les envies matérielles croissent quasiment de manière exponentielle (les PC avant-hier, les Mac hier, l’iPhone aujourd’hui), les revenus, eux, ne croissent très peu, voire pas du tout.
Comment, alors, satisfaire ces envies matérielles sans argent ? L’endettement. Celui-ci était de très bon ton il y encore deux ans, les opposants à son excès étant taxé de ringards n’ayant rien compris à l’économie de marché mondialisé, il l’est beaucoup moins aujourd’hui… dans les discours. Mais dans la pratique, il FAUT avoir l’iPhone, quitte à s’endetter (parce que c’est bien ce que font les consommateurs qui payent en plusieurs fois). Et quitte à créer une nouvelle bulle d’endettement, commandée par les nouveaux biens, devenus rapidement indispensables. Laquelle bulle explosera, un jour où l’autre. Encore une fois.