L’hypocrisie des européistes : le chômage et les statuts de la BCE
Depuis le 1er janvier 1999, conformément au traité de Maastricht, la BCE est responsable de la mise en oeuvre de la politique monétaire en zone euro. Le SEBC (Système Européen de Banques Centrales) est composé de la Banque Centrale Européenne (BCE) et des Banques Centrales des états membres alors que l'Eurosystème regroupe la BCE et les 19 Banques Centrales des pays de la zone euro.
La situation économique et le niveau de chômage dans l'UE (y compris la zone euro) nous poussent à nous interroger sur les moyens institutionnels mis en oeuvre, notamment par la BCE pour des initier et soutenir améliorations.
Souvent on entend dire que la Banque Centrale Européenne (BCE) n'a que pour seul objectif de (tenter de) maintenir l'inflation autour de 2% en zone euro, qu'elle n'a pas d'autres objectifs et qu'elle est complétement indépendante (des ordres ou des influences) des dirigeants "politiques" de la zone euro.
En fait les marges de manoeuvres de la BCE sont plus étendues que celles issues d'une lecture rapide (et incomplète) de l'article 127 du TFUE définissant ses missions. En fait les objectifs sont divisés en deux parties :
* Stabilité des prix (inflation autour de 2% - valeur arbitraire)
* Et le reste :" Sans préjudice à l’objectif de stabilité des prix, le SEBC apporte son soutien aux politiques économiques générales dans l’Union, en vue de contribuer à la réalisation des objectifs de l’Union, tels que définis à l’article 3 du TUE".
L'article 3 parle de développement durable basé sur la croissance économique équilibrée et la stabilité des prix, une économie sociale de marché (?) hautement compétitive (re ?) qui tend au plein emploi et au progrès social et un niveau élevé (re re ?) de protection et et d'améliorarion de la qualité de l'environnement.
Ce qui est important est le terme "sans préjudice de l'objectif de la stabilité des prix". Cette rédaction hiérarchise de facto les objectifs en plaçant la stabilité des prix comme le plus important et le plus prioritaire. Rien ne doit être fait si une des conséquences était une variation des prix.
On peut noter que la FED, banque centrale (de statut privée) des Etats-Unis à un quant à elle un mandat duale non hiérarchisé.
Une question que nous sommes en droit de nous poser : En quoi la stabilité des prix conduirait automatiquement au plein emploi et à la croissance ? C'est pourtant ce qu'affirme le site web de la BCE : « L’Eurosystème contribue à la réalisation de ces objectifs [l’objectif secondaire de l’article 3] en maintenant la stabilité des prix »
Le premier objectif n'étant pas atteint, la série de ceux contenus dans le deuxième est négligée. Le chômage (ou le taux d'emploi pour être plus novlangue) n'est donc pas traité.
Par contre, l'UE sans opposition de la BCE, est prête à toutes les compromissions sur ces objectifs sous le dogme intangible de la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et de la main d'oeuvre (art. 26). Les délocalisations, les travailleurs détachés, la concurrence déloyale venant de l'étranger sont quelques exemples d'atteinte grave à la stabilité des prix et à la détérioration du niveau et de la qualité de l'emploi au sein de l'UE et surtout de la zone euro.
En fait, à travers le monde, cet objectif principal de stabilité des prix (maîtrise de l'inflation) n'est celui d'aucune banque centrale sauf celui de la Bundesbank.
Et ce n'est pas étonnant car pour obtenir l'adhésion des allemands au traité de Maastricht, les statuts de la BCE ont été quasiment recopiés sur ceux de la Bundesbank, et pour certains points sous une forme plus stricte. L’article 127 du traité n’est rien d’autre que la reprise de l’article similaire du Bundesbank act de 1957, qui lui-même s’inspirait des statuts de la Bank Deutscher Länder de 1948.
Les statuts de la BCE, définis dans un traité international, ne sont quasiment pas modifiables ou alors par l'intermédiaire de l'article 48 qui définit un mécanisme d'une complexité effroyable demandant l'unanimité des pays membres à plusieurs étapes du processus.
Néanmoins, le niveau de pauvreté progresse au sein de l'UE et le nombre de chômeurs augmente au sein de la zone euro. Mais ces considérations ne sont pas suffisantes pour infléchir la trajectoire euro-libérale.
Que signifie que la BCE doive "Contribuer aux objectifs économique de l'Union" ?Quelle procédure ? rien n'est écrit, rien n'est en place.
Quels sont les objectifs ? Qui décide ? Avec quels moyens ?
En fait ces objectifs communs n'existent dans la réalité pas car les pays membres sont en opposition flagrante.
L'eurogroupe, réunion mensuelle des ministres des finances des pays membres de la zone euro, est une instance informelle. De plus, ce groupe ne représente pas l'UE dans son ensemble.Il n' a pas de procédure formalisée de discussion entre la BCE et l'eurogroupe. La BCE reste une institution complétement indépendante (art. 130) et ne peut pas être pilotée par l'eurogroupe et encore moins par un état membre. Mais cette indépendance est en contradiction avec l'objectif affiché de collaboration. En cas de non compréhension ou désaccord la BCE reste seule maître de ses décisions.
En conclusion la BCE n'a qu'un seul objectif qu'elle n'arrive pas à atteindre, la maitrise de la stabilité des prix. Elle ne veut pas, ne peut pas, n'a pas les moyens ni les procédures pour traiter les autres considérés comme secondaires et même subsidiaires. Nos grands Hommes n'ont même pas pensé intégrer de mécanisme d'échange formel voire de contrôle en cas d'urgence de cette institution qui ne représente que les banques et l'oligarchie au mépris des travailleurs et des populations.
Bien que tout ça nous coûte très cher, malheureusement, seule une catastrophe économique pourra faire changer les choses.
Yannick HERVE, pour "Les Clés de l'Europe"
06/01/2016
24 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON