L’impact de la crise sur les finances publiques françaises
Milliards, milliards, difficile de s’y retrouver dans cette avalanche d’annonces de milliards dans tous les sens. Lesquels auront un impact sur l’argent public français ? Petit récapitulatif.

40 milliards
C’est la somme maximale que l’Etat va mettre à disposition des banques très vite (il a déjà commencé), une sorte de prêt qui leur fournit les liquidités nécessaires à leur bon fonctionnement. Evidemment comme l’Etat n’a pas cet argent, il doit l’emprunter. Il devra donc payer des interêts d’emprunt supplémentaires (environ 4%), mais les banques paieront elles-mêmes un interêt conséquent à l’Etat, de sorte que l’Etat devrait même y gagner un peu pour l’instant.
320 milliards
C’est la somme maximale de prêts interbancaires que l’Etat s’engage à garantir (jouant ainsi plus ou moins un rôle d’assureur). Aujourd’hui, l’Etat ne débourse rien. Mais si une banque venait à faire faillite et était donc incapable de rembourser les dettes contractées auprès d’autres banques, l’Etat rembourserait à sa place pour ne pas que les autres banques soient acculées à la faillite à leur tour. Là aussi l’Etat facture sa garantie aux banques et donc à court-terme, cela pourrait générer quelques (faibles) rentrées d’argent dans les caisses publiques.
Mais dans un cas comme dans l’autre, si faillite il y a, la totalité des sommes nécessaires sera de l’argent public, dans des proportions bien supérieures à ce qu’il aura pu collecter avant. Tout cela obtenu en s’endettant bien sûr puisque les caisses sont vides. Et il faudra donc subir plus tard les inconséquences d’hier et d’aujourd’hui. Nous en sommes donc réduits à espérer que plus aucune banque ne fasse faillite parce que ce serait clairement aux contribuables que reviendraient les pertes !
L’Etat augmentera-t-il les impôts ? Coupera-t-il dans les dépenses publiques ?
Que les finances publiques se détériorent à cause de la crise financière (faillite de banque) ou de la crise économique (baisse des recettes fiscales), le gouvernement ne va pas essayer de compenser en augmentant les impôts ou en réduisant fortement les dépenses publiques à court-terme : "Ce que l’on dit clairement, c’est que si la croissance tombe à 0,5% ou à 0,2% et que les recettes sont moins bonnes que prévu, il n’y aura ni hausse d’impôt ni mesures rectificatives sur les dépenses. Nous constaterons en toute transparence la dégradation du déficit », a déclaré le ministre du budget Eric Woerth, soutenu ensuite par François Fillon.
Mais le pacte de stabilité européen nous impose d’avoir un déficit inférieur à 3% du PIB, me direz vous ! Oui, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, invoquées aujourd’hui. Certes la crise financière est violente, mais les autres pays européens subissent les mêmes et nombre d’entre eux présentent des comptes publics équilibrés ou en excédent cette année et resteront bien en-dessous de 3% de déficit l’an prochain, parce qu’ils ont diminué leurs déficits pendant les bonnes années de croissance que nous avons connues (2004-2007). En France on a considéré que le limite de 3% du PIB s’appliquait quand tout allait bien et forcément on se retrouve fort dépourvus quand la bise est venue ! Ainsi, si la croissance est nulle pendant de longs semestres, avant de tendre vers 1% à partir de 2010, on passera de 3% de déficit aujourd’hui à 4% minimum en 2009 et probablement 5% en 2010. Sauf si une banque fait faillite, auquel cas vous l’avez compris, ce sera bien plus (320 milliards c’est presque 20% du PIB).
En accumulant des déficits toujours plus élevés, la dette publique s’alourdira d’autant. Elle est de 1260 milliards actuellement et augmente à un rythme de 50 milliards par an, et qui s’accélère. Elle dépassera donc le seuil de 70% du PIB dans quelques années (contre 20% dans les années 70, époque où nous étions le moins endetté des grands pays développés je vous le rappelle). On voit mal comment la France pourrait revenir, comme elle s’y est engagée, à un déficit zéro, même en 2012. En présentant son premier budget pluri-annuel il y a un mois, elle pensait pouvoir s’appuyer sur une croissance de 1% en 2009 et supérieure à 2% ensuite. Gageure !
J’en reviens à mes questions : non ce gouvernement n’augmentera pas globalement les prélèvements obligatoires (il avait promis de les baisser de 4% du PIB, il les laissera globalement stables en réalité). Même un gouvernement socialiste ou démocrate ne pourrait pas se permettre que notre taux de prélèvement obligatoire soit trop supérieur à celui des pays voisins, sous peine d’anéantir la compétitivité de nos entreprises et donc l’emploi. Oui il coupera dans les dépenses publiques, et d’autant plus : c’est la seule solution pour revenir à l’indispensable équilibre des finances publiques. La Revue Générale des Prélèvements Publics (RGPP) le permet en partie : elle devrait mettre en évidence environ 7 milliards d’euros de dépenses peu utiles chaque année. Mais il faudra aussi comprendre qu’un certain nombre de dépenses utiles nous sont fournies (et depuis longtemps) sans que personne ne les finance ! Et celles-là, nous n’y avons par conséquent pas droit. La génération des baby-boomers, qui a profité de ces services publics depuis 30 ans sans les payer, devrait même rembourser le trop perçu, qui a été pris sur le niveau de vie des générations futures via la dette.
Lorsque nous sortirons de la crise, c’est-à-dire lorsque la croissance reviendra vers 1% qui correspond à son potentiel structurel désormais (voir mes précédents articles à ce sujet), il faudra mettre un terme à ce grand détournement de fonds et ramener les dépenses publiques en éxcédent, comme l’ont fait la plupart de nos voisins en prévision du papy-krach à venir.
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