L’islam et le développement économique
Le monde Islamique qui représente environ 20 % de la population du monde (plus d’un milliard), se trouve plus que jamais exposé à des changements économiques et sociaux sans commune mesure dont l’ampleur a été intensifiée par le processus de mondialisation. En effet, depuis 1987 autant d’évènements géopolitiques (11 septembre, hausse vertigineuse du prix du pétrole, crise de la dette, la guerre du golf, invasion de l’Irak. etc.) propulsent le monde arabo-musulman au cœur des préoccupations des analystes politico-économiques et financiers.
Ainsi, les pays arabo-musulmans notamment les pays riches, en l’occurrence les pays producteurs de pétrole, sont devenus des cas d’étude, d’observation et d’analyse privilégié de la part des chercheurs.
Au cœur de leur recherche se trouve la dichotomie entre l’Islam, en tant que pratiques morales et religieuses et la croissance économique. La question de la corrélation ou de la compatibilité entre l’Islam et le développement économique est loin d’être élucidée. Le débat mené autour de cette relation a pu partager la communauté des scientifiques historiens, Islamologues, politistes et récemment économistes, quoique l’intérêt du lien « Islam – développement économique » est relativement récent et les études empiriques menées dans ce domaine sont limitées...
La littérature sur un plan théorique est scindée en deux courants de pensée. Certains auteurs affirment que l’Islam est « anti-marché ». D’autres chercheurs affirment que l’Islam favorise la croissance. Nous nous sommes posé la question sur la manière de se positionner par rapport à ces points de vue. En d’autres termes, nous essayons d’apporter des éléments de réponse à la problématique de corrélation et causalité entre l’Islam en tant que pratique religieuse et morale et le développement économique.[1]
La controverse entre Islam et capitalisme remonte aux années 1960. Elle a débuté par le débat initié par Max Weber (1968) sur la non extension de l’industrialisation capitaliste au Moyen Orient. Maxime Rodinson (1967) et Turner (1978) affirment que le déclin économique résulterait du caractère à la fois anticapitaliste et conservateur de la religion islamique ou de l’Etat musulman lui-même qui est statiques et despotiques.
David Mc Clelland (1961) affirme à l’instar de Weber que l’Islam constitue un frein à la croissance et ceci apparait spécialement dans les pays qui ont bâti leurs systèmes économiques et sociaux sur les bases de la loi coranique. Les arguments de ces auteurs s’appuient sur des faits de nature historico descriptive.
Des auteurs tels que Guiso, Sapienza et Zingales affirment que les musulmans sont « anti-marché » ; dans la mesure où ils estiment que l’Islam est « négativement associé à des attitudes favorables à la croissance ». Les auteurs critiquent les fondements des lois islamiques qui tirent leur légitimité tout d’abord du Coran mais également de la Sunnah (paroles et actes du prophète ou de ses proches disciples) de l’Ijmaa (consensus des hommes de foi) ou encore El Qyas (ou Ijtihad) à savoir des interprétations personnelles des hommes de religion selon les principes de l’Islam.
La loi coranique ou « shariaa islamia » définit les règles qui régissent les relations économiques dans un système économique complet à savoir les règles sous-jacentes à l’allocation des ressources, le fonctionnement du système productif, à la répartition des richesses, au financement de l’économie, d’une manière générale ce que l’on peut qualifier de relation macro-économique. La shariaa a également mis les soubassements d’une série de règles de conduite qui doivent régir les relations financières entre les individus.
La répartition de la richesse créée dans l’Islam répond à la croyance des musulmans aux principes unitaires (Tawhid) qui énonce l’unicité de Dieu et l’égalité entre les hommes. En terme économique ceci signifie que les ressources en capital doivent être partagées entre les membres de la société. Les riches doivent aider les pauvres.
La règle la plus controversée est celle du taux d’intérêt nul. Ainsi l’absence d’intérêt est une caractéristique cruciale du système financier islamique.
Pryor adresse une critique majeure au système économique islamique affirmant qu’il entraîne une baisse de l’épargne et défavorise l’intermédiation financière et par voie de conséquence, il en déduit que le système islamique, étant donnée l’étroite relation entre développement réel et développement financier, n’est pas en mesure de favoriser la croissance économique.
Il existe des croyances quasi-unanimes qui prétendent que l’Islam est synonyme de récession économique et sociale. Cette position est renforcée par un état des lieux qui fait apparaître un paradoxe de croissance qui caractérise certains pays arabo-musulmans .En effet, certains pays arabo-musulmans ne manquent pas de ressources quelle qu’en soit la nature mais semblent être pris dans une sorte de « piège de pauvreté » duquel ils ont du mal à émerger.
Certains auteurs attribuent la pauvreté des pays musulmans à l’Islam lui-même dans la mesure où c’est une religion qui prêche le fatalisme qui est défavorable à la croissance.
D’après le rapport de PNUD 2002, les musulmans sont classés parmi les pays sous développés caractérisés par un PIB faible, un taux de pauvreté élevé, un taux d’analphabétisme important, un retard technique et technologique et un cadre institutionnel inapproprié et inefficace lorsqu’il existe. A l’exception des pays pétroliers, qui ne sont pas forcément riches, les pays musulmans soufrent généralement d’un déficit budgétaire et courant chronique, d’une espérance de vie moyenne et d’un pouvoir d’achat faible.
Les causes de ce déclin s’expliquent éventuellement par des facteurs géographiques et politique (régimes totalitaires.) culturels (fanatisme, introversion, le rôle limité de la femme) institutionnels (négligence du cadre institutionnel, corruption, dépendance de la justice,..).
Max Weber dans son analyse critique des institutions politiques et juridiques musulmanes par opposition à celles du monde occidental, considère que le « féodalisme prébendier » et le « patrimonialisme bureaucratique arbitraire » caractéristiques des dynasties Abbasides, Mameluks et Ottomanes, ont empêché les structures légales rationnelles, prévisibles et évolutives de se développer.
A l’exception de quelques pays musulmans (Iran, Malaisie, Pakistan, Turquie, Tunisie, Maroc) qui ont réussi relativement à assurer des niveaux de croissance assez respectables, le reste du monde musulman se trouve encore au fond du classement mondial.
Par ailleurs, pour d’autres auteurs (Said, Kuran et Nafissi), l’Islam introduit une forme de rapport avec la société contraire aux exigences du monde moderne ouvert et extraverti. L’Islam en tant qu’ensemble de rattachement intime à des valeurs pratiques et principes dictés à la fois par le Coran et la Chariaa (ahadith nabaouilla), il peut influencer les choix institutionnels qui ont par conséquent un impact direct sur le comportement entrepreneurial des investisseurs et sur la croissance économique.
Des auteurs tels que Fachini et Kuran expliquent le sous développement des pays musulmans par les modèles gouvernementaux des pays arabo-musulmans. Facchini précise : « la démocratie est l’emblème de l’occident… l’Islam est une religion figée dans son atemporalité et par nature incompatible avec la modernité politique » Le monde musulman soulève des interrogation et les tenant de la thèse que l’Islam défavorise la croissance, appuient leur postulat sur un certain nombre de faits de nature économique (faiblesse des taux de croissance, faible taux d’investissement réel, allocation inefficace des ressources), politique (Etat de droit, interventionnisme, intrusion de l’Etat) et culturelle (fanatisme religieux).
Les principaux handicaps dont souffrent les pays arabo-musulmans se situeraient au niveau des comportements socio-économiques qui entravent le développement et la croissance économique. De ce fait, même les pays riches (mais non moins sous développés), en l’occurrence les pays producteur de pétrole semble ne pas profiter de leurs rentes.
D’après le Président du Conseil Economique Panarabe, le prix du pétrole a fait exploser les revenus de certains pays arabes de 33% environ mais la majeure partie des revenus pétroliers étaient investis dans l’immobilier et l’armes plutôt que dans les secteurs créateurs d’emplois.
Certains analystes financiers parlent de la « malédiction du pétrole » puisque la rente pétrolière a annihilé la production et l’industrie. Ainsi, en Arabie Saoudite à titre d’exemple, 70% du budget de l’Etat repose sur la rente pétrolière. L’industrie et les services sont également centrés sur l’extraction et la transformation du pétrole, l’agriculture ne compte que pour 5% du PIB.
Cette situation qui n’est pas l’apanage de l’Arabie Saoudite, mais de nombreux pays producteurs de pétrole, fragilise le système économique qui lui-même est, du reste, fortement tributaire des cours du baril et des quotas négociés à l’OPEP.
Le principal blocage de ces pays ne semble pas résulter d’un manque de ressources, ni des déséquilibres macro-économiques qui semblent être plus ou moins maîtrisés. Il s’agit plutôt des choix inopportuns de politique économique, d’allocation irrationnelle des ressources, d’un cadre institutionnel inefficient. Tout cela repose sur la croyance.
Pour expliquer le pourquoi de l’interdiction de l’usure dans l’Islam, Mohamed Sqalli dit que l’islam interdit l’usure pour prévenir contre l’injustice. Les transactions usurières nuisent au principe de la solidarité au sein de la société musulmane. Le crédit assorti d’intérêts peut provoquer l’expropriation du patrimoine du pauvre s’il se retrouve dans l’impossibilité de payer sa dette. Le Prophète, paix et salut sur lui, a dit que « le patrimoine du croyant est aussi intouchable que son droit à la vie ». Allah dit « si l’emprunteur est en difficulté, il faut attendre que sa situation s’améliore ». L’usure selon lui accentue également la haine entre les couches sociales riches, et pauvres.
L'approche systémique se distingue des autres approches par sa façon de comprendre les relations humaines. En effet, la personne n'est pas le seul élément analysé dans la démarche. L'intervenant accorde aussi une importance aux différents systèmes dont elle fait partie (familial, professionnel, social, etc.). Cette personne est influencée à la fois par ses intentions, celles des autres, et celles des possibilités du milieu et/ou du système. Partant de cette définition de l’approche systémique, nous pouvons constater que les musulmans vivent dans des milieux aussi différents. On pourra se demander si ces milieux n’agissent pas sur le développement économique de même que les traditions desquelles ces personnes musulmanes sont issues.
D’après François Facchini, le monde musulman se constitue entre les VIIe et XVe siècles. Cette expansion débute en 622, date à laquelle le prophète Mahomet est chassé de la Mecque et se réfugie à Médine. En 629, il reprend la Mecque et instaure le premier Etat de la civilisation islamique. Après sa mort en 632, l’islam ne cesse de s’étendre. A l’ouest, l’Egypte est conquise en 642, Carthage en 698, l’Afrique du nord en 711, et l’Espagne en 712. La conquête de l’Espagne s’achève en 771 mais la bataille de Poitiers en 732 marque l’arrêt de l’expansion musulmane en Europe occidentale. Vers l’est, entre 637 et 651 s’engage la conquête de l’Iran. Les peuples perses et kurdes se convertissent. Vers le Nord Jérusalem est prise en 638 et l’Asie centrale en 712 (Ouzbékistan et Kirghizistan), conquête consolidée en 751 après une guerre contre les Chinois. L’expansion de l’islam se poursuit, ensuite, vers l’Asie du sud Est et la Chine de façon plus pacifique par l’intermédiaire des marchands. L’Indonésie se convertit aussi de manière progressive à partir du XIIe siècle grâce aux échanges avec les marchands arabes et chinois. La constitution de l’aire arabe se fait donc grosso modo entre les VII et IXe siècles. Ensuite, vinrent les conquêtes ottomanes. L’empire ottoman va remporter d’importants succès militaires dans les Balkans, en particulier sur les Albanais et les Slaves de Bosnie (1477) et sur les Byzantins. Sa principale conquête est Constantinople en 1453 qui devient Istanbul. Ces huit siècles de conquête ont permis l’unification de la zone autour de la langue arabe, d’une administration et d’un droit[2].
Selon Diamond, l’homme s’ajuste à son environnement. C’est l’environnement naturel qui explique la dynamique des institutions. Pour Diamond, c’est la concentration locale des plantes et d’animaux sauvages domesticables qui fut à l’origine du développement économique du « Croissant fertile »[3], cette concentration ayant permis la révolution alimentaire. L’essor de l’aire arabo-musulmane ne serait alors qu’un effet de la révolution agricole[4]. En inventant la production alimentaire autour de 7000 avant J.C. les civilisations du croissant fertile ont découvert un moyen de dégager du temps, d’allonger le détour de production et d’améliorer les techniques agricoles. Elles ont inventé la production alimentaire parce que les conditions naturelles lui étaient favorables. Il y avait un nombre important de plantes et d’animaux domesticables. Le déclin de cette région est aussi explicable par des facteurs écologiques. Si le développement se déplace vers l’ouest et l’Europe en particulier (conquête grecque d’Alexandre le Grand à la fin du IVe siècle avant J.C., conquête romaine) c’est uniquement parce que la zone du Croissant fertile est en fait une zone écologiquement fragile et potentiellement désertique. Le Croissant fertile est par nature une zone désertique ou semi-désertique, de steppes ou de terrains fortement érodés ou salinisés impropres à l’agriculture.
Le déclin de l’aire musulmane est indépendant de la civilisation qu’elle porte. Il s’explique par l’inadaptation du système écologique au développement économique et à la pression démographique. Cela signifie que le déclin n’est pas indépendant de l’action des hommes mais que sa raison principale se trouve dans les conditions écologiques du développement. Il n’est pas indépendant de l’action des hommes parce que pour développer l’agriculture, se chauffer, obtenir du bois on a abattu les forêts sans voir qu’elles ne pourraient pas se reconstituer. « Les sociétés du Croissant fertile et de Méditerranée orientale ont ainsi eu le malheur de voir le jour dans un environnement écologiquement fragile. En détruisant leur base de ressources, elles ont accompli un suicide écologique »[5]. Si le développement s’est déplacé vers l’ouest ce n’est donc pas parce que ses habitants étaient plus sages, mais parce qu’ils ont eu la chance de vivre dans un milieu plus robustes, doté de pluies plus abondantes[6]. Les causes du déclin musulman sont les mêmes que le déclin de toutes les civilisations de cette région. On peut, alors, donner une place aux grands hommes, mais le fait fondamental reste l’histoire écologique de la zone. L’éphémère richesse des pays producteurs de pétrole ne doit pas cacher la pauvreté fondamentale de la région[7].
La religion a d’impact sur le développement économique des musulmans. Comme nous l’avions dit un peu plus haut, l’islam ne favorise pas le développement économique. L'homme musulman est tenu, en tout lieu et à toute époque, de se référer à des règles de base : la Charia, ou droit de base, qui est l'ensemble des règles fondamentales telles qu'édictées par le Coran ou fixées par des Hadiths - énonciations du Prophète - dument authentifiées. Dans l'un et l'autre, on retrouve des sujets aussi variés que la fiscalité, les dépenses publiques, l'intérêt, la propriété foncière, les ressources naturelles, les taux de salaires ou encore les finances. Dans la finance islamique, respectueuse de la charia qui proscrit l’usure, les sukuks sont des obligations qui n’ont pas de taux d’intérêt, mais rapportent à celui qui y souscrit une part. Elles rapportent des bénéfices générés par des actifs ainsi financés.
Ce travail voulait montrer que la religion a un effet sur le développement économique. Ainsi, l’Islam, l’une des grandes religions monothéistes a influencé le développement économique dans les milieux où elle s’est implantée. La place de la femme dans cette religion agis beaucoup sur le développement économique. La femme n’a pas droit aux travaux des hommes. En un mot, elle est marginalisée.
La table ronde organisée par la communauté musulmane des soufis du Mali (CMS-Mali) le samedi, 10 avril 2010 avait pour but d’exhorter les musulmans à l’esprit d’entrepreneuriat, de développement et de mobilisation de grands capitaux pour un islam concurrentiel à l’échelle mondiale, et à l’autosuffisance des structures islamique. Elle a eu lieu au Centre islamique d’Hamdallaye sous la présidence de Cheik Soufi Bilal Diallo, président de la dite communauté (CMS-Mali). C’est une bonne chose ces genres de communauté. Mais il serait aussi bien que l’Islam revoit d’une manière ou d’une autre ses pratiques pour permettre un bon développement économique de ses milieux. Sans quoi on dirait que le sous-développement est intrinsèque à la religion du prophète Mahomet.
[1] Toutes les informations concernant cette partie sont de Hamdi Khalfaoui dans son article Islam et développement économique du 31 mars 2010, in http://www.observatoiredesreligions.fr/spip.php?article271&artsuite=1#sommaire_1
[2] François Fachinni, Islam et le développement économique, in http://www.observatoiredesreligions.fr/spip.php?article136&artsuite=1.
[3] J. Diamond, De l’inégalité parmi les sociétés. Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire, Paris, Gallimard, 2000, pp. 138-139.
[4] Idem.
[5] J. Diamond, Op. Cit., p.425.
[6] Idem.
[7] Idem.
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