L’Italie en difficulté : 2014, troisième suicide européen ?
L’Italie est sur une mauvaise pente, à l’image de la tour de Pise, nous certifie Michael Snyder, éditeur d’un blog consacré à l’effondrement économique. 11 indices laissent penser à une dépression de l’économie italienne s’accentuant prochainement. Quand vous avez une dette trop importante, attendez-vous à de mauvais jours. Ce constat s’applique à quelques pays européens et pas uniquement la Grèce ou l’Espagne. L’Italie est dans une très mauvaise passe si l’on en jauge par les derniers indices chiffrés et notamment la production industrielle qui chute. Les dernières mesures d’austérité ne faisant qu’aggraver le processus. D’après Snyder, l’Italie serait sur une pente similaire à celle qu’a connue la Grèce. Avec un cercle vicieux où récession et dette vont dans un même sens en se renforçant mutuellement. L’Italie est asphyxiée et ne parvient plus à se financer correctement ni à équilibrer un budget dont le déficit devrait s’accentuer, passant de 6.6 à 7.3 point de PIB dans un contexte de baisse soutenue de production industrielle, tombée à son niveau d’il y a 25 ans après une grosse chute post-2008 et une chute sensible depuis 2011. Ce qui laisse penser à deux chocs, le premier parti des subprimes américaines et le second de la crise grecque.
Les exportations italiennes auraient chuté d’un quart depuis 2008, les ventes automobiles sont en berne (comme chez nous du reste) et le PIB pourrait chuter de deux points cette année avec en toile de fond une dette atteignant 130% du PIB. Certes, il y a pire question endettement, avec le Japon mais deux spécificités dans le pays du soleil levant. D’abord les détenteurs de la dette qui sont des nationaux et ensuite un outil de choix, la banque centrale qui gère le yen. L’Italie ne peut pas jouer sur une politique accommodante de la BCE, même si elle est dirigée par un super Mario plutôt bienveillant ces temps-ci. Les milieux de la finance européenne craignent une rechute de la crise grecque mais cette fois plus étendue avec comme pièce majeure du domino systémique l’Italie. Les signes les plus inquiétants sont envoyés depuis les petits commerces et autres restaurants de proximité qui chaque jour, ferment en comptant par dizaines, un vrai massacre selon leur Marco Venturi, le président de l’organisation patronale regroupant les TPE. L’addition n’en est que plus inquiétante si on ajoute le chômage de 12.5 %, au plus haut depuis 35 ans et qui affecte plus d’un jeune sur trois, ce taux passant à un sur deux si on regarde le sud de l’Italie.
Quelques autres signes assombrissent le tableau. Le nombre de personne affectées par des difficultés matérielles « sérieuses » a doublé depuis deux ans. Et les cas de « suicide économique » remplissent les colonnes de faits divers et parfois sont à la une des journaux italiens. Un jour c’est un travailleurs turinois au chômage qui se flingue, un autre, ce sera un jeune Romain ayant perdu son travail. Le président Giorgo Napolinato s’est fendu d’une intervention compassionnelle doublée d’une injonction au gouvernement afin que les cas de détresse sociale soient suivis de près. Snyder conclut son billet avec l’image de la tour de Pise comme représentation d’une Italie qui, passé l’année 2013, pourrait bien s’effondrer, alors que les Etats-Unis sont eux aussi sur une mauvaise pente, partageant avec l’Italie nombre d’indices négatifs, comme la dette, le sous emploi, la désagrégation de quartiers et les cas de suicide. Lorsque l’Italie tombera, l’effet domino s’étendra à d’autres économies puissantes. Ce sera le signe du grand collapse. Les dominos vont tomber peu à peu nous prédit Snyder dans la position d’un Cassandre bien documenté.
2014, cette date est chargée d’une symbolique historique forte pour les Européens qui se préparent à commémorer ou gloser la grande guerre déclenchée en 1914 et qui pour l’opinion publique sérieuse, a marqué un suicide européen, suivi d’un second suicide après 1938. La vulgate historique raconte ensuite une résurrection assez rapide après 1945, avec les Monnet Schuman et autres Adenauer, sorte de Romus et Remulus ayant présidé à la naissance d’une union européenne conçue comme un empire démocratique qui, lancé à toute vitesse dans le grand boom industriel des Trente glorieuse, a décidé de raccorder toutes les motrices de l’économies à une seule monnaie, du moins dans la zone euro. Avec un montage assez approximatif, des gouvernements pas très rigoureux et des résultats assez calamiteux qui ne sont pas dû à la monnaie unique, bien qu’elle ait pu faciliter la désinvolture budgétaire dans plusieurs pays. Finalement, on se demandera si, en reprenant les titres des romans de Broch, nous n’avons pas affaire à des irresponsables et des somnambules.
Le désastre de 1914 a été causé par des perversions idéologiques inscrites dans le nationalisme. Le désastre de 1938 a eu pour ressort d’autres idéologies qui se sont amalgamées avec les nationalismes des années 1900 ; les tensions impliquant des sentiments nationaux autant que des composantes de guerre civiles entre factions, classes avec en plus une politique d’extermination menée par l’Etat allemand enivré de plus par sa puissance militaire. Actuellement, la situation financière laisse entrevoir un troisième suicide lui aussi causé par des perversions idéologiques, celles du tout technologique et normatif, de la domination oligarchique, du tout économique, ces perversions étant amplifiées par les comportements cupides. L’OCDE vient de confirmer ce 16 juillet les perspectives noires pour l’emploi dans la zone euro, avec les jeunes très impactés. En 2014, le danger n’est pas dans les tranchées mais dans l’existence quotidienne qui devient pesante pour une population européenne grandissante. Hélas, il n’y a rien à faire, sauf à envisager un changement structurel de l’économie combinant une « planche à billets » en euros assurant un renflouage fiscal des plus précaires. L’Europe est dans une très mauvaise passe et l’embellie chantée par Hollande sonne plus comme un requiem européen. 2014, quelle sera la vitesse du dévissement social ? Pendant ce temps, la croisière s’amuse.
Les 11 signaux de détresse en Italie, à lire sur le blog de Snyder
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