L’Italie, pays décisif de l’Eurozone
« On criera au scandale, mais aujourd’hui, l’hypothèse de l’abandon de l’euro par l’Italie n’est pas un blasphème. »
Déclaration de M. Silvio Berlusconi, ancien président du Conseil italien, le mercredi 20 juin 2012.

La crise de l’Eurozone a commencé par la transformation du « risque monnaie » en « risque pays ».
Pour les investisseurs, le « risque monnaie » signifie que le risque est le même pour l’ensemble de la zone monétaire.
Et comme l’Eurozone c’est l’Europe, il en résulte un « risque Europe ».
Le « risque pays » annonce la désagrégation de l’Eurozone ; il n’y a donc plus d’Europe mais chaque pays dans un chacun pour soi généralisé.
La crise financière, de rebonds en rebonds, se traduit en particulier par « la fuite du risque vers la qualité ». Les investisseurs ont ainsi pour seul vrai mandat de ne pas perdre d’argent. La cupidité s’est donc dissoute dans la trouille.
L’Euro cesse dés lors d’être une monnaie commune pour devenir un étalon monétaire.
A l’image de la Reischsbank de 1930 (Banque Centrale du Reich Allemand) qui avait refusé à la République de Weimar les avances nécessaires pour sauver un système bancaire menacé d’une faillite d’ensemble (du 08 juillet 1930 au 13 juillet 1930), aujourd’hui la BCE refuse d’émettre des euros, l’euro devient donc une monnaie inaccessible, donc une monnaie étrangère de fait.
Il reste le FESF (bientôt le MES), autrement dit le canot de sauvetage européen, mais monter à bord est aussi bien vu que faire du tourisme sexuel en Thaïlande !!!
Au cours de ce mois de juin 2012, après avoir caché la vérité sur ses banques (pourtant aussi visible qu’une cerise confite sur un pot de yaourt), l’Espagne a d’abord obtenu le 09 juin 2012 une ligne de crédit de 100 milliards €uros afin de recapitaliser son système bancaire…mais comme les marchés n’y ont cru qu’une demi-journée, elle va monter à son tour dans le canot de sauvetage Européen.
Certes, le FESF n’a plus que 248 milliards €uros disponibles, mais le MES qui s’y substitue disposera de 500 milliards €uros après la ratification du Traité par l’Allemagne, prévue au plus tard la première semaine de juillet 2012.
Les besoins des banques espagnoles et du refinancement des dettes de l’Etat lorsqu’elles arrivent à échéance vont, selon toute vraisemblance dépasser les 500 milliards €uros disponibles du MES.
Et maintenant, l’Italie. Certes, comme le rappelle la rubrique LEX COLUMN du Financial Times (14 juin 2012) : « l’Italie, à la différence de l’Espagne, reste un pays riche qui devrait pouvoir être capable de se débrouiller seul ».
Mais, tous lui reprochent une dette d’Etat de 120% du PIB. En fait, c’était déjà vrai en 1994, donc cela n’est pas nouveau. Le déficit budgétaire pour 2012 ne dépasse pas 2,5% du PIB.
En fait, pour les marchés, l’Italie, c’est la plus grosse cigale…
Il se peut donc, qu’aux ides d’août, lorsque le ventilateur brassera l’épaisse moiteur, l’Italie ne puisse plus renouveler ses dettes à leurs échéances.
Or, le MES sera vidé par l’Espagne. En d’autres termes, l’Espagne est trop grosse pour faire faillite et l’Italie est trop grosse pour être sauvée…
Que fera le Professeur Mario Monti pour rembourser les dettes de l’Italie à leur échéance, ce qui exige tout de même un effort de 18% du PIB (120% divisé par un peu plus de 7 ans, durée moyenne des titres d’Etat italien) ?
Voilà qui est plus dur que de préparer un cours d’économie à l’Université Bocconi pour affirmer la nécessité des reformes de structure,
Or, l’Italie est la seule cigale sérieuse de l’Eurozone.
D’ailleurs, l’Etat est la seule cigale d’Italie puisqu’avec un endettement de 45% du PIB (130% en Espagne et en Grande Bretagne), les ménages italiens sont de vraies fourmis. De même, les entreprises sont peu endettées (56% du PIB contre 135% en Espagne).
Les banques italiennes sont bien gérées, leur seule faiblesse étant les 295 milliards €uros de titres d’Etat italien qu’elles ont achetés.
L’industrie italienne est la deuxième d’Europe, avant même celles de la France et de la Grande Bretagne.
Si l’Italie ne peut pas renouveler ses dettes à échéance, et si l’Europe, en fait l’Allemagne, n’a pas d’euros, reste le retour à l’euro lire.
Si le retour à la drachme ou à la peseta sont irréalistes car ce seraient des monnaies de singe, le retour à l’euro lire est possible : ce serait une dévaluation camouflée, mais après l’opération, les investisseurs des marchés reviendront lorsqu’ils verront que le pays est sérieux…c’est incontestablement le cas de l’Italie.
L’Italie va, d’ici quelques semaines, devoir choisir entre un maintien vraisemblablement impossible dans l’euro ou le retour à l’euro lire, elle en a les moyens. C’est en cela qu’elle devient le pays décisif de l’Eurozone.
« Italia farà da sè. » « L’Italie se fera elle-même. », proverbe national fort cher aux Italiens.
Morad EL HATTAB & Philippe JUMEL
Auteurs du livre KRIZ (Ed. Léo Scheer)
P.S. : KRIZ par Laurent Pinsolle pour MARIANNE 2, lien internet : http://www.leoscheer.com/blog/2012/04/11/1897-kriz-de-morad-el-hattab-par-laurent-pinsolle
Article précédent sur l’Italie : http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/scoop-l-italie-quitte-l-euro-118508
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