La baisse du Dollar : un protectionnisme (à peine) déguisé ?
Les déclarations d’intention des leaders du G 20 et l’hypothétique intensification de la régulation des Banques et des marchés ne suffiront pas à éviter de nouvelles conflagrations financières agrémentées de protectionnisme et de tensions politiques tant que les Etats-Unis et la Chine n’auront pas réglé la problématique absolument cruciale des déséquilibres de leurs flux commerciaux et financiers.
Le retour de balancier que doivent gérer aujourd’hui les Américains est tout à la fois troublant et ironique car c’est en effet l’Administration du Président Franklin D. Roosevelt qui avait créé pendant la seconde guerre mondiale le F.M.I. dont la mission fondamentale était de veiller à la sauvegarde des taux de change fixes, ce système étant le seul jugé fiable à l’époque y compris par Keynes qui rejetait catégoriquement le flottement des monnaies. La préoccupation des Etats-Unis étant d’apprendre, d’aider et de faire pression via le F.M.I. sur certains pays - ne parvenant plus à honorer leurs engagements suite aux déboires de la Grande Dépression - afin de maintenir la stabilité de leurs monnaies respectives. La décision Chinoise de fixer en 1994 la parité de sa devise, le Yuan, au dollar Américain dans le cadre de sa stratégie d’intégration économique globale aurait donc été d’autant plus applaudie par Roosevelt que cette indexation lui aura en partie permis de traverser sans trop de tumultes - et tout cas sans dévaluation - l’ouragan de la crise Asiatique de 1997-1998.
Le monde semble plus avoir changé ces quinze dernières années que durant les cinquante années précédentes : C’était en effet encore en 1998 que Robert Rubin, secrétaire d’Etat US au Trésor, félicitait la Chine d’avoir su préserver un "ilôt de stabilité dans une région turbulente". Quelques années plus tard, les même Etats-Unis vantaient les charmes des parités monétaires flottantes en exerçant une pression sur la Chine qui devait libérer la cotation de sa monnaie appelée, selon eux, à se ré évaluer sur les marchés. Un système des change flottants allant ainsi naturellement de pair avec un commerce libéralisé... Quelques années plus tard encore - en fait en Janvier 2009 -, le Secrétaire d’Etat US au Trésor, Timothy Geithner, accusait la Chine de "manipuler" sa monnaie tout en la mettant en garde de mesures de rétorsion Américaines "agressives" si elle n’assouplissait pas la cotation de son Yuan.
La situation a effectivement dramatiquement changé pour les Etats-Unis qui ne sont plus la première nation créditrice, qui ne contrôlent plus les réserves mondiales d’or, qui sont aujourd’hui les premiers débiteurs mondiaux et ... qui ont changé d’avis. Le système de taux de change fixes - qui interdisait à leurs partenaires commerciaux de procéder à des dévaluations compétitives - ne fait en effet plus aujourd’hui leur bonheur car le système flottant leur permet de déprécier la valorisation de leur dollar afin de promouvoir leurs propres exportations. Keynes n’avait-il pas eu cette très célèbre répartie : "Quand les faits changent Messieurs, je change d’avis" ?
La Chine, tout comme le Brésil et la Russie, tentent certes de contourner le dollar dans le cadre de leurs échanges commerciaux bilatéraux en initiant un troc consistant en l’achat de marchandises en contrepartie de la vente d’autres ayant la même valeur... Pour autant, les Etats-Unis - qui ont été les promoteurs des accords de Bretton Woods ayant favorisé la libéralisation du commerce international- , ne se s’aperçoivent-ils donc pas que la manipulation à outrance de leur propre monnaie semble menacer le système commercial mondial jusque dans ses fondements en forçant certains partenaires à des accords bilatéraux par nature discriminatoires vis-à-vis des autres partenaires commerciaux ?
Il n’est plus possible aujourd’hui à la première nation débitrice au monde de soulager son économie par une relance de ses exportations car le prix à payer serait à terme autrement plus sévère : Il y va en effet de la survie même du système des échanges internationaux. Mais les Etats-Unis - préoccupés par la sauvegarde de leurs intérêts propres - seront-ils dignes de leurs responsabilités internationales ?
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