La bande des 3000
Michel Sapin, député socialiste, n’a pas tort : « ces 3000 contribuables sont en situation de fraude, ils doivent être soumis à la procédure normale et être déférés devant le juge »[1]. Et en finir avec cette « amnistie déguisée »[2] qui masque une singulière façon de procéder. Imaginerait-on le ministre de l’Intérieur se limiter à exiger, par voie de presse, d’une bande de receleurs d’autoradios, connue et repérée, qu’elle rende son butin ?
Eric Woerth, ministre du Budget, a pourtant annoncé, ce dimanche 30 août, qu’il laissait jusqu’au 31 décembre aux « 3000 contribuables détenteurs de comptes dans les banques suisses »[3], dont il dispose « les numéros de comptes et les montants en dépôts », pour régulariser leur situation. Ne serait-il pas légitime d’attendre des autorités disposant de telles informations qu’elles ouvrent au plus vite des enquêtes sur chacun des contribuables concernés, qui plus est lorsqu’il est précisé qu’une partie des dépôts suisses « correspond très probablement à de l’évasion fiscale »[4] ? Pour au moins deux raisons. Afin d’éviter une justice à deux vitesses entre des délinquants en col blanc non poursuivis par la justice et les auteurs de menus larcins auxquels la justice ne fait aucun cadeau. Mais aussi afin que ces injonctions médiatisées soient suivies d’effets : fin juillet, Bercy paradait alors que seuls 19 des 64 groupes familiaux suspectés de fraude fiscale au Liechtenstein avaient officiellement « régularisé » leur situation[5].
Sur le registre de l’efficacité, ne faut-il pas s’accorder avec le Snui lorsque celui-ci demande des moyens suffisants pour lutter contre l’évasion fiscale ? Comment le gouvernement peut-il justifier que, ces dernières années, « les moyens de frauder se sont développés alors que les moyens alloués au contrôle fiscal stagnaient (l’arsenal juridique n’a pas été renforcé) voire diminuaient »[6], à l’image des effectifs (-12 % en 7 ans) ? Au risque que les Français-e-s se rendent compte rapidement que Woerth fait du vent avec les 3000, comme d’autres en ont fait avec la cité des 4000 à la Courneuve.
A ce sujet, il faut noter que les indices et preuves selon lesquels la fraude fiscale et financière est en augmentation s’accumulent. Sans grande réaction. C’est d’abord l’ONG Transparency International qui montrait en septembre 2008 que la France se trouve, concernant son indice de perception de la corruption, aux côtés de la Barbade et de Sainte-Lucie, deux paradis fiscaux. De son côté, le GRECO affirmait en mars que la France avait « restreint assez fortement ses compétences et ses capacités de poursuite à l’égard des affaires de dimension transnationale ».
Et si l’on en croit les annonces gouvernementales, cela n’est pas près de s’arrêter. Ainsi, Hervé Novelli, secrétaire d’Etat au Commerce et au PME, a repoussé « l’idée d’interdire aux banques d’exercer leur activité dans les paradis fiscaux » portée par une proposition de loi défendue par Jean-Pierre Brard (apparenté PCF). Sont annoncés l’extension du secret-défense alors que l’affaire des frégates de Taïwan vient d’être classée sans que toute la vérité soit faite ; la suppression du juge d’instruction qui finira de marginaliser le pôle d’instruction financière ; ou encore la dépénalisation du droit des affaires, selon un rapport remis à Rachid Dati en février 2008, qui instaurerait des procédures d’exception au profit de la délinquance économique et financière…
Dans ces conditions, doit-on s’étonner que le dossier de la caisse noire de
[1] http://www.lematin.ch/flash-info/monde/3000-comptes-suisses-sapin-ps-horrifie-denonce-amnistie-deguisee
[2] Ibid.
[4] Ibid.
[5] Cité in Libération, Lundi 31 septembre, Gregoire Bisau, Woerth déteteur de 3000 noms de fraudeurs.
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