Cela
fait un certain temps que j’avais envie de "poster" sur la "belle
Christine". Pas celle qui a bercé le
20 heures de notre adolescence et
que l’on revoit encore sur France 3 le dimanche soir, mais plutôt celle
qui est notre actuelle
ministre de l’Economie, des Finances et de l’Emploi.
Les rumeurs démenties de sa démission la semaine dernière sont une bonne occasion de parler un peu d’elle...
Cette
femme élégante au beau sourire est la plus Américaine des Françaises.
Elle a travaillé vingt-cinq ans pour le cabinet d’avocat Baker & McEnzie
dont elle a été la présidente de 1999 à 2004. Elle a appris, dans cette
période, à beaucoup travailler, à entrer rapidement dans des dossiers
compliqués, à négocier élégamment pour le compte de ses clients et elle
a baigné dans un environnement international lui permettant à la fois
d’être à l’aise partout sur la planète tout en étant soucieuse des
différences "culturelles" que son parcours lui a forcément fait toucher
du doigt.
Lorsqu’elle devint ministre du
Commerce extérieur (étonnamment soutenue par un Chirac vieillissant et
de plus en plus navrant), sa nomination relevait de l’excellent
casting. J’ai, à cette époque, entendu la ministre s’exprimer sur les
négociations au sein de l’OMC : elle était extrêmement pédagogue et
semblait dominer parfaitement ce dossier complexe. De façon générale,
dans une économie globalisée, dans une France de plus en plus
dépendante de décisions européennes et dans un contexte où la France,
nostalgique de son passé glorieux, paraît souvent ridicule à
l’extérieur, avoir une ministre parfaitement bilingue (et comprenant la
culture anglo-saxonne) était un atout évident (ndlr : je ne sais pas si
l’onctueux Michel Barnier, actuel ministre l’Agriculture et ancien
commissaire européen s’est mis à parler la langue de Shakespeare. En
tout cas, son incapacité passée a pendant longtemps fait bien rire le "tout-Bruxelles").
Sarko
élu, la belle Christine se voit attribuer pour un mois l’agriculture et
la pêche. Elle aurait, si cela avait dû continuer, fait sans doute un
excellent "job" pour trouver à Bruxelles les bons compromis défendant
les intérêts de nos agriculteurs ou marins-pêcheurs sans pour autant
ringardiser plus avant les positions de notre "pays de tradition" qui a
peur de tous les changements et qui semble trouver normal que 50 % des
dépenses du budget européen soient consacrées à l’agriculture...
Après le début de mission catastrophique du fièvreux Borloo à l’Economie et les législatives de juin 2007 (cf
Les 22 de Sarko et
Un coup de Juppé dans l’eau),
elle est propulsée à Bercy dans le grand bureau d’angle où jamais une
femme n’avait, pour l’instant, été titulaire du fauteuil...
Avocate
habituée à défendre avec intelligence et ténacité ses clients et non
forcément à être celle qui donne la direction, celle qui a tenté
plusieurs fois sans succès dans sa jeunesse d’intégrer l’ENA, se trouve
confrontée à la "bercytocratie" experte en règlements compliqués, en
mesurettes politiquement correctes, mais inefficaces économiquement, et
fort habile pour défendre à son corps défendant toute véritable
transformation de notre pays affaiblissant le tout-puissant Etat colbertiste qui l’a engendré et lui donne des pouvoirs exorbitants...
Pendant
presque huit mois, elle doit également, telle une girouette de bord de
mer, essayer de suivre notre vibrionnant président un jour libéral, un
jour étatiste, un jour apôtre du vrai changement, un jour ardent
défendeur d’une réformette marginale... La période n’a pas été facile
et le fait qu’elle ait souhaité, la semaine dernière, démissionner est
plus que plausible. Quand on connaît, en plus, les croche-pattes que
le vénéneux et néanmoins talentueux Xavier Bertrand, ministre du Travail a tenté de lui faire pour "avoir au moins Bercy si Matignon lui
est refusé", on comprend que la vie quotidienne de la belle Christine
n’est pas tout à fait celle qu’elle souhaitait.
"Christine,
attendez les élections municipales et le remaniement" a dû lui demander
François Fillon. Bonne fille, elle a accepté et démenti les rumeurs...
La
morale de cette histoire est triste : une ministre de l’Economie
talentueuse et motivée, qui sait dans quel monde nous vivons, mais qui
n’est issue ni du sérail technocratique ni des partis politiques ne
peut pas être le commandant en chef de Bercy. La mutinerie arriverait
tôt ou tard et, encore plus vite, si l’empereur de l’Elysée se laisse à
nouveau tenter par l’interventionnisme, l’étatisme et la démagogie qui
ont conduit depuis vingt-cinq ans notre pays au déclin qu’il connaît.
La belle Christine ne sera pas sélectionnée dans les 22 du gouvernement Sarko 3... Triste, non ?