La cagnotte numérique de l’Etat
Le contenu des bases de données de l’Etat pourrait générer des recettes supplémentaires, à condition d’en saisir le potentiel de valorisation.

Une cagnotte ?
Non, en cette période de gestion sérieuse du budget, il ne s’agit pas de rentrées fiscales plus fortes que prévues, mais plutôt d’un héritage inattendu : la valeur des données détenues par l’Etat.
Un patrimoine immatériel
Récoltées au départ pour des besoins de gestion, les informations détenues par l’Etat concernent de nombreux secteurs de la vie quotidienne : informations fiscales, économiques, culturelles, écologiques, etc. Les systèmes d’information des ministères regorgent ainsi de données dont on peut aujourd’hui poser la question de leur valorisation, au-delà de leur stricte utilisation de gestion.
S’il ne s’agit évidemment pas de divulguer des informations nominatives, les données dont l’Etat dispose sur le patrimoine culturel, la biodiversité des territoires, la structure des économies locales peuvent servir de support à des services à valeur ajoutée et intéresser les particuliers, les collectivités et les entreprises qui, les utilisant à leur tour dans un cadre commercial, permettraient à l’Etat d’en monétiser l’usage.
L’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat (APIE) œuvre à ce titre pour faire prendre conscience aux administrations qu’elles peuvent vendre au prix du marché les éléments immatériels dont elles disposent. C’est, par exemple, le cas de la marque « Musée du Louvre » (Abu Dhabi a dû verser 400 M€ pour uniquement en utiliser la dénomination), de l’accès aux salons de réception du Quai-d’Orsay ou des archives audiovisuelles (l’INA, dont la mission première est de conserver le patrimoine audiovisuel, dégage ainsi 1 M€ par an en recettes publicitaires et ventes d’images d’archives). Les données stockées dans les milliers d’applications informatiques de l’Etat sont autant d’opportunités de valorisation.
Par exemple, le catalogue en ligne des démarches administratives (www.service-public.fr) pourrait louer des espaces publicitaires contextuels (publicité pour un tour opérateur dans les pages voyages, pour un réseau d’agences immobilières dans les pages logement, etc.).
Les informations sur les droits de mutation détenues par l’administration fiscale, qui sont par nature une vue du marché immobilier, pourraient également être diffusées. Combinées avec les informations cadastrales, elles intéresseraient les collectivités, les professionnels de l’immobilier et, naturellement, les particuliers vendeurs ou acquéreurs. Il y a manifestement un marché pour de telles informations ou, tout du moins, pour l’audience qu’elles généreraient sur un site internet.
La liste, tant le système d’information de l’Etat est riche, serait trop longue à produire ici, mais il est important de comprendre que ces gisements de valeur, insoupçonnés puisque chaque administration n’est pas mandatée pour valoriser son patrimoine informationnel, constituent un capital intéressant pour développer l’économie numérique. En intervenant comme acteur de cette « nouvelle économie », l’Etat prendrait toute sa dimension stratégique.
Retour sur investissement suppose... investissement !
La valorisation des données de l’Etat passe évidemment par un investissement dans les systèmes d’information. Il s’agit de s’assurer de la qualité des données, d’en garantir l’interopérabilité sémantique (il arrive que d’une application informatique à l’autre, la même information soit codifiée différemment, ce qui en pénalise la consolidation), de regrouper, d’indexer et d’enrichir les contenus numériques ainsi constitués, d’en assurer, enfin, la diffusion et le partage. Cela a un coût, parfois faible lorsque l’histoire a bien fait les choses (données centralisées, sites internet déjà bien élaborés), parfois plus lourd (données diffuses dans plusieurs organisations, non-appréhension du caractère stratégique des systèmes d’information).
Faut-il que l’Etat investisse,
donc dépense, dans cette voie ? Faut-il nouer des partenariats
public-privé pour partager les coûts et les gains d’une telle démarche ?
Le risque, faute de stratégie nationale en matière de systèmes d’information, est peut-être de ne rien faire.
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