La confiance allemande boudée par les investisseurs
Mercredi, l'Allemagne n'a pas trouvé preneurs pour 30 % des obligations gouvernementales qu'elle avait proposées au marché. En effet, les investisseurs cherchent un lieu sûr pour placer leur argent. Au-delà des obligations allemandes, reste-t-il une autre place européenne pour traiter des affaires solides ?
La surprise est venue de l'échec allemand, lors d'une vente d'obligations pour renflouer les caisses en vue d'opérations gouvernementales. Un tiers des obligations n'a pas été vendu ce qui a généré une atmosphère de crainte dans la zone Euro incluant l'Allemagne.
Les analystes financiers tempèrent la crainte en expliquant qu'il ne faut pas focaliser sur de simples obligations ponctuelles. Mais, le prestige allemand est dégradé. Ce qui limitera désormais son pouvoir de décision lors des sommets européens de crise.
Une impression s'impose dans les esprits : la Banque Centrale et les grands états européens agiront ensemble pour sauver l'euro, mais l'ensemble de la zone euro commence à se déliter. La crise a frappé 5 grands états européens dont l'Italie et la Grèce, qui empruntent désormais à des taux élevés. La crise incite d'ores et déjà les investisseurs à retirer l'argent de la zone euro.
L'Allemagne défend l'austérité pour maintenir la confiance. C'est le discours qu'elle impose pendant les sommets européens de crise. Elle refuse que la Banque Centrale prête des fonds de sauvegarde aux gouvernements en difficulté.
Les investisseurs viennent de signifier aux Allemands, qu'ils ne croient pas en cette politique. Selon Silvio Peruzzo, qui est un économiste de la Banque Royale écossaise : "C'est un des piliers sur lequel l'Allemagne a basé son approche politique." (...) "L'Allemagne pourrait perdre massivement sa capacité de négocier."
Mercredi dernier, l'Allemagne a tenté de rassembler 6 milliards d'euros lors d'une vente d'obligations sur 10 ans. Elle a réuni 3,9 milliards selon la Bundesbank. La succession des ventes aléatoires pourrait déplacer le débat vers "Trop d'austérité, nous avons besoin de croissance." selon Peruzzo. En outre, des signes annoncent que 17 pays membres de la zone euros entrent en récession. La sagesse et l'austérité allemandes semblent d'ores et déjà inefficaces.
Mercredi, la Commission Européenne, l'exécutif des 27 pays de l'Union, a proposé des mesures incluant, pour la première fois, l'émission d'obligations européennes soutenues par tous les pays de la zone euro. Malgré le refus allemand, cette idée paraît être la seule capable de rassurer le marché, puisque la crise persiste.
Lors d'un débat sur le budget mercredi à Berlin, la chancelière allemande Angela Merkel a réaffirmé son opposition à ces obligations. Toutefois, elle a laissé entrevoir de possibles recours à ces obligations émises par toute la zone euro dans un avenir, qui paraît finalement approcher à mesure que les échecs du plan allemand se précisent. L'échec des obligations allemandes est un tournant déterminant de cette crise, qui vient de frapper le coeur du système européen.
Charles Diebel, qui dirige les stratégies de marché à la Lloyds Banking de Londres, voit dans cet échec : "Une très signifiante grève des investisseurs." Puisque la crise atteint le coeur du système, elle est devenue systémique, selon Diebel.
La faible demande, lors de cette vente, indique que les investisseurs attendent que l'Allemagne et la Banque Centrale Européenne, qui renflouent largement la zone euro, misent tout pour sauver l'euro. De plus, les profits annoncés de ces obligations étaient trop bas pour justifier un tel risque. Car, l'Allemagne va devoir soutenir l'Italie et l'Espagne, entre autres.
Diebel affirme que, cet échec allemand et le manque de décisions efficaces pour répondre à la crise pourraient provoquer "le risque accru d'un éclatement de l'euro." Toutefois, l'hypothèse d'obligations allemandes prenant de la valeur lors de cette chute de l'euro pourrait pousser les Allemands à rétablir le deutsch mark. Les économistes reconnaissent que le mark allemand serait plus fort que l'euro face aux autres monnaies.
Les officiels allemands tentent d'amoindrir l'importance de cet échec lors de la vente des obligations, mercredi dernier. Ils précisent que 9 ventes ont connu de semblables échecs, cette année, selon Jörg Müller, le porte-parole de l’Agence de Finance Allemande. "C'est la routine." Les demandes affluent généralement en fin d'année, pour boucler les ventes. Le gouvernement rentrera dans ses fonds.
Toutefois, en avril, la vente fut un échec puisque 19 % des acheteurs avaient boudé le produit. Les obligations refusées ont doublé mercredi dernier. Certes, Peruzzo pense qu'une minorité d'investisseurs doute de l'Allemagne. Mais, le marché est devenu si fragile en Europe, que le moindre accident peut déliter l'ensemble. Beaucoup s'interrogent : "Est-ce le début de l'érosion du crédit allemand ? "
Wall Street perçoit une alarme dans ce premier échec allemand. Les investisseurs auraient adressé un message à Franckfort : " Vous aussi, vous pouvez échouer." Le responsable des investissements de la Western Asset Management à New York pose cette question : " Pouvez-vous imaginer les conséquences d'un échec de ventes d'obligations du trésor U.S. ? " Les dominos tombent, et les deux derniers dominos sont les obligations allemandes et le trésor U.S.
C'est le premier pas qui mène vers l'intégration des politiques et de la finance en vue de créer les euro bonds pour sauver l'euro. Tout mène aussi vers une délégation des pouvoirs de chaque pays à l'autorité européenne globale, qui pourra reformuler les plans locaux pour éviter la prodigalité.
Le président de la commission, José Manuel Barroso souligne que : " Sans une gouvernance forte dans la zone euro, il sera difficile, voire impossible, de soutenir la monnaie commune". La proposition sera soumise à l'acceptation par les 27 pays.
Finalement, les Allemands ont toujours dit que les autorités européennes ont besoin d'un pouvoir accru de contrôle des dépenses dans la zone euro. Pour endiguer les chutes grecque et italienne causées par les gabegies entraînant l'ensemble de la zone euro dans la crise.
La conscience européenne vit des heures risquées dans ce jeu du "chacun pour soi" où les identités et sensibilités respectives devront s‘effacer, pour rétablir la cause commune. Désormais, tous les pays sont à risque. Les investisseurs cherchent désespérément un leadership dans cette Europe, qui fuit de toutes parts. Des obligations émises par toute la zone euro seront le signe de ce leadership global retrouvé. Ce qui est le seul message que les investisseurs entendront.
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