La Cour des Comptes veut... réduire les investissements !
L’audit de la Cour des Comptes, remis ce 2 juillet 2012, semble ne confirmer que ce qui était connu, notamment dans ses précédents rapports récents.
L’ampleur des économies à réaliser est très importante, 6 à 10 milliards en 2012, et jusqu’à 38 milliards en 2013... [1] [2] Notamment parce que la croissance ne devrait pas dépasser 1%, au lieu des 1,7% prévu pour 2013, mais aussi pour tenir compte d’amendes (5 milliards !), conséquences de procès perdus au niveau européen (affaires de la fiscalité des OPCVM et du précompte d’impôt sur les sociétés).
Ne surtout pas réduire les investissements...
Mais un point nous surprend beaucoup, le troisième des 3 leviers mis en avant (gel de la masse salariale des administrations publiques en valeur absolue, réexamen » des dépenses d’intervention, mieux choisir les investissements publics) : s’il est évident qu’une forte croissance des investissements est à interroger, il est tout aussi clair que le grand défaut des dépenses publiques, depuis des décennies, est justement d’avoir laissé filer les dépenses courantes, et d’avoir réduit les investissements porteurs d’avenir !
Selon la Cour, « les projets envisagés (Grenelle de l’environnement, investissements d’avenir, Grand Paris) pourraient se traduire par une forte croissance » de ces investissements « incompatible avec la situation financière du pays. »
Or les "investissements d’avenir" ont justement été choisis pour être les plus porteurs, au point que 8 Milliards sur les 35 prévus n’ont pas été affectés, pour donner les meilleures chances d’un retour.
René Ricol en charge de ce programme déclarait ces jours-ci que sur les 27 milliards décidés, seuls 5 seraient finalement des "subventions", puisque l’essentiel serait de la forme "avances remboursables" en cas de succès.
René Ricol, ancien commissaire aux comptes, semble avoir géré ce programme d’une main de maître, et peut-être les deux autres programmes (Grenelle de l’Environnement et Grand Paris) n’ont-ils pas bénéficié de la même inspiration. Peut-être les montants n’ont-ils pas été étalés correctement dans le temps, par exemple.
... à condition qu’ils soient pertinents, réellement rentables et porteurs d’avenirs !
Et si nous sommes très partisans d’une "croissance verte", peut-être les investissements prévus faisant suite au Grenelle n’ont-ils pas pris suffisamment en compte la situation économie du pays.
Mais à choisir entre dépenses de fonctionnement et investissements, il est clair que la priorité doit être donnée aux investissements, et ceci tout particulièrement dans un contexte de crise et de dettes abyssales : c’est le seul moyen de redresser les comptes de la France, à terme, et les créanciers de la France ne pourront qu’y être favorables.
Il faut cependant bien entendu que les investissements choisis soient de réels investissements, et pertinents, avec de réelles chances de "retour sur investissement" (RSI). Et éviter notamment la "tendance générale à surestimer les bénéfices d’un projet pour les opérateurs et les gestionnaires d’infrastructures, du fait de prévisions de trafic trop optimistes." selon le rapport du député H. Mariton, 18 mai 2011, relatif au schéma national d’infrastructures de transport.
Surestimation du trafic "lourde de conséquences. Elle conduit l’État à surestimer la rentabilité socio-économique d’un projet et donc les subventions apparentes ex ante. De plus, des hypothèses trop élevées amènent RFF à accepter le financement d’un projet qui peut s’avérer porteur de déficit chronique ex post et donc être contraire au statut de l’établissement public".
Soyons donc vigilants !
Est-il nécessaire de rappeler les investissements démesurés, en Grèce et au Portugal par exemple, à l’occasion des Jeux Olympiques ou de l’Euro, dans des équipements et stades qui ne peuvent servir parce que gigantesques, mais que les citoyens, contribuables, y compris en Europe, doivent continuer à payer sur des décennies ?
Bref, si la Cour des Comptes vise ces habituelles dérives dans les investissements, notamment publics, alors bravo !
Mais il est malheureusement à craindre que les moins pertinents soient maintenus, et que les plus porteurs en revanche soient abandonnés, ce qui serait évidemment dramatique ! Nous craignons notamment que la tendance française à faire des travaux d’infrastructure, même non pertinents, ne soit privilégiée car très visibles, pendant que des investissements risqués, notamment dans les pôles de compétitivité, mais globalement rentables ne soient sacrifiés, et en particulier les "investissements d’avenir", sélectionnés par des jurys internationaux.
Il reviendra donc aux députés, mais aussi aux citoyens, de s’assurer que les habituelles dérives ne soient pas à nouveau constatées. Pour au contraire raviver et traduire dans les faits en France la "Stratégie de Lisbonne" (2010, puis 2020), et accélérer la transition vers une société de la connaissance, la plus dynamique et compétitive !
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