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La crise de la guerre

Il se trouve que j’ai eu à réfléchir sur un problème qui est toujours contemporain, la crise de la guerre, comme à l’occasion du conflit balkanique, conflit de l’ex-Yougoslavie, crise de la guerre qui n’est toujours pas résolue et qui reste un problème considérable pour notre époque.

A ce titre cette étude de la crise de la guerre m’a nécessairement amené à étudier de près le concept de crise, les fondements de la crise et que la crise qui nous touche aujourd’hui, depuis mettons un an, depuis juillet 2007 pour paraphraser les économistes et les médias, cette crise m’est un peu familière.

Mais je voudrais dire que cette crise financière, maintenant économique, pour importante voir dramatique quelle devienne sur le plan social, n’est jamais que le révélateur et le symptôme d’une crise plus profonde. En réalité un changement d’époque, comme il s’en produit très peu dans l’Histoire, et comme bien sûr il s’est produit au XVème et XVIème Siècle avec la Renaissance et l’apparition des Temps Modernes.

Il faut à mon avis éviter en particulier dans une situation aussi difficile et opaque, que l’arbre cache la forêt, et que cette crise masque en partie ce bouleversement du monde qui est en cours.

S’il s’agit effectivement de la fin d’une époque, de notre Histoire et de la naissance de Temps Nouveau, alors il ne faut pas se tromper de diagnostic et ne pas faire trop d’erreurs sur les remèdes. Certes la crise financière a ses causes directes, historique, politique, technique, qu’il faut savoir apprécier, mesurer, et comprendre. Elles sont autant d’enseignement sur les erreurs à éviter dans les prochains mois. Certes la crise financière également a des conséquences économiques et sociales, qu’il faudra bien sûr à tout prix tenter de maîtriser et de juguler. Mais à mes yeux le plus important, pour comprendre le mécanisme et la gravité de la crise actuelle est de la replacer dans le contexte historique des cinquante dernières années après la fin du temps européen en 1945, et avant l’entrée dans le temps mondial en 1990, c’est dans cette époque charnière entre 1945 et 1975, celle des 30 glorieuses, que tout s’est jouée et que les divers ingrédients qui alimentent la crise actuelle ont été mise en œuvre. Pour l’essentiel tous ces éléments ont concouru et abaissé puis à affaiblir ce qui était depuis des siècles en Europe, le mat de notre bateau, sa superstructure, ce qui lui donnait à la fois sa force et son sens, il s’agit du politique.

Plusieurs facteurs ont pesé sur le politique :

- Le premier, c’est l’échec puis la fin des Grandes Idéologies porteuses d’avenir et d’utopie. Les expériences totalitaires du XXème Siècle ont ruiné la plupart des grandes idées utopiques nées de la philosophie européenne. Elles ont décrédibilisé les projets politiques quelles inspiraient.

- Le deuxième facteur, directement lié au premier, est la prise du pouvoir par les économistes, ceux qui dirigeaient et théorisaient l’économie.

Ils ont offert aux peuples, à tous les peuples, une solution de remplacement et une solution apparemment pacifique. Elle consistait à atteindre le bonheur par le bien être, à s’inscrire dans un modèle de développement solide, consensuel, efficace. Les économistes ont promis en fait d’atteindre les finalités des sociétés par la croissance, et à titre d’exemple, de refonder une Europe ruinée et déchirée par le charbon et par l’acier. L’idée politique du bonheur humain tel que la développe Aldous Huxley dans le meilleur des mondes, était remplacé par la pratique du bien être, d’une autre façon, un monde de soldat allait succéder un monde de marchand.

Les économistes ont imposé leur point de vue d’autant plus facilement qu’ils étaient parvenu à s’arroger le pouvoir financier, ils n’ont eu de cesse d’en débarrasser le politique pour l’exercer à leur profit. C’est cet abandon du politique que nous subissons aujourd’hui.
 
 De tout temps les politiques avaient la responsabilité du projet de société, soit parce que le politique en décidait lui-même dans les régimes autoritaires, soit qu’il en était l’exécuteur légitime dans les systèmes démocratiques. C’est dans l’exécution de ce projet de société, la plupart du temps existentiel puis nationaliste que le pouvoir politique a abusé de ses pouvoirs et entrainé l’humanité dans une sorte de faillite par l’excès puis l’échec de la guerre. C’est à cause de cet échec qu’il a été dépouillé de son pouvoir, et que les projets de société ont été remplacés par des plans de croissance.

Le problème du plan de croissance est double :

- D’abord aucun plan de croissance n’a jamais fait rêver les peuples, et débouche souvent sur des révoltes, comme celle de mai 68.

- Ensuite ils contiennent en eux-mêmes leur propre perte, car les arbres ne montent pas au ciel et tout système quantitatif rencontre des contradictions, et en tout cas un jour, ses limites.

Nous sommes parvenus aujourd’hui à ce stade où nous sommes privés de tout. Nous n’avons plus de projet de société, et notre plan de croissance est en panne.

Que faire ?

En dehors des remèdes qui sont élaborés pour servir d’amortisseur à la crise actuelle, et qui paraissent pour certain éminemment discutable tant le tonneau paraît ne pas avoir de fond, je pense qu’il faut revoir l’essentiel du fonctionnement de la société et s’agissant d’une humanité mondialisée, de la société mondiale qu’est l’Humanité.

Amortir le choc de la crise signifie d’abord qu’on ne greffe pas l’avenir par un endettement colossal ou par des mesures démagogiques. Les risques d’explosions sont réels, la Guadeloupe française en donne déjà aujourd’hui des indices.

Ce qu’il nous faut c’est reconstruire des structures sociopolitiques, qui permettent :

  1. De refonder un projet de société et donc de rendre sa place légitime au politique,
  2. De remettre à leur place importante, voire essentielle mais seconde, les diverses techniques et de le faire d’autant mieux et d’autant plus vite que les techniques détiennent des clefs dont notre avenir dépendra notamment le développement et la survie de la planète.

Dans nos systèmes classiques, ces structures de société ont toujours été des structures verticales, où le haut, c’est-à-dire le politique, imposait son point de vue au bas. Ce système ne peut plus fonctionner. D’une part en raison de l’abaissement du politique, qui est décrit plus haut, et d’autre part, et surtout, en raison de l’émergence du bas. Que cette dernière soit représentée par les citoyens dans chaque pays, ou à l’échelle du monde par les pays émergeants d’Afrique et d’Asie, notamment la Chine et l’Inde. Il est d’ailleurs un peu surprenant en 2009 que ces deux géants démographiques et économiques ne soient pas membre de plein droit du club dirigeant de la planète qu’est le G7.

En réalité à l’échelle des pays comme à celle du monde, on parle beaucoup de démocratie mais on ne la pratique guère. Ce que j’ose proposer c’est qu’on mette enfin en œuvre les structures qui permettront un jour à la démocratie de s’exercer. Cette procédure est à mes yeux la seule façon de pouvoir élaborer un nouveau projet de société. Sans doute un projet dont le volet principal sera commun à l’humanité et fondé sur des aspirations reconnues comme universel, sans doute aussi un projet dont les volets secondaires voire subsidiaires reconnaîtront les droits des peuples à la diversité. Le tout est de trouver un rapport équilibré entre les exigences de la diversité, le numérateur de la diversité, et le dénominateur de notre communauté.

Dans la société française par exemple, où il faudrait désamorcer la bombe sociale avant quelle n’explose, créer des Etats Généraux, que ceux-ci ont déjà connu en 1789, permettraient peut-être aux citoyens de s’exprimer ailleurs que dans la rue, et de faire passer aux dirigeants actuels un certain nombre de messages, qui semblent ne pas entendre. Peut-être de refonder alors, la relation entre la société et ses dirigeants. Peut-être pour la refondation du projet européen, aujourd’hui totalement ensablé, faudrait-il utiliser des procédures du même ordre. S’agissant de la gouvernance mondiale où la lourde technostructure actuelle est inefficace, et manipulée par des intérêts, sans doute l’idée d’Etats Généraux, est-elle impraticable mais il faudrait y réfléchir à une formule qui permettrait d’associer effectivement tous les peuples à la définition de leur propre destin.

  
 Projet de société, refonder les structures sociopolitiques, enfin, ce projet de société s’il doit être inspiré des citoyens et de leur propre aspiration, ne peut être ni élaboré, ni mise en œuvre sans la constitution d’élite nouvelle, soucieuse du bien commun, et respectueuse des cultures. Le populisme et la démagogie sont en effet les pires des dangers. L’oligarchisme ou la ploutocratie le sont aussi.

L’essentiel de notre tâche doit donc consister à former de nouvelles élites. Où sont formées les élites actuelles ? Dans les Business School, où elles apprennent comment démarrer à €30 000 annuel pour atteindre vite le palier de €200 000, but de la vie, à partir duquel tout est possible.

Il faut bien sûr fonder les cadres des générations avenirs sur d’autres bases que celle du management et du marketing, nos enfants et petits enfants valent beaucoup mieux que cela.

 
En conclusion, je dirais que la situation actuelle est sans doute grave, complexe et très dangereuse. Si on se réfère à l’histoire, celle du XVème Siècle, qui en principe nous est encore familier, cette époque de l’histoire européenne est celle de la Renaissance, du débouché des Temps Modernes, de la création de l’Etat Nation, mais c’est aussi l’époque des guerres de religions, des guerres où nous nous sommes entredéchirés, annonçant trois siècles de guerres fratricides. Donc la crise, celle d’aujourd’hui comme celle d’hier portent en elle, comme le dise très bien les chinois, par le mot chinois 危机 [wēi jī], qui veut dire danger et opportunité, cette crise est la crise de tous les dangers mais peut-être aussi la crise de toutes les chances.

Il faut certes gérer cette crise, celle que nous sommes entrain de commencer à traverser mais en préparant le monde de demain, et non pas essayer de faire les choses successivement. Ce qu’il nous faut préparer c’est un monde différent de celui que nous sommes entrain de quitter, un monde qui sera aussi dangereux, qui sera sans doute toujours injuste mais je l’espère toujours aussi passionnant à vivre. 


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9 réactions à cet article    


  • Kalki Kalki 17 mars 2009 18:36

    Vous voulez reconstruire le monde sur les modèles passés finalement :

    et pour obtenir quoi au finale ?

    Le meme systeme .

    Oh il sera bon et fonctionnera la première génération, mais partira rapidement à la dérive.

    Ou placez vous la démocratie, dans les élites, c’est le sens de démocratie surement.

    "Impossible n’est pas Français, possible est danois."


    • FYI FYI 18 mars 2009 13:22

      Vous m’avez peut-être pas lu entièrement :

      "Dans nos systèmes classiques, ces structures de société ont toujours été des structures verticales, où le haut, c’est-à-dire le politique, imposait son point de vue au bas. Ce système ne peut plus fonctionner. D’une part en raison de l’abaissement du politique, qui est décrit plus haut, et d’autre part, et surtout, en raison de l’émergence du bas."


    • plancherDesVaches 17 mars 2009 21:30

      "sans la constitution d’élite nouvelle, soucieuse du bien commun, et respectueuse des cultures."

      Surtout sans, oui.
      Vous pensez que les 250 personnes les plus riches du monde se soucient qu’elle possèdent autant que les 2,5 milliards les plus pauvres... ?
      Au contraire, ça leur fait plaisir.
      Si élite signifie pour vous politiques, vous devriez essayer de vous rendre compte, un jour, qu’un politique est asservi à ces 250 personnes les plus riches.
      Et je ne parle pas que du Notre Président.


      • FYI FYI 18 mars 2009 13:25

        Je vous parle de leader pas d’oligarchisme ou la ploutocratie.
        Maintenant il faut réinventer la forme et les procédures d’élection et de représentativité pour une démocratie plus vivante et légitime pour le plus grand bien de tous. C’est possible !!!


      • Blé 18 mars 2009 06:15

        Envers et contre tout, pour le moment en France, ce sont les idées d’une minorité qui possède le pouvoir qui impose son point de vue.

        Le nain n’a pas été élu pour augmenter les impôts mais :


        - pour créer une franchise médicale

        - supprimer l’aide au transport des personnes handicapées

        - supprimer des milliers de postes de la fonction public

        - privatiser à tout va l’école, la santé, la communication,etc...

        - permettre les O G M

        - déréguler la justice

        - supprimer le droit des affaires (ou presque)

        - tranférer les charges de l’état sur les régions(moins d’impôts sur les revenus mais plus d’impôts locaux)

        - multiplier la surveillance des citoyens

        - rendre la vie des gens modestes de plus en plus difficile (voir ce qui se passe dans les pôles emplois)

        - etc..., etc..., etc...

        Je n’entends pas beaucoup d’élites politiques, économiques et médiatiques dénoncer ce que la classe dominante fait subir aux classes dominées. La classe dominante se conduit envers les concitoyens comme des "saigneurs". Ce ne sont pas les français qui ont besoin "d’élites" mais bel et bien les élites qui ont besoin des français pour vivre. La terre ne s’arrêtera pas de tourner quand le nain quittera le pouvoir.


        • Walden Walden 18 mars 2009 13:31

          "L’essentiel de notre tâche doit donc consister à former de nouvelles élites". Enorme paradoxe en effet, que de vouloir requalifier la démocratie et fonder un nouveau projet de société" dont le volet principal sera commun à l’humanité et fondé sur des aspirations reconnues comme universel" en s’appuyant d’abord sur la formation d’élites !!!

          Car enfin, l’Histoire démontre que les élites agissent rarement pour le bien commun de l’humanité, encore moins pour des aspirations universelles, mais d’abord par ambition personnelle et pour leur intérêt propre, et accessoirement pour satisfaire aux attentes de la caste qu’ils représentent. S’attacher en premier lieu à former des élites, c’est se préoccuper avant tout de savoir selon quels critères seront formatés les nouveaux maîtres, autrement dit, à quelle sauce les cannibales vont désormais nous manger...


          • Walden Walden 18 mars 2009 13:37

            Autant pour moi, lire : "de la caste qu’elles représentent [les élites]".

            N.B. : Je ne comprends pas bien le lien entre le titre "La crise de la guerre" (dont je ne perçois pas non plus le sens), et le contenu de l’article (au demeurant intéressant) ?


          • FYI FYI 18 mars 2009 13:57

            Sur le principe vos critiques sur les élites sont fondés, leur dérives sont toujours les mêmes, ceci dit au lieu d’élite on pourrait penser à des leaders, mais le terme n’est pas important, ce qu’il faut ce sont des personnes élus démocratiquement pour des fonctions bien encadrées avec des contres-pouvoirs efficaces.
            Mais la meilleure des constitutions n’est rien sans un peuple alerte pour contrer justement les dérives.
            Ce sont certainement des mots à vos yeux mais comment diriger une société si personne ne représente personne ? C’est le plus sûr moyen d’être organisé en armée méxicaine, c’est inefficace.


          • FYI FYI 18 mars 2009 14:05

            "N.B. : Je ne comprends pas bien le lien entre le titre "La crise de la guerre" (dont je ne perçois pas non plus le sens), et le contenu de l’article (au demeurant intéressant) ?"

            La crise de la guerre traduit la fin de notre type de civilisation, basée sur la force, la destruction et la spolation plus de la philosophie, et les droits de l’homme...
            La civilisation occidentale s’est imposée par les guerres depuis la Renaissance (génocides du continent Sud-américain et du Nord-américain, la guerre civile occidentale très meurtrière 14-18 & 39-45, la mise à sac de l’Afrique, le Moyen-Orient etc ...)

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