La crise et la pensée magique
La crise ! Quelle crise ? Qu’on claironne de manière aussi faussement ingénue que la crise est passée, j’en reste bouche-bée. Et ça fait des mois que ça dure. Avec aplomb on annonce tranquillement que la crise est officiellement terminée. Ce sont les mots exacts : officiellement, et terminée. Voyons cela d’un peu plus près.
Améliorations sectorielles ?
Un système de communication qui ne laisse place qu’à 140 caractères, ça laisse toute latitude de duperie à un titre nous affirmant “Emploi : la crise est officiellement finie”. Pensez-donc : les titres sont en moyenne cinq fois plus lus que les textes eux-mêmes. Or il s’agit d’une information sectorielle, voire de niche. L’informatique se frotte les mains, ou plutôt l’informatique de gestion. Il eût fallu dire que l’emploi redémarre surtout pour les cadres dans l’informatique de gestion. Or, avec cette information de nombreuses fois retweetée, on peut percevoir dans les conversations superficielles que l’information est reçue comme portant globalement sur l’emploi. L’article nous apprend plus loin que “L’amélioration du climat économique donne un regain d’intérêt aux jeunes diplômés, les dindons de la farce depuis le déclenchement de la crise en 2008.” Cher monsieur, au risque de jouer les Cassandre de service, ils sont toujours les dindons de la farce, et pour longtemps. Mais ce genre d’articles révèle un climat de pensée magique finalement assez répandu dans la grande presse.
Incantations de magiciens en panne
Jacques Marseille avait déjà prévu que la fin de la crise aurait lieu en avril-mai 2009, appuyé par la Une optimiste du Point titrée « Et si on s’en sortait ? ». Cette Une affichait la photo d’un Président tout sourire, empathique, presque rassurant. Il est quand même brave face à l’épreuve se dit la ménagère.
Même culot dans le numéro du 19 août 2010 : Immobilier, c’est reparti.
Pour la défense du Point et de Jacques Marseille, ce ne sont pas les seuls à user de la pensée magique. Voyez le chapeau de cet article de l’Usine Nouvelle. Le chapeau est le passage incontournable des lecteurs pressés. Il nous assure que « les chiffres sont formels, la crise est finie ». Encore un exemple de culot magnifique. Je préfère pour ma part parler d’enrobage décadent. Le bonbon est amer, mettons-y du sucre candi.
Car voilà, le directeur de la Coface tempère. Il est prudent. « nous ne sommes pas encore revenus au niveau d’avant la crise ». Pourquoi donc emballer l’information dans un aussi beau papier cadeau ?
Selon la définition de Wikipedia, la pensée magique est « la croyance que certaines pensées pourraient provoquer l’accomplissement des désirs ou empêcher des événements ou des problèmes ». Pour le dire vite, c’est croire qu’il y a causalité entre le souhait et la réalité. O brave new world ! Voilà donc où nous sommes rendus. Comme au beau milieu de la Grande Dépression, nous chantons des ritournelles pathétiques. Les tubes de la Grande Dépression nous ont montré qu’en plein krach de 1929, on chantait “Happy days are here again”. Il semblerait que l’Homme ait du mal à apprendre de l’Histoire. Mais n’est-ce pas délicieusement désuet ?
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