La crise financière pour les nuls - 4e partie
J’avais écrit il y a quelques temps, sur AgoraVox, un article intitulé « La crise financière pour les nuls » qui avait reçu un accueil très favorable des lecteurs. Voici une version plus détaillée et plus complète. L’idée reste la même : expliquer la crise dans des termes accessibles au plus grand nombre.
Les deux premières parties ont été publiées fin 2009 début 2010 sur AgoraVox : rappel des bases, fonctionnement de la « planète Finance, » contexte précédant la crise. Voici la quatrième partie sur le déroulement de la crise en lui-même. Bonne lecture !
Dans les années 2000, à la sortie de l’éclatement de la bulle Internet, l’hyperconsommation des Américains a tiré vers le haut leur activité économique et par la même l’activité économique mondiale : rappelez-vous que plus les Américains consomment, plus le reste du monde en profite en tant que producteurs, et que plus l’activité économique américaine est à la hausse, plus le reste du monde en profite en tant qu’épargnants.
Cependant, plus l’activité économique est forte, plus elle fait tourner ses moteurs, au sens propre : les moteurs des moyens de transport qui permettent de faire circuler ses biens. Plus elle fait tourner ses moteurs, plus elle a besoin de carburant. Plus elle a besoin de carburant, plus elle a besoin de pétrole. Plus elle a besoin de pétrole, plus le prix du pétrole augmente. Plus le prix du pétrole augmente, plus les transports deviennent coûteux. Plus les transports deviennent coûteux, plus l’activité économique a du mal à poursuivre son essor et plus ce même essor commence d’abord à ralentir, puis à décliner. En d’autres termes, « l’or noir » agit comme l’ultime stabilisateur de l’activité économique quand tous les autres y ont échoué.
C’est ce qui s’est passé dans les années 2000. Commencée autour de 2003, l’augmentation de la demande mondiale de pétrole jusqu’en 2008 a été spectaculaire : exportatrice majeure à destination des Etats-Unis, celle de la Chine a doublé. Cette augmentation de la demande de pétrole a parallèlement fait augmenter son prix : en arrondissant grossièrement afin de se concentrer sur les ordres de grandeur, il a doublé entre 2000 et 2005, il a à nouveau doublé entre 2005 et 2007 ; lorsqu’il a atteint son plus haut pic à la mi-2008, il avait quintuplé par rapport à son niveau de 2000.
A partir du moment où la surchauffe de l’activité économique a provoqué une flambée de l’or noir qui en retour a forcé l’activité économique à ralentir, la consommation américaine a commencé à ralentir également. Elle a ralenti à la fois parce que l’activité économique n’arrivait plus à la satisfaire après la flambée de l’or noir, et parce qu’une fois l’activité économique ralentie, les Américains en tant que salariés ont commencé à moins avoir les moyens de consommer.
13. La crise des subprime et l’éclatement de la bulle immobilière.
Nous venons de voir que du fait de la flambée de l’or noir, les Américains en tant que salariés ont commencé à moins avoir les moyens de consommer. Le raisonnement vaut aussi pour les biens immobiliers : dans ces circonstances nouvelles, les particuliers prêts à en acheter sont devenus moins nombreux, ce qui a fait commencer une baisse de leurs prix.
Or nous avons vu que c’est justement lorsque les particuliers commencent à arrêter d’acheter qu’ils font éclater la bulle spéculative immobilière. La bulle éclatant en 2007, les prix des biens immobiliers ont donc commencé à baisser aux Etats-Unis, et à baisser de plus en plus.
Souvenez-vous que les particuliers pauvres qui ont bénéficié des prêts immobiliers appelés subprime les ont obtenus à des conditions bien précises : un taux d’intérêt variable et un délai d’une poignée d’années sans remboursement. Le calcul était de s’endetter pour acheter un bien immobilier au-dessus de leurs moyens en pariant sur la hausse de sa valeur ; comme son prix aurait encore monté, ils auraient été en mesure de se ré-endetter en contrepartie de cette augmentation de valeur afin de payer leurs dettes.
Ceux qui doivent commencer à rembourser leur prêt en 2007 vont le faire au pire moment. La bulle immobilière est en train d’éclater, ce qui fait que leur bien immobilier ne vaut plus ce qu’ils ont payé. En le revendant, ils n’ont donc aucune chance d’empocher un bénéfice, ni même de simplement rembourser leur prêt. Ils sont en défaut de paiement. Leurs domiciles sont saisis les uns après les autres mais, comme leur valeur a baissé avec l’éclatement de la bulle immobilière, ceux qui font saisir ces domiciles ne rentrent pas dans leurs frais.
Notez qu’on parle ici de « ceux qui font saisir ces domiciles, » et pas des « organismes de prêt. » Rappelez-vous : pour couvrir leurs arrières, les organismes de prêt ont vendu les subprime sur les marchés financiers en les mélangeant à des prêts moins risqués, tels des œufs pourris au milieu d’œufs frais.
Les défauts de paiement des particuliers se multiplient. Deux conséquences immédiates sont à souligner : d’une part, cette multiplication des saisies de domiciles entame encore la consommation des Américains, ce qui ralentit encore l’activité économique ; d’autre part, les pertes de ceux qui les font effectuer les obligent à vendre d’autres produits financiers pour se remettre en selle.
Nous sommes en 2007. L’éclatement de la bulle immobilière vient d’accoucher de la crise des subprime.
Nous avons vu que la crise des subprime a été provoquée par l’éclatement de la bulle immobilière, lui-même provoqué par le ralentissement de l’activité économique, lui-même provoqué par la flambée de l’or noir, elle-même provoquée par la surchauffe de l’activité économique, elle-même provoquée par la surconsommation américaine, financée grâce au surendettement américain, financé grâce à l’épargne non-américaine et notamment chinoise.
Rappelez-vous : ces subprime, mélangés à d’autres prêts moins risqués pour que l’ensemble passe pour un produit financier au risque raisonnable, avaient servi d’appui à des produits dérivés. Des investisseurs poids-lourds tels que des fonds d’investissement avaient ensuite acheté ces produits dérivés sur les marchés financiers. C’est donc pour rembourser ces poids-lourds qu’ont eu lieu les saisies des domiciles des particuliers pauvres incapables de rembourser leurs emprunts. Ce sont également eux qui, les prix des biens immobiliers ayant baissé avec l’éclatement de la bulle immobilière, ont essuyé des pertes malgré ces saisies.
Cependant, tous les fonds qui ont acquis ces produits dérivés appuyés sur des subprime et des prêts moins risqués ne les ont pas gardés dans leur portefeuille. Comme tout ce qui circule sur les marchés, ces produits ont été entretemps vendus, revendus, et revendus encore. Au fil de ces achats, ventes, reventes, ils ont par ailleurs été démembrés, remembrés, mélangés à d’autres produits, au gré de la créativité des concepteurs de produits dérivés. Les œufs pourris ont donc circulé parmi les fonds, les banques, au point de rendre très difficile de retrouver leur trace. De fait, lorsque leur présence est repérée, c’est généralement parce qu’ils viennent de creuser une lourde perte là où ils se trouvent.
Tout investisseur important sur les marchés financiers, typiquement une banque, est tenu de maintenir dans ses caisses une certaine somme d’argent proportionnelle à la valeur totale des produits financiers qu’il détient. Les investisseurs qui réalisent qu’ils ont ces œufs pourris dans leur panier et que ces derniers ont creusé chez eux de lourdes pertes doivent donc du jour au lendemain vendre des produits financiers pour rester à flots. En vendant ces produits financiers, ils en font baisser la valeur : par exemple, le cours des actions d’une entreprise cotée en bourse chute à chaque vague de ventes qu’elle subit. Or plus le prix d’un produit financier baisse, plus les acteurs boursiers s’empressent de s’en débarrasser. Par ailleurs, à chaque fois que le vendeur est un poids-lourd, typiquement un fonds d’investissement, le mouvement de vendeurs imitant son comportement est d’autant plus massif.
Les circonstances sont donc réunies pour que mois après mois, les baisses de valeur des produits financiers s’accumulent, entraînant des pertes, donc la vente d’autres produits financiers, donc de nouvelles baisses, donc de nouvelles pertes, donc de nouvelles ventes, et ainsi de suite.
A mi-chemin de 2007, deux fonds d’investissement de la grande banque américaine Bear Stearns s’effondrent. En septembre, la cinquième banque du Royaume-Uni n’évite la faillite que grâce à un prêt d’urgence de la Banque d’Angleterre mais devra tout de même être rachetée par le gouvernement britannique en février 2008, autrement dit nationalisée, pour la sauver définitivement de la déroute.
La marche à la crise financière a été provoquée par une crise immobilière américaine qui entretemps ne s’est pas arrêtée. Au début du mois de septembre 2008, les deux plus grandes institutions américaines de refinancement hypothécaire des Etats-Unis, c’est-à-dire les deux plus grands organismes prêtant de l’argent et saisissant des biens immobiliers en cas de défaut de paiement, s’effondrent. Ils sont sauvés de la faillite par le gouvernement américain, qui les met sous tutelle, ce qui revient en fait à les nationaliser.
Mi-septembre, la célèbre banque d’affaires américaine Lehman Brothers est en faillite. Simultanément, American International Group, la plus grande compagnie d’assurance du monde, est menacée de faillite à force de devoir couvrir les faillites d’autres entreprises. Le gouvernement américain et la banque centrale américaine, appelée Réserve fédérale américaine, la sauvent en achetant près des quatre cinquièmes de ses actions, ce qui revient là aussi à une nationalisation.
Fin septembre, les gouvernements de la Belgique, de la Hollande et du Luxembourg nationalisent la banque Fortis pour la sauver de la faillite.
Début octobre, le gouvernement américain creuse encore l’endettement des Etats-Unis en décidant un plan de sauvetage du système financier américain de 700 milliards de dollars. A titre de comparaison, c’est presque sept fois la totalité de la production mondiale quotidienne de biens et de services en 2007.
Début octobre toujours, le gouvernement de l’Islande sauve ses trois principales banques de la faillite en les nationalisant. Par la même occasion, il évite la banqueroute pure et simple à ce pays où la finance est surdéveloppée par rapport à l’activité économique.
Enfin, le 10 octobre 2008, les principales places boursières de la planète, c’est-à-dire les lieux qui se relaient pour qu’y soient entérinés les achats et ventes de produits financiers cotés en bourse, enregistrent une chute historique des cours de ces produits financiers.
Même si les choses se sont dégradées sur plus d’un an, c’est cette date du 10 octobre 2008 que l’Histoire retiendra comme point de départ de la crise financière.
Vous vous souvenez peut-être qu’en 2008, des émeutes se sont produites pour protester contre la flambée spectaculaire des prix des denrées alimentaires, c’est-à-dire de produits de première nécessité tels que le pain, le riz, le maïs. Ces émeutes ont eu lieu dans des pays aussi divers que l’Argentine, le Bangladesh, le Burkina Faso, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Egypte, la Guinée, Haïti, l’Indonésie, le Maroc, le Mali, la Mauritanie, le Mexique, le Mozambique, le Niger, le Nigeria, les Philippines, le Salvador, le Sénégal, le Yémen et le Zimbabwe, pour ne citer que les plus marquantes. Lorsqu’on sait que certains de ces pays sont des Etats policiers, on mesure à quel point la situation de détresse des protestataires devait être grave pour qu’ils aillent jusqu’à la rébellion.
La plupart de ces pays sont pauvres : ils avaient, avant ces émeutes, de lourdes dettes à rembourser. La plupart de ces pays sont surtout des producteurs agricoles : ils exportaient donc un maximum de denrées alimentaires plutôt que de les consacrer à nourrir leur population. Cependant les deux plus grands producteurs agricoles du monde, les Etats-Unis et la France, ont protégé leurs agriculteurs en les aidant financièrement. Cela a ôté leur avantage majeur aux produits agricoles de ces pays pauvres : celui d’être moins chers pour une qualité équivalente. Si l’on ajoute qu’en se concurrençant les uns les autres ces pays pauvres ont tiré les prix vers le bas, le cercle vicieux est en place : ces pays exportent leurs produits agricoles pour payer leurs dettes, mais ils n’arrivent pas à en vendre suffisamment à un assez bon prix, donc leurs dettes s’alourdissent, donc ils continuent à exporter leurs produits agricoles pour payer leurs dettes, et ainsi de suite.
Cette situation explique le paradoxe de pays théoriquement capables de nourrir toute leur population mais qui tout de même des problèmes de malnutrition, et qui doivent importer de la nourriture étrangère pour joindre les deux bouts.
Rappelez-vous : la surchauffe de l’activité économique a provoqué une flambée du prix du pétrole, qui a entraîné une augmentation du coût des transports. Le prix des denrées alimentaires, qui inclut leur coût de transport, a donc augmenté à son tour. Cependant la répercussion de la hausse du prix du pétrole sur le prix des denrées alimentaires ne suffit pas à expliquer la flambée de ce dernier.
Vous vous souvenez que lorsque la bulle Internet a crevé, les poids-lourds de l’investissement en bourse, au premier rang desquels les fonds d’investissement, se sont réfugiés sur le marché des biens immobiliers. Or nous avons vu qu’en 2007 la bulle immobilière a éclaté à son tour : où est allé l’argent que les fonds d’investissement ont pu sauver du naufrage ? Il est justement passé de la tempête de la spéculation immobilière à un secteur où la flambée du prix du pétrole et donc du coût des transports de marchandises semble garantir pour quelques temps une hausse des prix, et donc des gains d’argent : les matières premières. Pour ne prendre qu’un exemple emblématique, le prix du riz a doublé entre 2007 et 2008.
Pour résumer, les émeutes de la faim sont donc une réaction à la bulle alimentaire, née de la crevaison de la bulle immobilière, née de la crevaison de la bulle Internet. L’histoire a une fin presque heureuse : dès la seconde moitié de 2008, à la fois le prix du pétrole et le prix des denrées alimentaires connaissent une chute encore plus rapide que leur hausse. La mauvaise nouvelle est que cette chute a pour cause la crise financière survenue entretemps.
Aux Etats-Unis, dans les années 60 et 70, un courant de pensée géopolitique justifiait l’intervention américaine au Vietnam par la théorie des dominos : à la manière de dominos alignés et prêts à tomber les uns après des autres, il suffisait que le domino vietnamien tombe dans le giron communiste pour que le Laos, le Cambodge, y tombent à leur tour. Devenue officielle avec la chute historique de toutes les grandes places boursières le 10 octobre 2008, la crise financière semble appliquer une version boursière de cette théorie.
Une banque s’effondre. Puis un fonds d’investissement. Puis une autre banque. Puis un autre fonds. Puis deux autres banques. Puis cinq autres fonds. Rappelez-vous que les banques, comme vous et moi, ont régulièrement besoin d’emprunter de l’argent, ne serait-ce que parce qu’elles n’ont pas toujours dans leurs caisses l’argent dont elles ont immédiatement besoin pour faire un achat. Elles se prêtent donc de l’argent les unes aux autres, sur un cas particulier de marché qu’on appelle le marché interbancaire.
Or à mesure que les effondrements s’enchaînent, les banques en viennent à se regarder en chien de faïence et à ne plus oser prendre le risque de se prêter de l’argent les unes aux autres. Imaginez que vous êtes une banque et qu’une autre banque frappe justement à votre porte pour vous emprunter de l’argent, ce qui en temps normal serait quelque chose de relativement banal. Cette banque qui frappe à ma porte, vous direz-vous, peut très bien détenir des œufs pourris qui ne vont pas tarder à creuser ses pertes, auquel cas je vais perdre l’argent que je vais lui prêter. Vous allez donc préférer, pour le moment, ne pas prêter d’argent à la moindre banque, le temps que la tempête passe. Les autres banques sollicitées par des consoeurs tiennent le même raisonnement que vous.
Le marché interbancaire est de fait paralysé, ce qui achève de paralyser les marchés financiers par ricochet. Faute d’acheteurs, c’est la valeur des produits financiers dans leur ensemble dont la baisse s’accélère. Cette baisse entraîne des pertes pour les investisseurs, toutes catégories confondues, ce qui les oblige à vendre certains de leurs produits financiers pour rester à flots, ce qui perpétue la baisse, et ainsi de suite.
La valeur des actions de nombreuses entreprises cotées en bourse a chuté. Ce que valent ces entreprises elles-mêmes a donc chuté. Par ailleurs leurs obligations, c’est-à-dire leurs reconnaissances de dettes, restent à payer. Or l’activité économique connaissait déjà un début de ralentissement du fait de la flambée du prix du pétrole. Les faillites d’entreprises prises à la gorge se multiplient. Avec elles les actions et les obligations qui ne valent plus rien se multiplient, ce qui aggrave les difficultés de leurs propriétaires : banques, fonds d’investissement, compagnies d’assurance.
Les produits dérivés représentent l’essentiel des activités des acteurs boursiers. Cependant nous avons vu que tout produit dérivé s’appuie sur d’autres produits financiers. Puisque les produits financiers qui ne valent plus rien se multiplient, les produits dérivés qui ne valent plus rien se multiplient, ce qui aggrave les difficultés de leurs propriétaires : banques, fonds d’investissement, compagnies d’assurance.
Nous avons vu que certains fonds d’investissement pratiquent la vente à découvert, ce qui revient à parier sur la baisse du prix d’un produit financier. En pleine crise financière, ces fonds multiplient les ventes à découvert, qui s’avèrent gagnantes à la fois parce que leurs prophéties sont justes et parce qu’ils contribuent à cette justesse en les accomplissant eux-mêmes. Les grands Etats finissent par suspendre le droit de pratiquer la vente à découvert mais entretemps le mal est fait : la baisse de la valeur des produits financiers a été encore aggravée, ce qui aggrave la situation des entreprises d’où partent actions et obligations, mais aussi la situation des propriétaires de produits financiers.
La consommation américaine était déjà ralentie. Les faillites d’entreprises américaines se multipliant, les pertes d’emploi se multiplient également, ce qui fait chuter la consommation et l’activité économique aux Etats-Unis. Or nous avons vu que plus les Américains consomment, plus le reste du monde en profite en tant que producteurs, et que plus l’activité économique américaine est à la hausse, plus le reste du monde en profite en tant qu’épargnants. Ce mécanisme joue aussi dans l’autre sens : de fait la chute de la consommation américaine contamine le reste du monde en tant que producteurs, tandis que la chute de l’activité américaine contamine le reste du monde en tant qu’épargnants.
La baisse de la production du reste du monde devenant une chute, les faillites d’entreprises correspondantes se multiplient, ce qui fait chuter la consommation et l’activité économique dans leur ensemble, ce qui multiplie les faillites, et ainsi de suite, tandis que les pertes des banques s’aggravent en conséquence.
La crise financière est devenue une crise économique.
Que ce soit aux Etats-Unis, au Japon, en Chine, en Allemagne, en France ou au Royaume-Uni, les gouvernements ont tous dû intervenir pour arrêter la machine folle chez eux, et par incidence contribuer à l’arrêter à l’échelle de l’économie mondiale.
Souvenez-vous : vous, moi, les entreprises, les banques, nous avons tous contribué et nous contribuons tous à l’accumulation d’une montagne de dettes. Ces dettes, nous les devons à des banques. Or si les banques s’effondrent les unes après les autres, nous n’avons plus d’organisme auprès duquel emprunter, ce qui aggrave encore la crise économique. Sans prêt, vous ne pouvez acheter que ce que vous pouvez payer avec l’argent que vous accumulez. Vous devrez donc attendre des années avant de devenir propriétaire d’un logement, une entreprise devra attendre des années avant de pouvoir financer son développement, et ainsi de suite. Vous imaginez facilement le ralentissement considérable et durable que cela impliquerait pour l’activité économique.
Les gouvernements sont donc intervenus pour sauver les banques. Certains en avaient les moyens parce qu’ils avaient de l’épargne, comme en Chine. Lorsqu’ils n’en avaient pas les moyens, comme en France, ils ont creusé leur dette publique pour le faire, ce qui revient concrètement à vendre davantage de reconnaissances de dettes sur les marchés financiers, autrement dit davantage d’obligations d’Etat. Certains gouvernements ont nationalisé des banques, comme en Islande, ce qui les a donc placées sous l’autorité de l’Etat. D’autres se sont contentés de leur prêter de l’argent en l’assortissant d’intérêts élevés, comme en France : en l’occurrence, le gouvernement français a sauvé « ses » banques en se comportant avec elles comme l’aurait fait... une banque.
Aux Etats-Unis, 2009 a d’ailleurs été marqué par une bonne nouvelle : les grandes banques qui avaient emprunté de l’argent au gouvernement et à la Réserve fédérale américaine ont pu rembourser leurs prêts plus tôt que prévu. La mauvaise nouvelle est qu’ils y sont parvenus essentiellement en augmentant les frais que payent les particuliers pour avoir de l’argent déposé chez elles : la gestion de comptes pour les particuliers, appelée banque de détail, représentant la moitié de l’activité des banques, ces facturations supplémentaires n’ont rien eu d’anecdotique pour les comptes des banques américaines. Il y a d’ailleurs fort à parier que les banques françaises vont réussir à rembourser leurs prêts auprès du gouvernement français en utilisant les mêmes méthodes : vous aurez l’occasion de le vérifier en scrutant vos relevés bancaires pour vérifier si, ces derniers mois, votre banque prélève davantage d’argent sur votre compte en frais divers.
Pour l’anecdote, remarquez que ces sauvetages peuvent vous placer dans une situation relativement absurde. Imaginez que vous vouliez emprunter de l’argent pour acheter un logement. Vous prenez rendez-vous avec votre banque pour bénéficier d’un prêt immobilier. Or cette banque a entretemps traversé la tempête de la crise financière de 2008 : elle n’a dû son salut qu’au sauvetage proposé par le gouvernement français. L’Etat tire essentiellement ses revenus des impôts et des taxes, « taxe » et « impôt » étant au demeurant des termes synonymes ; et lorsqu’il tire ses revenus de l’endettement, grâce aux obligations d’Etat, c’est de toute façon de l’argent qu’il remboursera essentiellement grâce aux taxes qu’il percevra demain. En d’autres termes, votre banque a été sauvée du désastre par vous et moi. Vous pouvez donc vous retrouver dans une situation où, pour résumer, vous ne pouvez pas acheter de logement parce que votre banque a refusé de vous prêter votre propre argent. Plus précisément, les banques sauvées prêtent aux particuliers emprunteurs de l’argent venant des particuliers qui paient des taxes. L’Etat prélevant un impôt sur les sociétés, le même raisonnement peut d’ailleurs être tenu pour une entreprise qui a besoin d’emprunter de l’argent à sa banque.
Parallèlement au sauvetage des banques, qui a stoppé la spirale infernale de la crise financière, les gouvernements ont également dû intervenir pour stopper celle de la crise économique. En l’occurrence, ils ont fait coup double en sauvant les banques. Ces dernières sont en effet actives à la fois sur les marchés financiers, où elles placent de l’argent et en prêtent à d’autres acteurs de la bourse, et dans l’activité économique, où elles prêtent de l’argent aux particuliers et aux entreprises. Cependant cela ne suffit pas toujours à faire repartir le moteur. Certains gouvernements se sont donc efforcés de relancer l’activité économique à grands coups d’aides publiques, voire de nationalisations.
Prenons l’exemple du secteur automobile. Aux Etats-Unis, la situation était tellement grave que General Motors, grand constructeur automobile, a dû être sauvé de la faillite grâce à l’achat massif d’actions de cette entreprise par le gouvernement américain, ce qui revient à les nationaliser. Par comparaison, en France, la situation n’en était pas au point que la faillite d’un constructeur automobile soit imminente mais les fermetures d’usines et les mesures de chômage partiel, c’est-à-dire l’arrêt des usines et des versements de salaires pendant plusieurs semaines, commençaient à se multiplier. Le gouvernement français a donc rétabli la « prime à la casse » : concrètement, il a payé les particuliers prêts à se défaire de leur vieille voiture pour en acheter une nouvelle ; dans le même temps, le gouvernement a également décidé un renouvellement massif du parc automobile de l’Etat.
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