Il y a quelques mois, circulait sur Internet un tableau qui affirmait que pour une famille de 5 personnes, il valait mieux vivre du RSA que travailler au SMIC. Mais un papier fouillé de Rue 89, qui reprend le travail d’ATD Quart-Monde et les travaux de Martin Hirsch démontre que cela est totalement faux.
Un comparatif totalement bidon
Le tableau qui a circulé affirme que pour une famille de 5 personnes, celle dont le chef de famille touche le SMIC aurait 20 280 euros de revenus (en comptant toutes les allocations) contre 20 650 euros pour celle où il ne travaille pas. Mieux, du fait des exonérations de mutuelle santé (CMU), de redevance, d’impôts locaux, de cantine ou des tarifs sociaux, la première famille aurait 12 910 euros de dépenses contraintes (lui laissant 7 370 euros) contre 7 300 pour la seconde (lui en laissant 13 350). En clair, en France, notre système social ne pousse pas à travailler et pousserait à l’assistanat.
Mais cette rhétorique apparemment démontrée par le tableau ne tient pas une seconde,
comme le démontre ce travail de fond réalisé par Rue 89. La liste des erreurs est impressionnante : l’oubli du RSA famille pour la première famille, la surestimation des allocations touchées par la seconde, l’allocation logement de la première famille est sous-estimée, alors que celle de la seconde est à nouveau sur-estimée. Dans le domaine des dépenses, le tableau oublie que la famille au SMIC peut elle-aussi bénéficier des exonérations ou des tarifs sociaux dont bénéficie la seconde famille.
Le bilan global n’a strictement rien à voir. La famille dont le chef travaille au SMIC a plus de 5 500 euros de revenus supplémentaires (25 812) alors que celle où il est au RSA en touche plus de 2 000 de moins, soit 18 560. L’écart dépasse 7 000 euros par an. Du coup, pour toutes les autres dépenses (nourriture, vêtements, téléphone…), il reste près de 17 000 euros par an à la première famille contre un peu plus de 9 600 euros pour la seconde.
Le fait de travailler augmente le pouvoir d’achat de 75% hors dépenses contraintes (logement, transport, eau, électricité, cantine, impôt locaux).
Les leçons de cette mauvaise fable
La première leçon, évidente, est qu’il faut faire attention à l’information qui circule sur Internet. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord avec la ligne des principaux médias qu’il faut prendre au sérieux toute affirmation alternative. Trop souvent, dans nos sphères, circulent des affirmations totalement farfelues qui ne doivent leur existence qu’au fait qu’elles contredisent la doxa officielle. Gardons un esprit critique, y compris avec les critiques de la mondialisation néolibérale. Tout ce qu’ils disent n’est pas forcément sensé,
comme avec JP Morgan, qui aurait prescrit la dictature !
Ensuite, avant d’accorder de l’attention à de telles affirmations, il faut essayer de recouper les sources et vérifier si cela est tout simplement crédible. Ici, cela était difficile. On m’avait envoyé ce tableau, mais n’étant absolument pas spécialiste du droit social,
il m’était difficile d’en vérifier la véracité. Enfin, il ne faut pas sous-estimer les arriières-pensées des personnes qui véhiculent ces « informations » ? Ici, il est difficile de ne pas y voir
un procès contre l’Etat-providence à la française, un moyen de convaincre qu’il faut absolument couper dans les prestations sociales, qui seraient trop élevées.
Ce tableau est éminemment politique. A un moment où, parce que nos politiques refusent certaines solutions (protectionnisme,
retour à une monnaie nationale adaptée à notre pays, monétisation, répression du monde financier, désobéissance européenne), les états européens sont contraints de tailler à la serpe dans les programmes sociaux. Quoi de mieux qu’un tel tableau pour le justifier ? S’il était vrai, il démontrerait qu’ils sont trop généreux. En fait, ils ne le sont globalement pas,
comme le montre Rue89, même s’il y a certainement des choses à améliorer et des dépenses à optimiser.
Contrairement à cette fable, il vaut mieux travailler au SMIC plutôt que de toucher le RSA en France. Cela augmente de 75% le pouvoir d’achat, signe que notre système de protection sociale, s’il n’est pas parfait, n’est pas si mal conçu, grâce au RSA,
un des rares points positifs du bilan de Nicolas Sarkozy.