La fin du chômage, un mirage ?
Même si à la tête de l’Etat, on fait profil bas, jouant l’humilité, s’armant de prudence, faisant semblant de ne pas se réjouir de l’annonce récente de la baisse du chômage, il serait bon de tenter de comprendre les raisons de cette baisse providentielle.
S’il faut en croire le professeur Jean-Marc Daniel, s’exprimant sur l’antenne de France Culture le 28 octobre 2015, cette baisse, providentielle à l’approche des régionales, ne serait pas due aux actions du gouvernement, mais surtout aux taux d’intérêts qui n’ont jamais été aussi bas, au faible prix de l’énergie, et à la baisse de l’euro face au dollar, le rendant du coup plus compétitif.
Elle serait donc conjoncturelle. lien
Ces trois facteurs auraient, d’après le professeur, permis une relance des entreprises, provoquant une logique embauche. lien
Et puis sur le fond, cette baisse reste en trompe l’œil, car d’abord elle ne concerne que la catégorie A, et que sur une année, cette catégorie continue à sa hausse (3%). lien
Et pourtant, Manuel Valls, toutes voiles dehors, affirme que c’est « la politique menée par le gouvernement » qui est à l’origine de la baisse relative que nous connaissons, alors que Rachida El Azzoud, s’exprimant dans les colonnes de Médiapart, dit exactement le contraire. lien
Ce qui explique peut-être le refus d’Hollande d’afficher un triomphalisme mal venu, surtout après toutes les annonces qu’il avait fait auparavant.
Personne n’a oublié sa « vision » de l’inversion des courbes, aberration mathématique, (lien) et les annonces suivantes, lesquelles se sont révélées improductives.
Si la disparition de 23 800 personnes des listes de chômeurs, ce qui représente une baisse de 0,7% par rapport au mois d’aout, soit la baisse la plus importante depuis 8 ans, s’il faut en croire Frédéric Says, sur l’antenne de France Culture le 27 octobre dernier, est du pain bénit pour le gouvernement, il faut donc la relativiser. lien
D’autant que globalement les autres pays européens ont des résultats bien plus encourageants.
L’Espagne, par exemple, connait depuis 5 ans une baisse drastique du chômage, le nombre de « sans emplois » ayant baissé de 75 000 en Juillet, atteignant son chiffre le plus bas depuis septembre 2010. lien
En Allemagne, le taux de chômage était de 4,5% en août dernier, alors que nous étions à 10,8… mais chacun sait que ce succès est du en parti au fait que nos voisins germaniques sont parfois obligés d’accepter des salaires bien plus bas que les nôtres, parfois en dessous de 7 € l’heure. lien
En Italie, cette baisse du nombre de chômeurs s’est produite dès le mois de juin, et dans la zone euro, le taux de chômage a diminué de 0,4% en une année. lien
On peut être surpris de l’incompréhension des gouvernements qui se sont succédés concernant les raisons qui provoquent le chômage.
Il y a quelques temps, sur l’antenne de RMC, avec Jean-Jacques Bourdin, un certain Christophe poussait un coup de gueule libératoire qu’il n’est pas inutile de réécouter. lien
Pour les libéraux, le chômage n’est pas une mauvaise nouvelle, car il met la pression sur le travailleur, permettant aux patrons de les rendre corvéables à merci, vu la rareté de l’offre, ce qui permet de peser sur les salaires, et d’augmenter du coup les bénéfices de l’entreprise.
C’est bien ce qu’ont compris les keynésiens qui jugent qu’il s’agit d’abord d’une crise économique, et que ce n’est qu’en augmentant les salaires que l’on pourra relancer la consommation, et donc créer de l’emploi.
Or le gouvernement, en augmentant drastiquement les impôts, et taxes, des l’entrée au pouvoir de François Hollande, à baissé le pouvoir d’achat des consommateurs, et donc limité ou freiné la production des entreprises.
Au-delà de ces explications, il faut ajouter que la mécanisation permet aux patrons de se passer d’une main d’œuvre, et si l’on en croit les marxistes, la tendance du capitalisme est de remplacer la main d’œuvre par le capital pour augmenter le profit. lien
Considérant avec raison que certains travaux étaient aliénants, l’homme a toujours cherché à s’en exonérer, sans pour autant avoir l’intention de se priver de revenus, même si les soyeux lyonnais détraquaient les métiers jacquard à grand coup de sabots, afin de garder leur emploi, d’où le mot sabotage.
La logique voudrait donc que pour supprimer la notion même du chômage, tout en conservant machines et autres robots, il faudrait en arriver un jour ou l’autre au « revenu universel », appelé aussi « revenu du base », lequel assurerait à tous les citoyens les moyens de consommer.
Les machines ne sont pas salariées, ne tombent pas malades, même si elles ne sont pas à l’abri d’une panne, et continuer de salarier ceux qui ont été privé d’emploi à cause (ou grâce) aux machines, ne diminuera pas le profit des entreprises, mais en permettra d’assurer un pouvoir d’achat aux chômeurs, et donc d’assurer la pérennité de l’entreprise…
Il ne s’agirait donc plus de faire baisser le chômage, mais de l’éradiquer définitivement.
En effet, dès l’instant où chaque français, dès sa majorité se verrait verser un « revenu universel », qu’il travaille, ou pas, la notion de chômage disparaitrait complètement.
Utopie affirment certains, clamant que cette mesure serait impossible à financer.
Pourtant des experts se sont penchés sur la question, et ont prouvé le contraire.
Il faut bien poser au départ comme donnée que ce versement viendrait en remplacement de toutes les autres aides sociales.
Ajoutons, s’il faut en croire l’économiste Baptiste Mylondo, membre du mouvement défendant cette mesure, s’exprimant dans les colonnes du "Monde Diplomatique", que le financement du revenu de base n’est pas si complexe, et serait même un faux problème.
Il explique : « si l’on se fie à son PIB (produit intérieur brut), la France est aujourd’hui le 5ème pays le plus riche du monde.
En 2010, le revenu disponible (après versement des prestations sociales et prélèvement des impôts directs) s’élevait à 1276 € par mois et par personne, adultes et enfants confondus. C’est nettement plus que le seuil de pauvreté actuel, fixé en France à 60% du revenu médian, soit 960 € par adulte. Qui peut le plus pouvant le moins, la France a donc sans nul doute les moyens d’assurer à tous ses résidents un revenu au moins égal au seuil de pauvreté ». lien
Cette mesure de justice sociale est d’ailleurs défendue par de nombreux décideurs, quels que soient leurs camps politiques.
S’il est vrai que c’est plutôt à gauche que cette mesure est défendue avec le plus de vigueur, on trouve aussi à droite, même à l’extrême droite des élus qui s’en sont emparés.
Dans un sondage canadien d’octobre 2013, 46% de la population y serait favorable, alors que 42% y sont opposés.
En France, ils sont 45% à y être favorables. lien
Les écologistes, le parti pour la décroissance, les partis de gauche, et bien d’autres formations politiques de gauche défendent donc cette mesure, mais à droite aussi.
De Villepin avait intégré à son programme des présidentielles de 2012 l’idée d’un « revenu citoyen », Madelin soulignait que le sujet devait être débattu et expérimenté…
Même à l’extrême droite, Bruno Lemaire, l’un des conseiller de Marine Le Pen, milite pour un « revenu minimum de dignité »… lien
Bien sur certains sont plus ou moins généreux : Christine Boutin évoque 400 €… (lien) alors que De Villepin songe à 850 €… (lien) mais la plupart des défenseurs de cette mesure se basent sur 1000 €.
Au parti socialiste, le maire du 4ème arrondissement de Paris, a pris ouvertement et clairement position pour l’instauration d’un « revenu social garanti ». lien
Par contre, François Hollande ne l’a pas évoqué lors de son discours au Bourget, mais qu’importe, lorsque l’on songe au nombre de promesses qui n’ont pas été tenues. lien
Et comme chacun sait, la baisse du chômage était l’une des promesses du candidat socialiste…il a aussi promis récemment de baisser les impôts…sous condition, dans un 1er temps, d’une amplification de la croissance, or celle-ci est dans un état peu encourageant. lien
Les mauvaises langues pourraient bien rétorquer que cette baisse des prélèvements ressemble furieusement à une mesure électoraliste, à l’approche de la présidentielle…
Rien de surprenant dès lors que le fondateur de nouvelle donne se décide à porter plainte contre l’Elysée l’accusant d’inaction contre le chômage. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « donne une datte au pauvre pour en goûter la vrai saveur ».
L’image illustrant l’article vient de urtikan.net
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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A découvrir :
Le site « revenu de base »
Un court dessin animé sur le RDB ici
Un petit documentaire sur ce lien
Le film : le revenu de base, une impulsion culturelle
La conférence de Frédéric Bosqué à Genève mars 2013
Un revenu universel est-il raisonnablement finançable ?
Un dessin animé très pédagogique sur ce lien
le revenu de base, une solution pour les retraites
Les mensonges de l’aide sociale sur ce lien
A lire : le revenu d’existence, attac
L’enjeu du salaire, Bernard Friot, éditions la dispute.
Revenu de citoyenneté, droit au travail, intégration sociale, revue du mauss n°7, 1996
Fin du travail et revenu universel, Michel Husson, n°176, juillet 2005
L’allocation universelle, Yannick Vanderborght et Philippe Van Parijs, la découverte 2005
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