La finance américaine dans les griffes des fonds souverains
Décidément, il a suffi de peu de temps pour que les fonds souverains, initialement mal perçus par les opinions publiques et les pouvoirs publics américains, rentrent en grâce et soient désormais considérés comme des sauveurs de la nation. Pourtant, il y a encore peu de temps les sénateurs américains s’opposaient bec et ongles à la prise de contrôle d’un pétrolier national (Unocal ?) par la société nationale pétrolière chinoise. Encore plus récemment, c’est l’opinion publique qui s’offusquait que les ports américains, devenus soudain stratégiques, puissent passer sous le contrôle d’un fonds souverain de Dubai. Que s’est-il passé pour qu’aujourd’hui on leur déroule le tapis rouge ?
La déconfiture totale du système bancaire américain dans l’aventure des subprimes - à l’exception notable de Goldman Sachs -, qui fait que toute la finance américaine, et à un degré moindre quelques acteurs de la finance européenne, accumule les dépréciations d’actifs et les provisions pour perte avec pour conséquence de considérables problèmes de trésorerie qui font que les banques centrales doivent intervenir massivement pour éviter l’écroulement de quelques-uns des fleurons d’un secteur financier autrefois dominateur.
Ainsi donc après Bear Sterns, ce fut au tour de Citigroup de faire appel à un fonds souverain pour leur apporter la trésorerie pour les tirer d’affaire. C’est ainsi que le fonds d’Abu Dhabi, ADIA, a versé 7,5 milliards de dollars à Citigroup à 9 % d’intérêts (! !) sous forme d’obligations convertibles qui, d’ici à deux ans, se tranformeront en une prise de participation de 5 % du capital de la banque. Comme quoi ces fonds savent parfaitement compter et profiter des occasions qui passent. L’autre grand de la banque américaine, Morgan Stanley, est dans le même cas avec une opération semblable au profit du fonds souverain chinois, CIC (China Investment Corp), et dans des conditions semblables : 5 milliards de dollars sous forme d’obligation convertibles à 9 % d’intérêts qui se transformeront en participation de 5 % au capital.
Enfin aujourd’hui même, c’est Merryl Lynch, un autre grand de la banque américaine, qui recherche un sauveur sous la forme du fonds souverain de l’Etat singapourien, Temasek. Il est vrai que Merryl Lynch a déjà déprécié pour 2,3 + 8,7 + 8 + 19 milliards de dollars de provision !!! Alors les 5 milliards de Temasek seront les bienvenus.
Dans ces conditions, vous comprendrez que la demande du G7 du mois d’octobre pour que l’ONU mette en place un "code de bonne conduite" pour ces fonds souverains soit déjà passée à la trappe. Il y a fort à parier que même si c’était M. Hugo Chavez qui arrivait avec un gros chèque, on le trouverait désormais sympathique ! C’est dire où les Etats Unis, et au-delà l’Occident auquel nous appartenons, en est arrivé.
Quelle désastreuse image de leur pays et de l’Occident, tous ces PDG de tous ces grands groupes à gros bonus annuels auront donnée au reste du monde du système économique qu’ils défendent. Quant aux fonds souverains dont je vous avais signalé au fur et à mesure de cet article qu’ils devenaient de plus en plus sympathiques, sachez qu’ils ont été promus désormais au rang de "Sovereign Wealth Funds", ou fonds de richesse souverain.
Une dénomination qui dit bien ce qu’elle veut dire.
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