La France à l’épreuve de vérité, dans son modèle économique et social
La crise ? Les investissements étrangers en France sont en hausse sur une année de plus de 22%. L’année 2010 aura même battu un record. L'Agence française pour les investissements internationaux (Afii) a ainsi recensé 782 projets d'investissements étrangers porteurs de création d'emplois. Cette progression constatée reste sans équivalent durant ces 15 dernières années. Cela équivaut à 57 milliards de dollars. L’année en cours ne compromet pas véritablement cette évolution.
Si un déclassement est probable pour la France dans le futur suite à la montée en puissance de nouveaux pays, elle devrait néanmoins rester le 9eme pays le plus riche du monde d’ici 2050. L'Hexagone sera ainsi l'un des trois seuls pays européens à appartenir aux nations les plus riches du monde, avec l'Allemagne (5eme) et le Royaume-Uni (6eme), eux aussi en recul annoncé.
La crise ? La France exporte toujours en moyenne 2 fois plus que les Américains. En 2009, le montant des exportations par français s'élevait encore à 7 200 dollars, un montant deux fois supérieur à celui des Etats-Unis et plus important que celui du Royaume-Uni. Sur ce critère des exportations par habitant, la France se classe encore au 29eme rang mondial sur les 200 pays pris en compte. Ce n’est pas si mal.
Par ailleurs, la France reste souvent au deuxième rang mondial au niveau du classement des entreprises les plus internationalisées. Notre pays compte ainsi 15 entreprises parmi les 100 groupes les plus importants au monde, selon la dernière étude de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (Cnuced). Par exemple, l'entreprise Total est située à la septième place, EDF à la neuvième, et GDF Suez à la douzième. Selon le magazine Fortune la France comptait fin 2010, onze entreprises parmi les 100 plus grosses sociétés au monde au niveau du chiffre d'affaires. Sur les 500 plus grosses entreprises mondiales, notre pays place encore 39 groupes. Enfin, toujours selon le Magazine Fortune, la France reste la quatrième nation mondialement la plus représentée. Qui le dit ? Poursuivons.
La France demeure en outre la sixième Nation la plus productive au monde selon le Magazine Business Insider, avec 25,1 dollars créés par personne chaque heure en France, contre 24,6 dollars par Américain. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. On nous affirme souvent le contraire. Ainsi, la France reste en moyenne comparative la cinquième puissance économique mondiale, selon le FMI, derrière les Etats-Unis, la Chine, le Japon et l'Allemagne.
Enfin, et ce n'est pas un détail, la France est la première destination touristique mondiale. Qu’un pays puisse autant être convoité reste enviable et signifiant. En 2010, selon l'Organisation Mondiale du Tourisme, 78,95 millions de personnes visitèrent notre pays, 18 millions de personnes de plus qu'aux Etats-Unis.
Un vieux pays ? En 2050, l'Hexagone devrait compter 10 millions d’habitants supplémentaires, chacun sait sa bonne santé démographique.
La force symbolique d’une Capitale ? Selon l’analyse crédible du Cabinet de Conseil Cushman & Wakefield, Paris reste la deuxième ville reconnue comme la plus attractive d'Europe pour les investisseurs. Parmi les qualités reconnues à notre Capitale, la possibilité accrue de recruter du personnel bien formé, l'accessibilité aux marchés, la performance des réseaux de télécommunications et des infrastructures de transport. Nombre de ces avantages marquent notre pays plus globalement aux yeux du monde.
Ce survol de quelques atouts majeurs de la France parle par lui-même. Pourtant, une enquête récente définissait le peuple français comme le plus pessimiste au monde battant tous les records de consommation d’antidépresseurs et de psychotropes. Un imaginaire collectif négatif. La pire menace pesant sur notre pays ne serait autre que lui-même ? Ce pessimisme prompt à se transformer souvent en rébellion de conservatisme face au moindre changement envisagé nourrit d’abord une résistance face à l’avenir. Se présenter en donneur mondial de leçon de morale porte le même désamour caché. Notre pays souffre probablement de ne pas avoir tenu les promesses que son passé pouvait laisser espérer.
A n’en pas douter, cela pourrait provoquer à terme une crise des institutions mêlée de celle plus globale, du politique. Notre pays ne s’aime pas dans sa ‘représentation’. La France serait devenue un enfant initialement trop gâté, et refusant aujourd’hui d’assumer tous ses privilèges, de part la responsabilité que cela lui donne, celle de fructifier par lui-même son patrimoine général (économique, culturel…). Ayant cherché son salut dans l’Eldorado d’une Europe de papier et vivant actuellement l’effondrement de son château de sable, la France a sa part toute personnelle de crise, outre le contexte mondial. Le débat passé ayant porté sur la redéfinition ou réaffirmation de son identité n’aura pas été sans réveiller tous les fantasmes, toute la nostalgie. La France aime se faire peur.
Loin des fameuses Agences de notation auxquelles nous laissons prendre une influence démesurée, à la hauteur de la perte d’autorité du politique, notre pays pourrait premièrement se heurter à tous ses fantômes, les plus à même de le disqualifier à ses propres yeux.
La crise, économique autant que morale, déjà politique au travers de l’étalage des secrets de famille (françafrique, financement étrange de campagnes passées, confusion éventuelle entre l’intérêt général et clanique…) pourrait déstabiliser plus encore notre pays dans son rapport à lui-même. Oui, le parti de la peur gangrène tous les courants de pensée dans l’oubli de tant d’atouts évoqués.
Osons croire que la France s’accorde la note à laquelle elle peut encore prétendre, celle qui lui donnera le courage d’accéder à sa maturité, dans la redéfinition de son modèle. Une certaine vérité doit se faire.
La crise ? Outre les atouts reconnus à la France un Rapport du Trésor atteste que depuis 1980 l’industrie française a détruit près de 2,5 millions d’emplois. Bien qu’encourageant comparativement à d’autres pays, le niveau de création d’emplois aurait plus ou moins à doubler pour assurer un équilibre réel. Reconstituer le tissu industriel intérieur. Ce bilan de Bercy établit qu’entre 2000 et 2010, plus de 63 % de ces destructions d’emplois relèvent de la concurrence internationale, en premier lieu celle de la Chine et de l’Allemagne. La France se doit de soutenir au mieux les joyaux de ses entreprises les plus internationalisées tout en mettant celles-ci à contribution dans le développement intérieur des PME (rééquilibrer la taxation au profit de ces dernières). La démarche ne va pas de soi.
Selon une Etude de la Fondation Concorde, après 6 années d’activité, nos PME se trouvent ainsi majoritairement absorbées par un grand Groupe. Le rachat extra frontalier dominant largement, cela conduit notre pays à réduire sans cesse la production sur son territoire. Entre une part de protectionnisme et la délocalisation, les choix. Aussi une nouvelle culture de l'entreprise.
La crise ? Pour peu que l’on prenne en compte toutes les formes de chômage, les étudiants sortant de l'école, les chômeurs inscrits et non indemnisés, les chômeurs non inscrits et les ex RMIstes (RSA, ASS...), les personnes en formation ou travaillant à mi-temps, les chômeurs inscrits et non indemnisés, les employés en CDD toujours plus temporaires, les radiés et les précaires en intérim…le niveau officiel du chômage triplerait. Le Secours Populaire et Emmaüs France évaluent par ailleurs le nombre de concitoyens « vivant » au seuil de pauvreté aux environs de 10 millions. La crise. Additionnant tous ces chiffres, cette situation est sans précédent historique.
La responsabilité de tous les gouvernements depuis plus de 30 ans est engagée. Nos budgets ont toujours été déficitaires depuis 1974. Bien avant la crise, en 2006, la dette recouvrait déjà 64 % du PIB. Les déficits participaient de la gestion courante acceptée par tous.
Il n’est donc plus exclu que la France imite un jour la Grèce, le Portugal, l'Irlande, l'Italie et l'Espagne voyant bientôt sa dette qualifiée de toxique par les marchés financiers. Pour peu que la notation par les Agences soit abaissée, il faudrait alors réclamer le soutien du FMI et de la BCE. La perte de maîtrise et autonomie de la politique économique serait acquise.
Pour le moment, de part une « conjoncture » électoraliste, la classe politique persiste encore dans un évitement certain. Les marchés détiennent l’essentiel de la dette publique de notre pays, autour de 85 % du PIB. Les spéculateurs et autres financiers sont accusés de tous les maux, mais pas trop, pour savoir en dépendre toujours.
Bien au delà de toute approche partisane ou idéologique, un esprit de vérité et de responsabilité, de courage, doit prévaloir. En revanche, la « note » ou facture induite par une certaine irresponsabilité passée ne saurait conduire la France à se frapper elle-même d’une notation excessivement défavorable, au mépris de tous ses atouts.
Se garder de cette Agence intérieure de mauvaise conscience nationale tendant à retirer à la France bien plus qu'une bonne note…
Guillaume Boucard
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