La France doit-elle mettre en place la taxe Tobin de manière unilatérale ?
Que faut-il penser de l'annonce de la mise en place de la taxe Tobin par le président de la République ? S'agit-il d'une proposition réaliste ? L'avis d'un spécialiste de la fiscalité environnementale.
Nous ne reviendrons pas sur les objectifs électorialistes de cette annonce, qui n'échappent à personne. Concentrons-nous plutôt sur sa faisabilité.
1-Est-ce possible ?
Peut-on commencer seul sans les autres pays européens ?
Rien ne s'oppose à ce que la France prenne -seule- cette décision. Ces partenaires n'ont pas les moyens de s'y opposer. D'où les discours embarrassés qui se multiplient en Europe sur le "cavalier seul" français.
Combien de temps pour la mettre en place ?
Il faut d'abord respecter le calendrier législatif, de manière à faire évoluer le cadre budgétaire et fiscale en vigueur aujourd'hui. Mais techniquement, cela n'est guère compliqué : il suffit d'ajouter une ligne dans les logiciels de gestion existants. Par exemple, Euroclear, l'organisme français qui enregistre les transactions pourrait récupérer l'argent et la reverser à l'Etat français.
Avec une volonté politique forte, on peut envisager une mise en place concrète en janvier 2013. On peut aussi se contenter de gesticulations politiciennes : faire voter une loi puis ... ne pas publier ses décrets d'applications, reculer devant les pressions anglaises, ...
Est-ce dangereux pour notre économie ?
La publication du rapport de l'ONG Unitaid le 14 septembre a fait l'effet d'une bombe : il démontrait que la France pouvait lancer seule sa taxe Tobin. Avec un taux très faible (entre 0,01% et 0,1%), l'incidence est nulle car les investisseurs estiment alors que changer de pays, pour y échapper, n'apporte rien.
Donc, rien ne s'oppose réellement à la mise en place de la Taxe Tobin : il suffit d'une réelle volonté politique de la mettre en oeuvre.
2-Est-ce utile ?
Avec un taux très faible, il est naïf de croire que cela va faire reculer la finance internationale. Si elle est trop importante d'ailleurs, les investisseurs iront voir autre part. L'intérêt de la taxe Tobin est ailleurs.
Récupérer un levier d'action :
Les Etats occidentaux n'ont cessé depuis 35 ans de reculer devant l'offensive de la mondialisation financière. Ils ont abandonné leurs prérogatives. Ré-instaurer une taxe, cela signifie d'abord se redonner un moyen d'agir au sein de cette finance globalisée.
Mais un levier d'action pour en faire quoi ? Une gesticulation politicienne de plus, qui flatte l'électorat ? De l'argent que l'Etat réinjecte dans son budget général ? Cela veut dire alors courir le risque de continuer les gaspillages et de ne rien régler, ni le problème des dettes, ni celui de la relance économique.
Faire de la taxe Tobin un moyen de régler nos soucis budgétaires :
Les marchés financiers, affolés par la crise, font augmenter les taux d'intérêts sur les prêts aux Etats. Ils ont besoin d'être rassurés ? Et bien, utilisons l'argent de la taxe Tobin exclusivement pour rembourser et racheter nos dettes actuelles.
La France pourrait toucher 12 milliards par an avec la taxe Tobin, c'est un chiffre énorme mais qui semble bien minuscule à l'échelle de la dette de l'Etat qui dépasse les 1600 milliards. L'affectation du produit de cette taxe diminuerait pourtant la pression : en effet, l'instauration d'une telle taxe assure l'Etat de recettes régulières : sur 10 ans, c'est 125 milliards de réduction de la dette, le ministère des finances rachetant d'abord les prêts acquis avec les taux d'intérêts les plus élevés.
Nous aurons alors un avantage comparatif très net sur nos voisins.
Faire de la taxe Tobin un moyen de susciter une dynamique entre pays européens :
Si la taxe Tobin représente un atout : les différents pays y viendrons les uns après les autres. Ceux qui tarderont risquent en effet d'en payer le prix.
Cet avantage concurrentiel poussera alors certains pays à augmenter le taux de cette taxe. La pression descendante de l'économie financière vers une dérégulation compétitive s'inversera alors. Les pays qui disposeront d'une taxe Tobin élevée auront un avantage important dans la gestion de leurs dettes.
L'exemple de la taxe sur les billets d'avion le démontre : croire que ce type de taxes reste une utopie serait faire preuve de frilosité. En réalité, les Etats ont intérêt à y venir le plus rapidement possible. Continuer à attendre un utopique accord entre les pays serait une grave erreur puisque les premiers à se lancer seront les gagnants.
Pour aller plus loin :
Comment la taxe Tobin peut nous aider à nous débarrasser de nos dettes ?
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