La monnaie chinoise aurait-elle sauvé le monde ?
Les Américains se font de plus en plus menaçants envers la Chine sommée d’abandonner une indexation de sa monnaie vis-à-vis du dollar qualifiée de néfaste pour les deux parties... Une capitulation éventuelle aurait toutefois des implications très délicates sur le plan intérieur pour la Chine qui est du reste parfaitement consciente des effets pervers de cette politique consistant à acheter régulièrement du Dollar pour dévaloriser sa propre devise.
En fait, c’est la pression des autres pays Asiatiques qui aura finalement - et à moyen terme - raison de l’attitude chinoise et qui débouchera sur l’appréciation du Yuan. Des nations régionales dont les monnaies respectives flottent librement vis-à-vis du billet vert comme la Thaïlande ou l’Indonésie accusent ainsi la Chine de concurrence déloyale car la dépréciation du Yuan entrave leurs propres exportations. Effectivement, la devise chinoise perd de la valeur par rapport à leur propre monnaie qui, elle, s’apprécie mécaniquement du fait du déclin du Dollar...
Pourtant, la Chine, qui a longtemps exploité l’argumentation selon laquelle cette politique du Yuan faible permettait de faire reculer la pauvreté de sa population en développant son industrie, feint d’ignorer la problématique de cette même pauvreté qui sévit chez ses voisins. Un Yuan faible permet certes à la Chine de réduire sa pauvreté nationale mais aux dépens des autres pays Asiatiques en voie de développement ! Dans de telles conditions, il lui sera très difficile - à elle qui tente de se façonner une image de super puissance responsable - de poursuivre cette politique d’un Yuan faible qui entrave le développement et la croissance de ses voisins car le message véhiculé ( "nos pauvres valent mieux que les vôtres" ! ) serait tout à fait incompatible avec les prétentions chinoises.
Les jours ( en fait les mois ) de l’indexation de la monnaie chinoise au Dollar sont donc comptés mais cette décision majeure, qui ne sera en aucun prise sous le poids de la pression Américaine, fera de la Chine la gardienne des intérêts Asiatiques et la propulsera au rang des nations mures n’hésitant pas devant les décisions intérieures difficiles prises dans l’intérêt régional.
De fait, les pays du Sud Est Asiatique sont parfaitement conscients que c’est cette même indexation du Yuan au Dollar qui a sauvé la Chine - et par delà la Chine l’ensemble des pays émergents de la région - de la spirale déflationniste au début de l’année 2009. De plus, c’est le turbo chinois - également alimenté par cette indexation - qui a autorisé le rebond spectaculaire des Bourses Américaines ayant lui-même balayé le spectre de la dépression aux Etats-Unis...
En fait, un système de taux de change non flottant comme l’est celui qui fixe la parité du Yuan au Dollar et qui permet même en réalité à la monnaie chinoise de se déprécier du fait du niveau de productivité chinoise élevée est loin d’être anodin car les variations du cours des monnaies ne constituent pas, comme certains en sont persuadés, un jeu à somme nulle. La parité fixe du Yuan vis-à-vis du billet vert a effectivement agi à la manière d’une décision de politique monétaire en ce sens qu’elle a notablement accentué l’effet expansionniste de la politique monétaire chinoise tout en rétablissant en finalité production et demande agrégée nationales et mondiales. Les Etats-Unis n’ont pas procédé autrement en 1933 lorsque la dévaluation de leur monnaie vis-à-vis de l’Or a tiré le monde hors de la dépression !
Il est donc intellectuellement malhonnête de stigmatiser aujourd’hui cette politique chinoise d’un Yuan déclinant parce que corrélé au Dollar alors que c’est précisément cette indexation qui a - pour le moment ! - permis à notre monde d’éviter le scénario catastrophe.
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