La nouvelle e-économie post capitaliste
De la même manière que l’éducation est bousculée par les nouveaux usages qui naissent avec Internet, une nouvelle forme d’économie est en train de naître. Elle ne remplacera probablement jamais totalement l’ancienne, mais il se pourrait bien qu’une fois atteinte une certaine masse critique elle prenne la première place, car elle a de nombreux avantages. Au point que c’est probablement la seule porte de sortie qu’on ait pour le monde post-capitaliste qui s’annonce, c’est-à-dire, après la période de « transition » (comprendre effondrement) pendant laquelle le capitalisme va finir par mourir.
Préambule : Cet article article fait partie d'une série développée sur mon blog ou j'explique comment la crise pétrolière va provoquer la fin du capitalisme. J’ai beaucoup parlé de l’histoire, du « pourquoi on en est arrivé la », et « pourquoi ça va si mal », mais j’ai peu développé le nouveau paradigme qui remplacera peut-être l’ancien. Il fallait pour cela bien comprendre les racines de notre monde, selon une approche constructiviste (dé-constructiviste pour être plus précis).
Pour faire simple, si on remonte « à la source », l’économie a plusieurs missions :
- permettre aux gens qui ne se font pas confiance « a priori » d’échanger en ayant le sentiment d’équité, de justice dans le temps
- permettre de gérer les prises de risques et de récompenser le mérite, mais aussi de fournir des mécanismes de solidarité et de distribution des richesses
- se donner des règles communes pour gérer les conflits avec un minimum de violence
Notre sentiment de justice découle de nos conceptions religieuses, ou transcendantales. Les textes religieux sont les sources d’inspiration des fondamentaux légaux, mais aussi économiques. Exemple classique la loi du Talion. Autre exemple : la richesse est considérée comme un signe de la bénédiction de Dieu par les protestants, et à l’inverse comme un obstacle a l’atteinte du royaume des cieux par les catholiques. Cela à de profondes répercussions économiques.
Bref, l’économie est une sorte de boîte à outils ayant comme but de mettre en œuvre ces principes de la manière la plus efficace possible. En occident nous sommes parvenu à certains choix, qui nous semblent maintenant totalement « naturel » mais qui sont totalement arbitraires dans le fond :
- la propriété privée qui définit une limite a la liberté mais qui est aussi un fondement économique
- la monnaie comme moyen privilégié d’échange de biens et services
- l’état de droit pour assurer la justice et le respect des lois, et donc, la confiance mutuelle
(NB : on peut rajouter les lois écrites pour ne plus dépendre de l’arbitraire d’un roi, les jury pour l’impartialité d’un jugement, le droit de vote, et les publications à référé parmi les avancées essentielles de notre économie moderne)
Ces fondamentaux permettent en cas de conflit entre 2 personnes de savoir comment « trancher » pour résoudre le problème, si les personnes n’y parviennent pas par elle même. D’un certain point de vue, on peut considérer que tout cet échafaudage n’est qu’un moyen de régler nos conflits sans (trop de) violence…
Ce qui est extrêmement intéressant, passionnant, c’est que jusqu’à aujourd’hui, le système « démocratie / capitaliste / économie de marché / état de droit » était grosso modo le meilleur moyen qu’on ait trouvé pour faire tourner une économie. Et maintenant, quelque chose de totalement nouveau émerge via les possibilités que nous offre Internet.
Propriété
La nouvelle économie n’est pas basée (que) sur la propriété privé (c’est-à-dire sur un certain nombre de règles privatives), mais à l’inverse sur une propriété non privée (dont les règles sont au contraire de vous empêcher de privatiser – c’est le copylefft).
Le copyleft est une méthode générale pour rendre libre un programme (ou toute autre œuvre) et obliger toutes les versions modifiées ou étendues de ce programme à être libres également.
Ce sont les logiciels libres.
Mais ce n’est pas tout. Le premier pilier n’est pas le seul à être remis en cause.
Échange
Une monnaie est un moyen de faire des échanges avec réciprocité immédiate. C’est-à-dire qu’on ne donne quelque chose à quelqu’un que si on reçoit immédiatement une compensation. En général c’est une forme d’argent, soit une promesse qu’on recevra plus tard autre chose d’équivalent. Équivalent selon les prix fixés par les lois du marché. Est-ce que c’est « juste » ? ça en donne l’impression, mais la valeur est quelque chose d’extrêmement subjectif, qui dépend de notre besoin à un moment donné. Au final, l’économie consiste à objectiver une valeur pour qu’on se mette tous d’accord dessus, mais ce n’est qu’un cas très particulier qui dépend de notre manière de concevoir le monde, la vie, le sens de la vie, notre foi, etc…
Revenons à la monnaie : on peut maintenant grâce à Internet s’émanciper de ce moyen d’échange. C’est-à-dire donner sans chercher un échange immédiat, sans contre partie, sans « espérer » que quelqu’un d’autre nous donnera lui aussi plus tard un équivalent.
Ça peut paraître « fou » au premier abord, cependant :
- la philosophie du yoga (l’économie prends ses racines dans la religion en définitive) nous enseigne 2 choses relative à l’économie : d’une part, il y a la loi du karma qui fait que quoi qu’il arrive, quoi qu’on fasse, il y a une justice immanente à laquelle on ne peut échapper. D’autre part, le yoga enseigne d’agir sans rien attendre en retour. Selon ces 2 préceptes, on devrait donner sans rien attendre, et recevoir plus tard en vertu de la loi du karma.
- en réalité ce mode de fonctionnement est précisément celui qui est utilisé par les logiciel libres et qui fait leur succès.
On touche directement à notre notion personnelle de transcendance, c’est-à-dire « les lois qui régissent le fonctionnement de l’univers, de la vie, et le sens qu’on donne à la vie ». L’économie actuelle nous « embrigade » dans une certain manière de voir le monde. Mais on peut s’en émanciper. C’est d’ailleurs pour cela que j’estime que l’étude de l’économie est en fait un travail yogique (jnana yoga pour être plus précis) : cela nous permet de dépasser le « karma collectif » (et donc nous rapproche de la libération).
Il y a déjà des sites qui vont dans ce sens : couchsurfing par exemple. On héberge gratuitement, sans avoir a être hébergé plus tard par celui qui nous reçu. C’est juste de la générosité.
En fait, c’est très important à comprendre, car l’économie actuelle, je crois que n’est un secret pour personne, est fondée (en partie) sur :
- le manque de confiance en son prochain : et donc on demande aux banques de mettre notre argent en lieu sûr, et de s’occuper de recouvrer les impayés à notre place.
- l’égoïsme : Adam Smith a expliqué que l’économie pouvait fonctionner si chacun poursuivait la recherche de son intérêt propre exclusivement.
Or Internet permet à de nouvelles formes d’échange d’exister qui au contraire récompensent la générosité, la confiance, ce qu’il y a de meilleur en l’homme. Au lieu de l’inverse avec l’économie actuelle.
Confiance
Les deux premier piliers (propriété privée et moyen d’échange) sont bousculés. Et le 3ème alors ? Le « tiers de confiance« . Dans des tas de situations il est plus simple de passer par un tiers de confiance pour faire un échange. Exemple : vous louez votre maison. Imaginons qu’on retire l’état, les assurances, et qu’il ne reste que 2 personnes. Si le locataire ne peut plus payer, ou met le feu par inadvertance, ou si le propriétaire décide de virer le locataire, etc… on a inventé des contrats, et un tiers pour le faire respecter (l’état). Mais ce n’est qu’un moyen.
Hors, sur eBay, couchsurfing et d’autres, les vendeurs sont notés par les utilisateurs. Sur TaskRabbit la personne qui vous rend un service est notée et ceux qui ont la meilleure réputation peuvent le monnayer. La réputation devient un capital. Capital qui peut s’élargir par cooptation aussi. Il n’y a plus (de moins en moins) besoin d’un tiers de confiance, car le web permet de la capitaliser.
On est donc dans un système vertueux, à l’inverse de l’économie actuelle qui encourage à ne pas tricher et tromper son prochain, qui encourage aussi le partage, le don, la confiance, le lâché prise, la collaboration.
Cette économie pourrait très bien devenir l’économie principale. Et dans ce cas, Richard Stallman, l’homme qui est à la base de tout ça pourrait bien obtenir le statut de saint, et même de e-messie un jour. Car c’est lui en premier, et avec constance qui a ouvert la voie (en créant GNU et la licence libre). Il deviendrait une sorte de prophète des temps modernes.
Cette économie n’est pas de nature capitaliste. Ce n’est pas une amélioration du capitalisme. Elle ne le sauvera pas de son agonie. Les échanges ne sont pas toujours monétisés, vous ne pouvez pas taxer la réputation de quelqu’un. Au contraire même, en offrant une alternative, elle va permettre aux gens d’entrer dans une nouvelle ère, qui pourrait bien ressembler à l’age d’or prédit par les prophètes (tout ne sera pas parfait pour autant, les dangers et dérives seront différents), en tout cas comparé à aujourd’hui.
Age d’or totalement différent de celui appelé par les Attali et consort avec leur gouvernance mondiale centralisée sous l’égide d’une banque unique et d’un système totalement monétaire et numérique qui au contraire entérinerait l’assassinat de la bonté humaine par un système aliénant qui étouffe le meilleur et récompense le vice.
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