La sidérurgie à nouveau stratégique ?
L’affaire de l’OPA de Mittal sur Arcelor agite la classe politique française. Mais ces gesticulations révèlent trois faits sur les mentalités de nos dirigeants : 1- le « jeu économique » ne vaut que lorsqu’on est du bon côté. 2- l’impact des nouvelles technologies n’est toujours pas pris en compte. 3- la faillite des « politiques industrielles » n’est pas encore digérée.
Un tollé général, voilà ce qu’a provoqué l’annonce de l’OPA de Mittal Steel sur Arcelor. Mais ce tollé est-il bien justifié ? En effet, considère-t-on encore l’industrie sidérurgique comme « stratégique », et donc méritant d’être protégée à tout prix ? La réponse devrait être non, mais il semble que nos dirigeants n’osent pas le dire clairement. La sidérurgie, comme les charbonnages, a été un cauchemar économique lors des récentes décennies. La France surtout a eu du mal à s’en désengager, et il faudrait s’en occuper de nouveau ? Rappelons que si la sidérurgie avait effectivement naguère un caractère stratégique, c’était à cause de son importance dans la production militaire : pour fabriquer des canons et des cuirassés, il fallait disposer d’acieries modernes et de grande capacité. C’était à cela qu’on évaluait votre « puissance industrielle » et, partant, votre puissance militaire. Voilà pourquoi les « maîtres de forges » étaient choyés par les gouvernants et ont formé la nouvelle aristocratie pendant la révolution industrielle... A les entendre, certains de nos hommes politiques en sont encore à croire cela !
Mais ces gesticulations, aussi inutiles que pitoyables, nous révélent tout de même quelques aspects « croustillants » de la mentalité d’une certaine partie de notre classe politique... Suivez le guide :
1- Ces gens-là sont incohérents. On les voit applaudir des deux mains quand un de nos « champions industriels » met la main sur un concurrent étranger, mais les mêmes vont s’étrangler de fureur si le même mécanisme permet à un groupe lointain d’absorber telle ou telle société « fleuron de notre patrimoine national ». Il faudrait savoir : les règles du jeu (économique) sont les mêmes pour tout le monde, ou pas ? Et ce sont ces dirigeants qui ensuite vont se mettre en devoir de nous expliquer les nécessaires adaptations aux grands changements requis par la mondialisation...
2- Ces gens-là sont des attardés. A l’heure où les nouvelles technologies sont en train de redéfinir complétement le secteur (les nano-tubes de carbone par exemple), à l’époque où les emplois se créent dans le secteur des services et des prestations intellectuelles, voici nos dignes représentants encore arc-boutés sur les ultimes bastions de l’industrie lourde. Cela fait des années que les nouvelles vagues technologiques se succèdent et qu’elles bouleversent le paysage économique. Mais non, rien n’y fait, ils en sont toujours à vouloir de grosses usines avec de grandes cheminées qui crachent une fumée bien noire... Désolant.
3- Ces gens-là sont des (mauvais) technocrates. En vérité, ce qui s’exprime dans ces protestations, c’est une nostalgie dérisoire pour la bonne vieille « politique industrielle ». L’époque où ces messieurs décidaient, de leurs bureaux, ce qui serait produit et dans quelles quantités. Une planification à la soviétique, voilà ce qui était sérieux ! Et d’ailleurs, c’est justement aujourd’hui même (seulement !) que disparaît enfin la dernière relique de cette époque bénie : le Commissariat au plan (allez voir à http://www.plan.gouv.fr/). En fait, la disparition n’est pas totale : on va juste changer le nom, afin de garder intacte la structure (car le nom faisait tache, tout de même, en 2006)... On ne sait jamais, ça peut encore servir !
On ne peut qu’être atterré devant autant de bêtises accumulées. Et ce sont ces gens-là à qui les médias demandent leur avis ? Pendant que nous focalisons notre attention sur ce combat d’arrière-garde, les vrais changements s’opèrent... sans nous.
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