La surproduction, une aubaine pour la démocratie ?
La surproduction est une plaie pour le capitalisme. Malheureusement pour lui (et pour les peuples aussi), elle est inévitable. Comme je le lisais dans un excellent article de Louis Gill (bien qu’assez difficile d’approche-surtout pour un amateur comme moi), la volonté de profits toujours plus grands favorise la recherche de technologies toujours plus productives, et nuit ainsi à l’emploi salarié. Mais la plus-value (la marge) faite sur un salarié est toujours rentable que sur une machine. Et il s’ensuit que la tendance à la baisse du profit, implacable, finit par provoquer les crises comme celle que nous vivons actuellement.
Il ne faut pas oublier que la concurrence est le résultat de la loi sur l’offre et la demande. Et les prix sont fixés selon ce rapport. Les machines permettent de vendre plus, à moins cher, et ainsi de remporter des marchés. Mais le profit étant le but ultime du capitaliste (et non pas comme on pourrait le penser la satisfaction des besoins), certains ont pensé que créer l’offre suffirait à engendrer la demande, en espérant que les prix du produit vendu continue malgré tout à monter. Mais le capitalisme n’aime pas la surproduction.
De fait, la crise d’aujourd’hui semble être le résultat d’une surproduction induite par les facilités de crédit proposées par les spéculateurs. La demande étant artificiellement provoquée (ou la « surconsommation » ?), il s’en ait suivi une surproduction incapable de trouver des acheteurs (solvables en tous cas).
Car il faut faire une différence entre la demande telle qu’elle existe potentiellement (la volonté d’accession aux produits, commune à l’ensemble des êtres humains), et la demande telle qu’elle existe réellement, sur le marché (c’est à dire solvable, capable d’être satisfaite concrètement). Il faut aussi se rappeler que les lois qui régissent les échanges entre les êtres sont basées sur la rareté, et non pas sur l’opulence, comme on serait en droit de le souhaiter.
En effet, quand les anciens imaginaient le futur, ils rêvaient d’un monde d’abondance où tout serait accessible à tous. Aujourd’hui, ce rêve est rendu possible par la technique, mais pose de sérieux problèmes au système qui domine le monde. Car il s’agit de savoir comment faire correspondre la nécessité d’employer un maximum d’individus au plus bas prix possible en même temps que de leur vendre les produits qu’ils créent à un prix supérieur au coût de leur travail. Et cela tout prenant en compte les avancées technologiques qui tendent d’une part à faire augmenter la productivité, et d’une autre à rendre le travail obsolète.
C’est sans doute pour éviter ce problème que des crises semblent survenir à intervalles plus ou moins réguliers. Mais plutôt que de se pencher sur les nouvelles possibilités qu’engendre le progrès technique, les pouvoirs politique et financier préfèrent encore une « bonne guerre » que la remise en cause de leurs privilèges et de leurs pouvoirs.
Cette situation pourrait perdurer indéfiniment si un autre facteur n’intervenait pas, de façon de plus en plus prégnante, et qui inévitablement fera cesser l’existence du capitalisme comme nos aînés l’avaient conçu. La course aux profits étant corrélée à la fois à la course technique et à la baisse du coût du travail(et ce en dépit de toute morale ou de toute règle éthique-même écrite), le capitalisme entraîne la surexploitation des ressources de la planète sur laquelle nous vivons. Et à moins que de trouver une autre planète exploitable à loisir, le capitalisme va devoir cesser d’exister, pour que l’homme continue lui aussi d’exister. Les gouvernements et les financiers, qui ont des intérêts communs, sont donc alliés pour sortir ensemble du capitalisme, tout prenant soin de protéger leur condition : toutes les lois restreignant les libertés sociales sont adjointes de lois sécuritaires, afin de ne plus permettre, lorsque le moment sera venu, la moindre contestation face à sa condition subie. Mais pour les peuples désireux de liberté, pourquoi la surproduction serait-elle néfaste ?Imaginons un instant le changement de paradigme. Au lieu de considérer que la rareté est une valeur, ne pouvons nous pas accepter que l’abondance lui soit supérieure ?
Comment est-il possible d’accepter qu’avec les moyens techniques dont dispose l’humanité, il existe encore des millions d’individus privés du strict minimum ?
Le problème n’est pas l’environnement, car la surexploitation des ressources n’est pas la conséquence d’une plus juste répartition de celles-ci mais l’accaparement des ressources par une minorité dont l’unique objet est le profit.
Notre planète est tout à fait capable non seulement de nous nourrir tous, et plus encore, et aussi de nous loger tous.
Pourquoi ne pas profiter de la crise pour un changement de système ?
Que les ouvriers, les employés de tous bords continuent de produire, et plus ils produiront plus les prix baisseront. Qu’ils produisent tant que les prix s’effondrent, et ne rapportent plus rien à personne.
Que les produits soient donnés à qui les veut, et que les licenciés du monde de la finance prennent part à un nouvel engagement, qui ne lui nuirait pas. Il y a besoin de bras, et de têtes à n’en plus savoir que faire : l’énergie propre, la construction, le recyclage, les transports, la voirie, l’hygiène, les pays pauvres, la faim....
Bien sûr tout cela nécessite une organisation complètement nouvelle, et pose des défis fantastiques non seulement à l’imagination, mais aussi à la réalisation. Mais face à ce que nous préparent les puissants, n’est-ce pas là une raison suffisante pour y réfléchir ?
Et puis pour faire accepter ce changement de paradigme, c’est toute l’éducation qu’il faut revoir, et aussi la conception de l’homme, et celle de son bien le plus cher : le bonheur.
L’homme ne doit plus considérer la réussite comme une accumulation de biens (utiles ou futiles), mais comme la satisfaction de ses besoins. A partir du moment où tous peuvent tout avoir, combien y en aurait-il pour vouloir trop ? Il faut que les hommes apprennent leurs différences, et n’essayent plus de ne faire que correspondre à un standard de réussite illusoire. Que les métiers soient choisis en fonction de leur intérêt intrinsèque et non plus de leur intérêt financier. Il faut que les hommes sachent que tout est acquis, et non inné, afin qu’ils comprennent que seule leur volonté peut les conduire à la réussite de soi.
Cette approche peut sembler succincte et approximative, et bien sûr de nombreuses difficultés, voire impossibilités semblent très vite sauter aux yeux. Mais cette réflexion n’a pour unique but que de renverser un cadre de pensée établi, où l’existence de la misère des uns serait absolument indispensable à la richesse des autres. Si les hommes sont capables de tant et tant d’ingéniosité pour oppresser leur prochain, créer des armes et perpétuer un système si complexe et si éloigné de l’aspiration de la majorité des êtres humains, il ne fait aucun doute qu’ils parviennent à établir un autre mode de pensée, d’échange et de production, sans forcément pour cela devoir nuire expressément à leur prochain.
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