Le bas de laine des banques européennes
Depuis quelques jours, cette question hante mes nuits. Pourquoi les banques se mettent-elles à refuser l’argent des Etats ? Jamais le « Euro or not euro ? » ne s’est entouré d’autant de mystère. Serait-ce pour écarter l’intrusion des Etats dans la gestion et préserver l’opacité des pratiques ? Non, cela m’étonnerait. L’Etat serait-il un donateur encombrant ?
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Alors qu’elles étaient aux abois, à la limite burn-out glissant, une sorte de mort subite pour trader, les banques opèrent une résurrection financière en affirmant en chœur qu’elles peuvent éponger la crise en cours sans intervention des Etats. C’est beau. Quel sens des responsabilités. Cela me fait penser aux riches milliardaires qui, dans un éclair compassionnel, sont prêts à redistribuer aux peuples une partie de leur excédent. Tellement puissant est le geste envers son prochain, qu’il me viendrait presque l’idée de fleurir la tombe du trader inconnu. L’humanité a vraiment des ressources insoupçonnées…
D’après « les autorisés qui s’autorisent », comme le disait Coluche, les banques européennes, pour redevenir des embarcations confortables, devraient être recapitalisées à hauteur de 106 milliards d’euros, dont 8,8 milliards pour la France, pour atteindre le seuil de 9% de fonds propre. Ce fond propre servant quant à lui, a affronter les vagues scélérates et les caprices des cotations boursières.
En clair, les banques n’ont pas besoin de l’argent car elles en ont. Ce qui est une bonne nouvelle. En langage décodé, elles ne veulent pas de la contrepartie qui consisterait à laisser aux Etats un ou deux sièges au sein de leur exécutif. En un mot, l’Etat deviendrait un donateur encombrant, car devenu exigeant. Pas bêtes les banques… elles ont vu venir l’Etat avec ses gros sabots. C’était idiot de penser qu’on allait les endormir en leur faisant croire que le saucisson est fruit. Non, mais !
C’est ce qui s’appelle se faire avoir en beauté. L’Etat, qui avait raté le coche en 2008 en prêtant aux banques sans demander la moindre contrepartie sur la refonte des pratiques qui ont conduit aux dérives boursières, a voulu, sous la pression populaire, exiger cette fois-ci pour le prix d’une recapitalisation des banques françaises à hauteur de 8,8 milliards d’euros, une place dans les conseils d’administration. Et comme par hasard, les trois principales banques françaises sans exception (BNP Paribas, Société générale et Crédit agricole), retrouvent soudainement le chemin des liquidités, renvoyant ainsi l’Etat dans les cordes, le bec dans l’eau et le train arrière sur un radeau, et hop, bon vent ! Circuler, y a rien à voir !
Dénicher 8,8 milliards d’euros en quelques jours, en allant tout simplement puiser dans le bon vieux et mystique « bas de laine » déterré sous les lamelles du parquet et conservé là en cas de vache maigre. Oui, les milliards étaient bien sous nos pieds !
Si j’étais le patron de BNP Paribas, de la Société générale ou du Crédit Agricole, j’aurais demandé à Jean baptiste Poquelin d’immortaliser ce succès story de la finance. Quel joli coup ! Dans un bas de laine, à l’ancienne !
La morale étrange de cette histoire est qu’il est plus rentable pour un braqueur de banques, de se munir d’un pied de biche pour retourner le parquet que de s’attaquer à un convoyeur de fond.
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