Le coût du capital
Compétitivité, productivité, rentabilité : des principes gravés dans le marbre par les tous économistes. Les entreprises doivent grandir, prospérer, gagner à tout prix. Ces fondements immuables nous permettent d'accomplir notre quête, de conquérir le Saint Graal sans qui tout s'effondrerait : la croissance. Sur la base de ces principes communément admis s'organisent les activités de production.
En suivant cette logique il apparait incontestable que le coût du travail est un facteur important de la pérénité des entreprises. On en entends souvent parler en place publique. En prenant le problème à l'envers je propose de s'interroger sur le coût du capital, notion inexistante, non sens économique. Que nous coûte le capital à nous simples humains ?
Les dieux exigent des sacrifices. Les marchés, les investisseurs, en bref le capital doivent être rassurés en toutes circonstances. Car ils président à nos destinées tels des dieux antiques terribles et fascinants nous délivrant tout ce qui fait notre fortune et notre malheur. Cette mécanique céleste ne peut pas s'arrêter : il faut continuer à produire plus, à vendre plus, à croître. C'est en remettant des cartes sur le château qu'on l'empêche de s'écrouler. En termes macro-économiques il s'agit d'une nécessité absolue : on emprunte toujours plus d'argent pour payer la dette en cours, on hypothèque le futur pour sauver le présent. Les démons de la crise et de la récession menacent. Sans croissance la longue descente aux enfers se poursuivra dans une spirale exponentielle : moins d'activité, moins de consommation, moins de recettes fiscales, toujours plus de dettes...
Pour nous, humains insignifiants au regard des dieux éternels, les conséquences sont immenses. En termes économiques elles sont bien connues depuis Marx. Le chômage maintient la pression sur les salaires, les délocalisations et la concurrence des pays émergents entretiennent la peur. Le bon peuple prie pour son salut quand les princes ajustent les taux d'intérêts pour limiter l'inflation, qui ferait fondre le gâteau si savoureux. Dans les temps anciens la religion interdisait l'usure. Mais la religion a changé : la création monétaire par la dette est aujourd'hui la pierre angulaire de l'édifice. Ses avantages sont inestimables : le capital croit en toutes circonstances : les bonnes comme les mauvaises.
L'exemple de la Grèce le montre clairement : au temps ou tout semblait aller bien l'ogre bancaire Goldman Sachs a fait beaucoup d'argent en aidant les dirigeants grecs à maquiller les comptes, tout en spéculant à la baisse dans leur dos sur leur dette et gagnant sur les deux tableaux, spécialité maison de cette banque sans foi ni loi (voire l'histoire des subprimes où ils vendaient des actifs pourris à leur clients tout en spéculant contre ces mêmes titres). Maintenant que la Grèce est ruinée c'est encore plus intéressant : on leur prête de l'argent plus cher qui va servir à rembourser ce qu'il doivent déjà. Ensuite interviennent nos institutions internationales : le FMI va les sauver nous dit on. Là ça devient particulièrement juteux : pour payer ses créanciers la Grèce doit suivre les injonctions strictes de son nouveau sauveur : privatiser tous les services publics rentables, vendre tout le patrimoine vendable : la grande braderie. Les acheteurs seront évidemment les mêmes à qui la Grèce doit de l'argent. Toute la population en pâtit : austérité donc baisse des salaires et des aides sociales, ruine des services publics : la note est salée, et pour longtemps. Tout est remarquablement organisé : les enfants apprennent même à l'école que le FMI, ce bras armé des pillards de grand chemin, sert à aider les pays en difficulté.
L'ampleur du pillage est sans égal. Des pays riches en matière première et mis sous tutelle par ces institutions - FMI, Banque Mondiale et consorts - sont impitoyablement exploités à leur dépends. Leur population reste pauvre, et là bas les conséquences prenent une autre dimension que dans la confortable Europe : beaucoup de gens en meurent, directement ou non. La guerre sert souvent à défendre les intérêts des multinationales, sous des prétextes humanistes auquels personne ne croit. L'argent, ce nectar des dieux, nous coute cher à nous simples humains, très cher.
Le conditionnement éducatif et médiatique, nouvel opium du peuple, permet de faire tenir l'édifice. Le monde de Tf1 rassure, les sondages convainquent, la messe est dite tous les jours à 20h, et la vérité définie. Les techniques de fabrication du consentement ont bien évolué depuis Goebbels. Sans m'étendre je donnerais un exemple : la peur. Quelqu'un qui a peur acceptera tout ce qui pourra lui être présenté comme une solution à son problème. Insécurité, immigration, chômage sont des thèmes récurrents matraqués chaque jour par les médias dominants.
Le coût du capital est aussi environnemental, chacun en connait les effets. Surconsommation, civilisation du jettable, surexploitation des ressources, pollution, etc...
Dernier point et non des moindres : le coût culturel et philosophique. Les principes qui sous-tendent le mode d'organisation actuel du monde appauvrissent l'homme. Compétition et individualisme forcené forment les bases morales indispensables à l'émancipation du capital. Solidarité, empathie, respect : ces notions contre-productives sont conservées à titre purement décoratif, pour garder un peu de peinture propre sur la façade de l'usine. Résultat : nos maîtres à penser sont des pantins mesquins et sans envergure, et on se retrouve avec des philosophes de supermarché à la BHL, qui passe son temps à s'autocongratuler en se comparant avec les plus grands écrivains. Les idées s'appauvrissent, la pensée se canalise. L'ignorance et le dogme bouchent l'horizon de la liberté.
Tout changement durable commencera nécessairement par une refondation des valeurs. Les dieux ne mourront que si la foi se perd.
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