Le fiasco du soi-disant modèle allemand
Cela fait depuis près de vingt ans qu’une grande partie des élites de notre pays présente l’Allemagne comme le modèle à suivre, malgré les remises en perspective de nombreuses personnes. Un graphique du Financial Times repéré par Philipp Heimberger achève de mettre à bas ce faux modèle que plus de vingt ans de recul disqualifient de plus en plus, avec la stagnation des 5 dernières années.
Réussite oligarchiste temporaire à coût social immense
Bien sûr, l’Allemagne peut se glorifier de ses excédents commerciaux et la bonne tenue de son budget et de son endettement. Mais si un excédent commercial et un budget plus équilibré ont des vertus, qui peuvent ruisseler (le premier est synonyme d’un plus grand nombre d’emplois, et le second évite les dangers d’une gestion trop laxiste), nous voyons bien aujourd’hui les limites de ce prétendu modèle. Le Financial Times rappelle que si l’Allemagne a connu un boom de 2006 à 2008, puis une bonne croissance de 2010 à 2018, le pays a beaucoup souffert depuis l’an 2000. D’abord, il faut rappeler que l’Allemagne était vue, au début des années 2000, comme le pays malade de l’UE, du fait d’une absence de croissance, pénalisée par les mesures des lois Harz et la précarisation des salariés qui est venue avec.
Ensuite, parce que le modèle économique du pays est tourné vers les exportations, les crises économiques, qui affectent généralement fortement le commerce, ont un impact disproportionnellement élevé sur le pays. C’est ce que l’on voit avec la chute forte du PIB en 2008-2009, puis lors du Covid. Ce prétendu modèle manque de résilience et accentue les crises au lieu de les amortir. Pire, pour qui prend du recul, une dizaine d’années de bonne performance économique sur près d’un quart de siècle, ce n’est pas une grande réussite. Notre voisin a payé la compétitivité qui l’a porté pendant une grosse dizaine d’années d’une stagnation au début du siècle, et depuis 2018, son modèle est en panne. Logiquement, les excédents commerciaux ne montent pas jusqu’au ciel, et des concurrents, notamment asiatiques, émergent…
Qui plus est, le coût de cette réussite temporaire a été énorme. Comme l’avait bien pointé Olivier Berruyer, très tôt, la compétitivité du pays s’est construite sur un appauvrissement des classes populaires, précarisées par les lois Harz, qui ont fait diverger le haut et le bas de la pyramide sociale allemande sur le modèle anglo-saxon. En clair, les bons résultats économiques ne profitaient qu’à une minorité. En outre, la rigueur budgétaire allemande s’est aussi traduit par un manque d’investissement dans les infrastructures, y compris dans les infrastructures, qui pénalise le pays et la population. Sans le gaz russe et sans filière nucléaire, l’industrie du pays souffre d’une énergie beaucoup trop chère face à l’Asie et à l’Amérique, même si les règles européennes lui ont permis de se prémunir de la concurrence de la France…
D’ailleurs, l’instabilité politique et la montée des partis radicaux montrent bien que la situation du pays est loin d’être bonne et qu’une grande partie de la population ne tire guère de profit de ce modèle. On peut aussi pointer l’explosion des arrêts maladie dans le pays, conséquence des côtés obscurs de ce prétendu modèle. Bien sûr, tout est fait, depuis les lois Harz, pour la compétitivité, mais le coût social a été énorme, et ce modèle pose deux problèmes majeurs. D’abord, il est non réplicable et non coopératif car si tous les pays de l’UE le suivent, il finit par être vain : le premier qui démarre est temporairement gagnant, mais si les autres pays s’alignent, alors tout est remis à zéro. C’est une des raisons du ralentissement actuel. Et il est vain dans un monde où le SMIC reste inférieur à 100 euros dans certains pays.
Bref, les nuages qui s’accumulent sur l’Allemagne pourraient bien être là pour longtemps, et entre un bilan passé loin d’être si enchanteur, et un avenir de plus en plus sombre, il convient de constater que le « modèle allemand » qui a servi d’inspiration à Sarkozy, Hollande et Macron, est une impasse complète, un chemin qui ne profite qu’à une minorité. Il est vraiment temps de tourner la page.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON