Le glas sonne-t-il pour Jean-Claude Trichet ?
L’inflexible Wolfgang Schäuble, Ministre des Finances allemand, engage donc un bras de fer avec la Banque Centrale Européenne au sujet de la participation du secteur privé dans le cadre d’un nouveau plan de financement et de sauvetage de la Grèce. En fait, l’appel à des fonds privés est le seul et unique artifice à disposition du Gouvernement allemand capable de réunir l’agrément de sa majorité parlementaire … qu’il avait presque perdue il y a quelques jours dans ce dossier très épineux pour les politiciens de ce pays qui se savent observés de très près par leurs électeurs.
Ne nous laissons toutefois pas abuser par ces manœuvres politiques car elles révèlent en réalité une divergence fondamentale – et de fonds – entre les responsables gouvernementaux de ce pays et la BCE, soutenue à cet égard par la Bundesbank allemande, car toute restructuration à quelque niveau que ce soit du financement de la dette grecque inclurait des clauses où le défaut de paiement devra être envisagé. La seule éventualité, pourtant vénielle, de repousser de quelques années les échéances des remboursements grecs serait ainsi sur le champ interprétée comme une faillite par les toutes puissantes agences de notation… Une réaction en chaîne serait dès lors provoquée par ces agences, comme par les créanciers de la Grèce, qui ne voient le monde qu’en blanc ou en noir et qui considèreraient (avec raison de leur point de vue) que cette « restructuration volontaire » n’est qu’une expression diplomatique signifiant le défaut de paiement.
La BCE craignant un sauve qui peut généralisé compréhensible et prévisible de la part de créanciers anticipant une faillite partielle (mais O combien salvatrice) du Portugal, de l’Irlande et – pourquoi pas ? – de l’Espagne ! Spirale infernale qui serait amplifiée par une interruption du soutien de la BCE à ces pays sinistrés, cet établissement n’étant en effet pas statutairement autorisé à prêter en contrepartie d’obligations de nations déclarées en faillite… Le château de cartes européen s’effondrerait donc d’autant plus rapidement que la BCE elle-même est extrêmement exposée du fait de son programme d’achats de 75 milliards d’Euros de Bons du Trésor de ces nations fragilisées qui seraient ainsi insolvables !
De fait, une certaine panique s’empare déjà des banquiers centraux européens qui accusent les politiques allemands de s’aventurer en terrain miné par leur ignorance des mécanismes des marchés financiers. L’urgence est pourtant plus que jamais de mise, le F.M.I. ayant menacé de suspendre ses subsides accordées à la Grèce en l’absence d’un nouveau plan de financement crédible à être concocté dans les mois à venir. Dans ce contexte très tendu, c’est la BCE – ayant tordu le cou à nombre de ses principes – qui se retrouve sur le fil du rasoir et qui est sérieusement sur le point de perdre sa crédibilité, héritage de la Bundesbank, tandis que les politiciens allemands ont tout à gagner de ce bras de fer en démontrant à leur électorat leur réticence à renflouer encore et toujours le panier percé grec.
Ainsi, après avoir simultanément assoupli les ratios de réserves imposés à son système bancaire, elle lui a également prêté des sommes quasiment illimitées tout en prenant, en Mai 2010, la décision « révolutionnaire » de racheter des obligations émises par les Etats sinistrés placés sous sa tutelle… C’est en effet pas moins de 75 milliards d’Euros qui ont été déboursés, dont 40 en faveur de la seule Grèce, et ce dans l’espoir de ramener un semblant d’ordre sur les marchés et dans les esprits des investisseurs ! L’hypothèse du défaut, même partiel, de paiement de la Grèce signifiera donc des pertes importantes pour la banque centrale européenne qui devra se résoudre à quémander aux ministres des finances de l’Union de la recapitaliser et ce dans une conjoncture où la grande majorité des Etats de cette même Union traverse d’immenses difficultés financières.
La violation par la BCE de ses propres règlements et garde fous – fussent-ils dans l’intérêt général – combinée à un compte de Pertes & Profits notablement déficitaire laisseront donc des traces profondes et consommeront le divorce avec des citoyens allemands, extrêmement nostalgiques de l’indépendance et de la rigueur autrefois affichées par leur prestigieuse Bundesnbank. Comme il ne saurait y avoir qu’un seul vainqueur dans cet affrontement entre le Gouvernement allemand et la BCE, Jean-Claude Trichet se prépare donc d’autant plus à jeter l’éponge que son mandat se termine en Octobre prochain. Cette « fatigue des réformes et fatigue du financement », pour reprendre l’expression de l’allemand Klaus Regling, patron du Fonds de Stabilité Européen, se ressent très clairement aujourd’hui chez Trichet qui a lui-même tout récemment admis que le « non » opposé à la restructuration de la dette grecque ne serait pas nécessairement son dernier mot.
Grand perdant annoncé de cette guerre des tranchées, l’attitude de Jean-Claude Trichet sent donc pleinement la fin de règne et sonne en même temps comme un aveu d’échec de la part de la BCE ayant perdu tout contrôle sur les finances européennes…
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