Le monde au bord du cataclysme financier en 4 arguments
Comprendre les raisons de la future explosion financière est assez malaisé. En effet, les causes de celles-ci ne sont pas indépendantes, elles peuvent, se renforcer mutuellement, être concomitantes ou liées par une relation de causalité. Dans ce billet, j’essaierai donc d’adopter une démarche de déduction logique dans la mesure du possible.
Cette crise présente des similarités importantes avec celle de 1929, il me semble donc important d’en résumer les causes. Il est communément admis que le krach boursier de 1929 résulte d’une déconnexion totale entre des cours de bourse record et une économie en début de déclin : entre 1921 et 1929, la production industrielle augmentait de 50% alors que les cours de la bourse de New York augmentaient de 300%. Il y a donc deux éléments en jeu : les cours de bourse (nouveau système d’achat d’actions à crédit, intervention de la FED pour faire baisser les taux d’intérêt )et l’économie réelle qui entrait en crise du fait d’une augmentation drastique des inégalités (JK Galbraith). Cause hybride, la baisse de la production industrielle (baisse de 7% de la production automobile entre mai et octobre 1929) résulte de l’atonie de la demande (inégalités) et d’un sous-investissement lié justement à l’accaparement des capitaux par la bourse. Passons maintenant à l’analyse de la situation actuelle.
1/ L’explosion boursière mènera aux faillites bancaires
L’origine du cataclysme pourrait une nouvelle fois trouver son essence dans l’éclatement de la bulle boursière. Cette bulle consiste en une déconnexion entre les cours de bourse et la réalité économique.
En France, le cours du CAC 40 est revenu à son niveau d’août 2008 juste avant la faillite de Lehman. Notons qu’entre mars 2009 (point le plus bas du CAC 40) aujourd’hui, le cours du CAC 40 a progressé de 74,39% alors que la croissance française était sur la même période de…0,18% ! Le taux de chômage est passé de 9,1% à 10,8% et le revenu médian disponible a reculé (2009 à 2011) (ce qui démontre une augmentation des inégalités).
Aux Etats-Unis, le cours du Dow Jones se maintient à un niveau de record historique (16295 points le 24 février) plus haut de 2000 points que son précédent record atteint en octobre 2007… avant l’explosion de la bulle des subprimes ! Même si l’économie américaine semble en apparence dans une meilleure dynamique que l’économie française, un plus haut historique semble totalement injustifiée (46 millions de personnes survivent grâce à des bons alimentaires, et ce chiffre augmente régulièrement depuis 4 ans). La question en or est : « pourquoi donc les bourses augmentent-elles ? », j’aborderai ce point dans la partie planche à billets des états. Ce qui nous permettra d’envisager une première cause possible du Krach à venir.
La croissance exponentielle des produits dérivés constitue l’autre versant du risque boursier. Rappelons pour commencer que la crise de 2008 a été déclenchée par des pertes massives sur des CDO qui étaient des produits dérivés. En octobre 2013, la valeur notionnelle totale des CDO s’élevait à 693 000 milliards de dollars, soit environ 10 fois le PIB mondial ! Ces produits dérivés constituent une bombe à retardement : leur complexité peut dissimuler un risque majeur que les clients ignorent (subprimes) ou un facteur extérieur (ex : défaut d’un état) mènera à une vente massive de ces titres provoquant des pertes titanesques pour les banques.
2/ Le risque bancaire
La presse évoque souvent le besoin de capitalisation des banques. Par exemple, selon un rapport de l’OCDE, le Crédit Agricole serait sous-capitalisé à hauteur de 31,5 milliards d’euros. On ne peut pas comprendre la gravité de cette situation, si on ne la lie pas avec le risque boursier analysé dans le paragraphe précédent. En effet, les banques sont massivement engagées sur des titres risqués (produits dérivés, obligations d’états ultra endettés…). C’est pour cette raison que le Comité de Bâle a exigé un relèvement du ratio de fonds propres.
Pourtant les banques continuent à présenter des effets de levier monstrueux, et les banques françaises tiennent le haut du pavé, le CA monte sur la première marche du podium avec un effet de levier de 85, suivent la Deutsche Bank (55) et Mizuho FG (47) une banque japonaise. La SG (36) est 4ème et la BNP (31) 11ème. Autrement dit, les fonds propres du CA sont égaux à 1,18% de ses actifs, Deutsche Bank 1,81%...
Ce qui veut dire qu’en cas d’explosion de bulle qui risque fort d’arriver vu le niveau des cours des actions et des encours de produits dérivés, les banques se retrouveront en insolvabilité et feront faillite. Heureusement, il y a les états me direz-vous ?
3/ La bulle des dettes souveraines
Lorsque les banques seront en situation de quasi-faillite, les besoins financiers seront de 654 mds € pour le Japon, 531 mds € pour les Etats-Unis et 492 mds € pour la France. Or ces pays sont déjà massivement endettés auprès des banques suite à leur intervention dans ces mêmes banques en 2008 (le serpent se mord la queue) et aux dépenses de relance.
Les Etats-Unis pourraient probablement recapitaliser ses banques (5% du PIB), le Japon serait déjà plus en difficulté (15,5% du PIB) mais la France devrait réunir l’équivalent de presque 25% du PIB ! La BCE étant indépendante, la France devrait faire appel au marché pour financer cette explosion de dettes, ce qui est peu réaliste compte tenu de l’endettement actuel de la France (90% du PIB).
Notons par ailleurs que tous les pays occidentaux sont déjà très largement endettés : Japon (226% du PIB), Grèce (152%), Italie (120%), Belgique (98%), Etats-Unis (95%), France (92%), ce qui pose un problème intrinsèque de bulle des dettes souveraines, puisque les évènements montrent que les pays ne sont pas en mesure de rembourser leurs dettes et les cumulent au contraire. D’autre part, cela interdit un sauvetage massif du secteur bancaire comme en 2008.
4/ Les planches à billets
Les planches à billets ont été une solution de dernier recours pour déplacer le gouffre de la dette et le problème bancaire. « L’injection monétaire » (Quantitative Easing) est massivement employée par les Etats-Unis (85 mds $ par mois, 2280 mds $ injectés en 5 ans dans le circuit financier mondial !), le Royaume-Uni (325 mds £ depuis 2009) et le Japon (270000 mds de yens entre 2012 et 2014). Les planches à billet sont directement responsables de l’embellissement inextinguible des bourses américaines et japonaises à cause de l’aléa moral généré (une mauvaise nouvelle économique est suivie d’une annonce de prorogation des QE et autre abenomics). Les planches à billets annoncent une voie sans retour, un suicide programmé du système financier mondial. Car les acteurs financiers ne pourront pas éternellement demeurer dans le déni, lorsqu’ils se rendront compte que leurs actifs ne valent pas ce qui leur est indiqué, une panique boursière s’ensuivra…et nous revenons là au point 2.
Les planches à billets ne sont pas seulement un second rôle jouant sa fatale partition dans une tragédie, ils portent les germes d’une crise beaucoup plus grave (c’est difficile me direz-vous), la délégitimation des devises, dollar et yen en tête. Car plus les imprimantes fonctionnent et plus elles ont de chance de produire une hyperinflation (comme en Allemagne dans les années 20) qui mènera à un refus progressif des populations d’utiliser ces monnaies et finalement au chaos.
Conclusion
Ce billet a mis en exergue quatre causes fondamentales de la prochaine vitrification financière mondiale. Comme je l’avais dit en introduction, ces causes ont des liens de différente nature, en tout cas elles se renforcent mutuellement rendant toute prédiction vaine.Il existe d’autres crises qui sur le long terme, seront sans doute bien plus importantes et dommageables pour l’humanité, la crise environnementale pour n’en citer qu’une. Cela dit, le précipice financier sera à l’instar de la crise de 1929 le déclencheur des autres crises latentes.
Enfin, le lecteur peut se demander pourquoi, la finance s’est décorrelée à ce point de l’économie. La cause est sans doute à chercher dans l’explosion du crédit lui-même lié à des transferts de richesses des pauvres vers les riches, surtout dans les pays industrialisés. Ceci fera l’objet d’un prochain article.
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