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Accueil du site > Actualités > Economie > Le monde selon Andrew Lahde, à l’attention des possédants

Le monde selon Andrew Lahde, à l’attention des possédants

Alors que la première rencontre historique du G20 vient à peine de se terminer chichement, nous ne pouvons qu’espérer que l’ensemble des participants aient lu, et médités profondément, la lettre impitoyable rédigée par Andrew Lahde à l’adresse de l’ensemble du monde de la haute finance. Fait roi de la gestion de fonds spéculatifs tant il fut un virtuose du short selling, l’homme s’en est allé au chevet de sa propre santé. La missive est assassine pour ses pairs, mais aussi pour les autorités gouvernementales, tant elle dénonce les vertigineuses dérives d’un système financier international aujourd’hui en proie à une crise aux dimensions abyssales. Avant de tirer sa révérence à l’univers qui l’aura porté au pinacle, notre héraut de transmettre au monde un message puissant, sans ambiguïté, limpide comme une eau de roche que tous les décideurs et autres détenteurs de la destinée du monde devrait boire sans compter.

Rendue publique le 17 octobre, la lettre écrite par Andrew Lahde se sera propagée à la vitesse de la lumière dans l’univers feutré de la finance mondiale désormais secouée par les forces telluriques d’une crise qui puise sa source dans un système perverti et aveuglé par l’appât de gains de plus en plus pharaoniques acquis au détriment des personnes les moins fortunées, un comble n’est-ce pas ?

A peine le propos introduit qu’il s’empresse de faire siennes les paroles tenues par un alter ego, « ce que j’ai appris avec les hedge funds, c’est que je les déteste ».

Il est donc sans pitié pour ses pairs, tous ces saigneurs qui regardent le monde du haut de leurs donjons dorés parce que détenteurs des clés d’un pouvoir qui aujourd’hui leur brûle les ailes tant ils se sont trop approchés du feu sacré et qu’il décrit ainsi : « Je l’ai fait pour l’argent. Les fruits pendants, c’est-à-dire ces idiots dont les parents ont payé la prépa, Yale et le MBA d’Harvard, étaient à ramasser. Ces gens qui étaient la plupart du temps indignes de l’éducation qu’ils ont (supposément) reçue se sont élevés jusqu’aux sommets de firmes comme AIG, Bear Stearns et Lehman Brothers et à tous les niveaux du gouvernement. Toutes ces choses qui soutiennent cette aristocratie n’ont abouti qu’à rendre plus facile pour moi de trouver des gens assez bêtes pour être de l’autre côté de mes transactions. Que Dieu bénisse l’Amérique. » La tirade est suffisamment violente pour procurer quelque joie aux va-nus-pieds que nous sommes et qui regardons les milliards voler par les fenêtres, sonnés et éberlués par tant d’insolences impétueuses.

Certes, il quitte ce vaisseau à la dérive alors qu’il était un de ses capitaines les plus brillant, bien doté par quelques spéculations ultimes sur le dos de la bête déjà largement souffreteuse, même s’il avoue être bien loin de détenir autant qu’un George Soros ou autre Bill Gates, confiant ceci : « Certains, qui pensent pouvoir estimer avec une certaine précision le montant de ma fortune personnelle, seraient peut-être surpris de me voir partir avec un trésor de guerre aussi modeste. »

Mais Andrew, permettez-moi cette familiarité puisqu’il est revenu dans la communauté des communs mortels, n’était pas de ce sérail qu’il foudroie sans coup férir et c’est certainement ici une des raisons qui explique ce geste grandiose qui pointe avec force vindicte les vices cachés de la machine infernale à injustice.

Non content de balancer tout ce beau monde, il se permet même de les enterrer vivant en les rappelant à leur propre mortalité ainsi qu’à la vacuité de leur existence. « De toute façon, dans cinquante ans, personne ne se souviendra d’eux. Steve Balmer, Steven Cohen, et Larry Ellison seront tous oubliés. Je ne comprends pas ce désir de postérité. Pratiquement tout le monde sera oublié. Abandonnez cette idée de laisser une marque. Débarrassez-vous de votre Blackberry et profitez de la vie. » Même s’il m’est avis que peu suivront ce profond conseil dans les faits, à sa lecture ils ont dû être pris d’un doute vertigineux, et quelques fugaces instants ils ont pu sentir le sol de cette planète, qu’ils pillent allègrement, se dérober sous leurs pieds chaussés avec quelques milliers de dollars, cela pour notre plus grande joie encore une fois.

En fait, cette confession épistolaire, en filigrane, ne fait que décrire l’absurde qui régit nos sociétés depuis que le capital, et tous ses corollaires, dictent au plus grand nombre le chemin dans lequel il est impératif de s’inscrire au risque de voir les cerbères de l’enfer s’abattre sur les plus récalcitrants. Un monde qui file à contre sens du vivant, à contre courant du plus basique bon sens, nous emprisonnant dans un tourbillon vicieux aux effets pervers que nous commençons à peine de récolter. N’en déplaise aux nouveaux apôtres improvisés de la régulation future réunis à Washington, celle-ci ne produira d’effet que si elle est guidée par une volonté impérative de RE-DIS-TRI-BU-TION. Sans quoi, tous ces vœux pieux seront vains car à quoi servira-t-il de réguler l’accumulation de l’essentiel des richesses par un tout petit nombre d’humains qui n’entendent pas que le bonheur ne vaudra que lorsqu’il sera partagé.

En attendant que le bonheur des uns fasse celui des autres, il y a cette immense majorité qui plie l’échine en regardant passer la crise sur un écran plat made in China acheté à coup de crédit revolving, alimentant une mécanique que pourtant ils subissent.

La récession frappe à la porte du monde et il serait bien de suivre les préceptes posés, entre autre par Charles Morris afin de saisir cette chance historique qui nous est donnée de changer ce modèle qui, de toute évidence va finissant car incompatible avec le sens du vivant invoqué plus haut. Auquel cas le risque est de perdurer ainsi, tel Sisyphe roulant sa pierre en haut de la montagne pour la regarder ensuite dévaler la pente en pensant aux efforts qu’il faudra produire pour réitérer l’opération, contemplant ce destin absurde abasourdissant.

Non, c’est la montagne qu’il faut détruire et contester le jugement de Hadés fondé sur un péché originel qui n’a plus de raison d’être en ce vingt et unième siècle si l’on ne veut pas que l’humanité se suicide. Dés lors, comme le suggère Camus dans son essai « le mythe de Sisyphe », il n’y a d’alternative au suicide que dans la révolte. Il est grand temps alors de nous en inspirer pour construire le monde de demain, loin, très loin de celui qui nous est imposé encore aujourd’hui.

C’est la vie qu’il faut privilégier, profiter des fruits qu’elle nous offre si nous savons la cultiver, ici réside le seul destin de l’humanité de demain, jardiner le vivant.

In fine, c’est cela que propose Andrew Lahde dans cette missive improbable mais savoureuse, qu’il conclut par une apologie du chanvre en rappelant que le premier drapeau américain, ainsi que la première constitution, étaient faits de cette plante dont il vante aussi les vertus médicamenteuses.

Planant non ?


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15 réactions à cet article    


  • michel michel 17 novembre 2008 11:20

    Nous sommes au dela du cynisme ou des conflits d’interets. Quelques egos entrainent le monde vers le
    gouffre. Par moment, je me demande si la solution n’est pas un G20 mais un sceance de psychanalyse
    collective, suivi d’une retraite pour mediter er apprehender la réalité des choses...

    Il est vrai que nous ne pouvions attendre d’eux un plan ’concret’ . mais au moins un diagnostic lucide et
    partagé. Il est clair que le marché est aussi un puissant mecanisme d’organisation des pressions
    resultant dans une incapacité à voir. Agir requiert de la lucidité qui elle meme commence par cette
    capacité à voir... mais pour cela il faut deja en avoir la volonté.

    La finance, est le moyen d’alimenter les outils concus pour resoudre nos problemes, et la liste est
    longue entre crises climatique, demographique, energetique et ecologique...

    Refuser de traiter le probleme financier demontre une incapacité à traiter les autres problemes.

    Je crains que l’option prise consciemment ou non, soit de laisser aux forces que notre economie
    devrait contenir le soin de resoudre les choses....


    • hans lefebvre hans lefebvre 17 novembre 2008 11:21

       Pourrait-on corriger la faute en remplaçant faire siens par siennes. Merci par avance aux modérateurs.


      • Lisa SION 2 Lisa SION 2 17 novembre 2008 12:05

        Propos d’Andrew Lahde :

        " En ce qui concerne le gouvernement, j’aurais une modeste proposition à faire. D’abord, je voudrais souligner les failles les plus évidentes. Des propositions de lois ont sans cesse été présentées au Congrès ces huit
        dernières années. Des lois qui auraient permis de contrôler les pratiques de ces institutions dont la plupart aujourd’hui ont disparu. Ces institutions ont régulièrement rempli les coffres-forts de tous les partis politiques en échange d’un REJET de ces projets de lois qui étaient destinées à PROTEGER LE CITOYEN ORDINAIRE
        . "

        L’homme politique qui veut arriver sur la plus haute marche du podium se doit de s’allier avec la finance. Mais, une fois installé, il a donc des comptes à rendre, quelles que soient ses promesses. Il est facile de déterminer ceux qui ont privilégié leurs promesses..ils ont été assassiné !


        • vincent p 17 novembre 2008 12:30

          La vaine gloire de l’homme moderne, politique ou déchu et il séduisait encore le monde des vaines valeurs matérielles, par les vains prodiges politiques qu’il lui était encore permis d’opérer, voyez comme nous sommes encore capable de nous réunir, de nous flatter, aussi en Europe, celle de la vanité des hommes. Collectionnant à tout va les titres et actions politiques qui font encore poltiquement et orgueilleusement la bêtise des peuples, c’est l’histoire mais jusqu’à quand, mais quel grand trou noir absorbant tout ?



          • hans lefebvre hans lefebvre 17 novembre 2008 20:54

            Votre commentaire, lui, n’est pas vain.


          • michel michel 17 novembre 2008 14:12

            A partir d’un certain niveau, l’argent n’est qu’un moyen d’agir sur la conduite du monde, rien à voir avec ce qu’il represente pour la plupart. Maitriser la conduite du monde n’a qu’une relation lointaine avec la satisfaction des besoins les plus communs si ce n’est quand cela peut remettre en cause ce pouvoir.... et meme dans ce scenario, le pouvoir a les moyens de se perenniser.

            Paradoxalement, plus les choses vont mal, plus ce pouvoir pourrait etre remis en cause, plus ceux qui l’ont sont enclins a ne pas agir autrement qu’en le renforcant . Les dictatures mettent l’armée dans la rue, les democraties multiplient les systemes de controle des systemes sans toucher au systeme lui-mêrme mais avec le souci de le perenniser.

            Du point de l’individu, que l’on exerce son pouvoir sur un lopin de terre ou sur le monde, ces fondamentaux restent les memes. Par contre, les consequences ne le sont pas. Voila pour l’aspect rationnel.

            Pour le reste, j’ai quand meme le sentiment que ceux qui nous gouvernent considerent que tant que la planete n’explose pas, il restera toujours un lopin de terre viable ou profiter de ce pouvoir . C’est une forme de renoncement qui n’est pas à la hauteur de la responsabilité qui ont choisi de prendre. Un homme seul ne peut rien faire, il ne peut permettre qu’aux autres de faire. Plusieurs sont morts a essayer...

            Quand Obama sera aux commandes, ou bien il nomme les gens n’ayant pas necessairement à ne pas changer les choses pour maintenir leur pouvoir ou il ne le fait pas. Nous le saurons dans les premiers mois de l’année pendant qu’il beneficiera d’un etat de grace.

            En avril prochain, nous serons fixes. A defaut, le prochain rendez-vous du G20 n’a aucun interet pour vous ou moi.


            • hans lefebvre hans lefebvre 17 novembre 2008 20:54

              Je pense que tout cela est même bien au-delà des pouvoirs d’Obama, par contre, l’edifice contient les germes de sa propre fin...


            • michel michel 17 novembre 2008 23:43

               De son pouvoir ? je ne crois pas. De sa volonté ? la question aura bientot une reponse.

               


            • michel michel 18 novembre 2008 00:51

               
               Il faut de l’imagination et surtout ne pas etre dans le domaine de la finance pour penser en dehors du cadre... par exemple :

               Si les interets bancaires servaient au final a remunerer les francais et non des actionnaires il y aurait auto-regulation.Un taux maximal d’interets serait alors fixé. La réussite resterait la clé pour s’enrichir (et etre capable de rembourser un pret) et accroitrait le pouvoir d’achat en meme temps que la valeur globale, tous les biens sans exception feraient l’objet d’un amortissement à proportion de la part non recyclable qu’ils comprendraient, etc...

               
               
               
               
               


            • hans lefebvre hans lefebvre 17 novembre 2008 20:51

              La délinquance en col blanc, si peu repérée, voire même confirmée dans ses fonctions par certains électeurs, cf.l’affaire balkany, soit un must dans le genre !


            • michel michel 17 novembre 2008 23:40

               A propos des fuites. De l’avis de Bigard (je crois), vous rappelez vous pourquoi une vitre separe le
               politique de son chauffeur dans une voiture ? 


            • Mycroft 18 novembre 2008 16:02

              Cet homme fait preuve d’un rare cynisme, dites moi. En gros, ils nous dit clairement : "j’ai misé sur la crise, j’ai gagné, maintenant, je vais en profiter. Bon, les blaireaux qui bossez dans la finance, vous êtes nuls. Pas la peine d’essayez de trouver des solutions, vous ne valez rien. Et comptez pas sur moi pour faire du boulot, hein, moi, je bosse que pour ma pomme."

              Je crois que le mot "traitre" résume assez bien ce qu’on peut penser de cet homme. Traitre envers sa profession, qu’il méprise. Traitre envers son espèce, qu’il a exploité, et qu’il jette maintenant qu’elle ne lui sert plus. Il oubli que son argent, que sa richesse, ce sont des gens qui font un vrai travail qui en sont l’origine. Ces même gens qui subissent la crise qui l’a enrichie.


              • hans lefebvre hans lefebvre 18 novembre 2008 23:19

                Je vois l’homme plutôt courageux, renonçant ce à quoi il a cru longtemps (pouvoir notamment), remettant en question les fondations de son existence, dénonçant les travers d’un système auquel il a collaboré, privilégiant désormais l’essentiel. Quant au mot traitre, peut-on réellement l’employer lorsqu’il s’agit de renier une mécanique perverse qui nuit au plus grand nombre ? Je n’en suis pas certain.



              • Mycroft 19 novembre 2008 16:09

                Renoncer au pouvoir, je ne vois pas en quoi c’est un signe de courage, quand on a les avantages qu’il peut procurer, à savoir une vie facile. Ce n’est pas comme s’il avait donné sont butin à l’ensemble des travailleurs, hein. Il nous dit bien qu’il va vivre tranquillement avec.

                Il ne privéligie pas l’essentiel, mais sa propre petite personne. Ce qui, quand on a tant profité du système, et donc des gens qui le composent (et ces gens, ce ne sont pas seulement les banquier, mais aussi vous et moi), est tout simplement scandaleux.

                Il ne fait pas que dénoncer le système actuel, il en a aussi profité. C’est en ce sens que c’est un traitre, pire encore que les autres. Car lui comprenait ce qui se passait, et en a profité pour lui seul.


              • hans lefebvre hans lefebvre 19 novembre 2008 19:31

                Si tel est votre point de vu, je peux l’entendre, ce n’est pas le mien, l’ivresse que peut procurer la sensation du pouvoir est sans commune mesure avec l’aisance matèrielle ! Décider au quotidien, exister dans les hautes sphères, être encensé par le NY Time, et autre reconnaissances sont largement au-delà du matelas financier qu’il a pu se procurer. renoncer à son image et à son statut social me semble beaucoup plus difficile que renoncer à la prospérité. Mais ce n’est ici que mon avis.
                cordialement

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