Le prix du Sourire
Au moment où le chômage en France vient de passer le cap des 2,6 millions, (lien) il est temps de s’interroger sur le travail.
L’histoire nous prouve que travailler n’amène pas le bonheur, puisque de tous temps, l’homme a tenté de le rendre moins pénible.
N’est-il pas devenu sédentaire, cultivant, produisant, élevant sur place des plantes et du gibier pour économiser ses efforts ?
Il a toujours privilégié la paresse, même s’il éprouve quelque difficulté à le reconnaitre, puisque la morale le condamne d’avance.
Quitte à prendre le contrepied du projet sarkozyste qui promettait de « travailler plus pour gagner plus », pourquoi ne pas envisager de « travailler moins » ?
Dans la Bible, Dieu voulait que l’homme « gagne son pain à la sueur de son front ». lien
Le travail serait donc une punition.
L’origine du mot « travail » vient d’ailleurs du latin « tripalium » lequel était un instrument de torture. lien
Il servait entre autres à marquer le bétail (et les esclaves ?) au fer rouge, et il était symbole de souffrance.
C’est d’ailleurs dans ce sens qu’il faut comprendre l’utilisation du mot « travail » donné à une femme lorsqu’elle accouche.
Le travail, permettant de gagner de l’argent, devait nous procurer du bonheur, suivant l’adage : « l’argent ne fait pas le bonheur, mais il y contribue ».
Or le bonheur ne peut pas s’acheter !
On peut payer pour du sexe, mais on ne peut acheter l’amour, la tendresse, ou la passion.
Quel est le prix d’un sourire ?
Un sourire ne coute rien, et il produit beaucoup !
Il enrichit celui qui le donne, et celui qui reçoit,
il ne dure parfois pas longtemps, mais son souvenir peut durer éternellement : quel produit commercialisé aujourd’hui peut en dire autant ?
Personne n’est assez riche pour pouvoir s’en passer, et personne n’est trop pauvre pour ne pas le mériter.
Le sourire est une chose qui n’a de valeur qu’à partir du moment où il se donne.
Faites la visite d’une entreprise : de quels sourires avez vous souvenir ?
Les femmes et les hommes qui travaillent uniquement pour subvenir à leurs besoins ont rarement le sourire.
Alors pourquoi ne pas accepter cette réalité : nous voulons vivre pour être et pas fatalement pour travailler.
Nous voulons servir à quelque chose d’important, et non pas êtres des outils destinés à fabriquer de nouveaux besoins.
Nous voulons êtres des créateurs et non pas des acteurs.
A quand enfin un ministère de la Paresse ?
Comme le dit Pierre Pradervant dans son livre (gérer mon argent dans la liberté/2004) :
« On peut acheter un lit, mais pas le sommeil,
de la nourriture, mais pas l’appétit,
des livres, mais pas l’intelligence,
des médicaments mais pas la santé,
des bijoux mais pas la beauté,
une certaine réputation, mais pas une bonne conscience,
des relations, mais pas l’amitié… »
Ce bonheur que nous cherchons ne passe-t-il pas par l’oisiveté ?
Des tours de potier aux tours numériques, l’homme n’a cessé de créer des machines pour économiser ses efforts. lien
Aujourd’hui les machines font des machines, capables de faire d’autres machines, naturellement de plus en plus performantes.
Des calculs savants ont été faits :
Il a été prouvé qu’il serait plus positif pour la santé de la planète de payer les salariés des usines d’armement à ne rien faire.
Il y eut même une époque où un grand patron de l’automobile (Ford) continua quelques temps à salarier des ouvriers dont il n’avait plus besoin, puisque les machines les avaient remplacés.
Il s’était dit : « si je les licencie, ils n’auront plus de salaire, et qui achètera mes voitures ? ».
A ceux qui prétendent que les échanges sans argents n’existent pas, il faut leur rappeler l’existence du troc, ainsi que le travail fait dans les associations, le travail fait dans les familles, toujours bénévolement.
Paul Lafargue avait écrit dès 1880 :
« pour qu’il parvienne à la conscience de sa force, il faut que le prolétariat foule aux pieds les préjugés de la morale chrétienne, économique, libre penseuse ; il faut qu’il retourne à ses instincts naturels, qu’il proclame les Droits de la Paresse, mille et mille fois plus sacrés que les phtisiques Droits de l’Homme, concoctés par les avocats métaphysiques de la révolution bourgeoise ; qu’il se contraigne à ne travailler que trois heures par jour, à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit ». lien « le droit a la paresse », (éditions Allia)
Trois heures de travail par jour, çà laisserait du temps libre.
Qu’en ferions-nous ?
Peut-être rien ! Peut-être tout !
Peut-être pourrions nous mieux réfléchir, créer, dormir, rêver, nous amuser, découvrir, comprendre, aimer et parvenir au bonheur.
C’est aussi ce que porte un mouvement récent : la décroissance, qui plaide, entre autres, pour une approche différente du travail. lien :
« il ne sera pas possible d’en finir avec les forçats du travail tant qu’ils demeureront des forçats de la consommation et ils le resteront tant qu’ils conserveront la même conception du bonheur »
(la décroissance/ Paul Ariès / édition Golias/2008)
Car comme disait un vieil ami africain :
« Posséder sept paires de baskets ne permet pas de courir sept fois plus vite ».
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