Le RSA sans détours (1)
Toutes sortes d’informations circulent sur internet sur le Revenu de solidarité active (RSA). Des idées reçues et même des contrevérités. Il est temps d’essayer de faire le point sur cette réforme, sans langue de bois, avec l’œil critique du citoyen averti, mais aussi sans tomber dans la critique systématique envers le gouvernement. Le chantier est vaste. Nous allons examiner ici, en première partie, l’impact du RSA sur l’emploi et la réduction de la pauvreté.
Martin Hirsh, haut commissaire aux solidarités, était l’invité de la chronique des Quatre Vérités sur France 2 le mercredi 10 septembre.
D’abord un mot sur le titre de cette chronique, Les Quatre Vérités qui n’est pas vraiment conforme à ce qu’on en attend. Interviewé par Christine Laborde, Martin Hirsh s’est, comme tous les invités de cette émission, livré à un exercice de promotion de sa politique sans être dérangé par les questions. Le temps limité de cet exercice imposé explique le désir de ne pas polémiquer de si bonne heure aussi peut-être. Enfin, le manque de mordant légendaire des journalistes français. Le rôle de la journaliste ici n’est pas anodin non plus, Mme Laborde a coutume d’user de précautions oratoires qui se traduisent par un abus de l’expression "si j’puis dire" (visionnez les deux dernières émissions pour vous en rendre compte). Elle plaçait - sans raison- "entre guillemets" le qualificatif de "riches" pour les 300 000 familles richissimes de l’Hexagone. L’entretien fut cependant dans l’ensemble bien mené et instructif. Mais passons au fond.
Martin Hirsh annonce un taux de retour à l’emploi des allocataires du RSA dans les zones expérimentales supérieur de 30 % à celui observé dans les zones témoins. On est d’emblée surpris, le haut commissaire parlait jusqu’ici de 25 %. Serait-il tombé dans un excès d’optimisme ou dans un délire de propagande médiatique ? Après vérification, il s’avère, en effet, que le comité d’évaluation des expérimentations vient de publier un rapport d’étape sur l’impact de cette allocation. Il donne ce taux de 30 %, supérieur donc à celui de 25 %, publié en juillet dernier par les services du haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté. Faut-il mettre en doute ce nouveau chiffre ? Apparemment pas. Ce comité est présidé par François Bourguignon, qui est le directeur de la prestigieuse Ecole d’économie de Paris. Il fut aussi un chef économiste de la Banque mondiale. Par ailleurs, François Bourguignon n’est pas prompt à s’enflammer ou à jubiler facilement : lorsque Martin Hirsh se félicitait du taux de 25 %, il incitait prudemment à attendre les résultats d’une évaluation plus approfondie.
Que dit encore ce bilan d’étape ? Il combat par la preuve quelques idées reçues.
D’abord la suspicion qui voudrait que les bénéficiaires du RSA sont choisis parmi les personnes les plus proches de l’emploi. Sélectionner les plus aptes à retrouver un emploi aurait évidemment faussé l’étude et aurait enjolivé les résultats. Il n’en est rien selon le comité dévaluation. Figurent dans l’échantillon témoin beaucoup d’allocataires inscrits au RMI depuis plus de quatre ans. Ce sont même les plus nombreux au sein de l’échantillon. Le comité se satisfait de ce résultat qui "laisse penser que le RSA permet de remettre en emploi un public plus éloigné de l’emploi que le dispositif de droit commun".
Ensuite, l’idée que les emplois créés se font dans l’administration, à des postes précaires et bidons. Il n’en est rien non plus. 60 % des contrats dont bénéficient les allocataires du RSA concernent le secteur marchand. Certes, tous les bénéficiaires n’ont pas trouvé un emploi durable : 28 % des bénéficiaires du RSA ont un emploi durable (CDI ou CDD de plus de six mois), un peu moins du tiers en contrat aidé, un quart en CDD de moins de six mois ou en intérim, près de 10 % en activité indépendante et moins de 5 % en formation rémunérée. Mais le bilan est là : le retour à l’emploi est effectif.
Enfin, plus de 40 % des bénéficiaires du RSA expérimental disent que l’octroi du RSA les a incités à accepter une reprise d’emploi qu’ils auraient sans doute refusée dans le dispositif antérieur.
Le comité d’évaluation s’est employé à réaliser une simulation macroéconomique de l’impact du RSA, à essayer d’anticiper ce que cela pourrait donner à grande échelle sur toute la France métropolitaine. C’était une entreprise plus risquée car, lorsqu’il l’a entreprise, tous les arbitrages n’avaient pas encore été rendus et il est parti de l’hypothèse retenue à l’époque d’un cumul entre le RSA et le revenu d’activité à hauteur de 60 % ou 65 % de ce dernier. Or, la base décidée est moindre : 62 %. C’est avec un peu de prudence qu’il faut donc prendre cette transposition à grand échelle des bilans locaux. Le comité d’évaluation a estimé entre 0,5 à 1,3 point le taux de baisse du taux de pauvreté et entre 0,8 à 1,8 point, selon l’hypothèse retenue (60 % ou 65 %). La fourchette est donc large : entre 300 000 et 1 million de personnes susceptibles de sortir de la pauvreté avec le RSA. Difficile d’être plus précis actuellement. François Bourguignon se montre, comme à l’accoutumée, très prudent : "les premiers résultats obtenus sont encore imprécis et provisoires et on a besoin de plus d’observations pour parvenir à une conclusion définitive. C’est pourquoi il est impossible, à ce stade, d’en extrapoler un résultat national".
En conclusion sur cet aspect économique du RSA, il est avéré que les années d’efforts de Martin Hirsh et des nombreux acteurs sociaux qui se sont impliqués (organismes sociaux, Conseils généraux, etc.) sont payantes et que le RSA constituera un réel progrès par rapport au RMI qui était une trappe à l’inactivité productrice d’inertie. Il va falloir toutefois réfléchir à des garde-fous pour contrer les effets pervers et les abus possibles du RSA afin de limiter la multiplication des temps de travail partiel et surtout très partiel. Le débat parlementaire peut parfaitement apporter des avancées sur ce point. Il conviendra aussi de ne pas s’en tenir au seul RSA comme remède unique à la lutte contre la pauvreté. Le développement de l’emploi devra être favorisé par ailleurs.
Cela fait, le RSA devrait permettre à beaucoup de personnes de sortir de leur situation d’endettement et de remettre le pied à l’étrier.
A suivre.
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