Le RSA sans détours (2) : analyse méthodique
Les médias font couramment la comparaison entre le RSA et le RMI, mais oublient que, par nature, cette nouvelle aide se rapproche davantage de l’impôt négatif. Si l’on veut examiner les points forts et les faiblesses du RSA, il faut donc se référer à la fois au RMI - qu’il remplace - mais aussi à cet impôt négatif théorisé par le prix Nobel de l’économie, Milton Friedman en 1962, et en vigueur dans plusieurs pays étrangers.
Le RSA remplacera le RMI, mais aussi l’API (allocation de parent isolé) et la PPE (prime pour l’emploi). Comparer le RSA uniquement au RMI serait donc une erreur. Mais la comparaison s’impose néanmoins car de nombreuses similitudes existent entre les deux systèmes.
Le RSA et l’impôt négatif
"L’impôt négatif sur le revenu est un type d’impôt appliqué principalement depuis les années 1990 et 2000. Il consiste en un impôt à taux unique, couplé avec une allocation universelle, c’est-à-dire le versement à tout individu d’un montant fixe par l’Etat". (Wikipedia)
L’impôt négatif permet de simplifier et de démocratiser le versement des allocations en pénalisant moins l’activité économique. Il existe dans plusieurs pays étrangers. Aux Etats-Unis, par exemple, l’"Earned Income Tax Credit" profite à quelque 50 millions de citoyens pour lesquels cela représente au maximum 40 % de leur revenu. L’impôt négatif a pour effet d’accroître le revenu des salariés à bas revenus ; cela contribue à accroître aussi l’offre de travail de ceux qui, sans l’impôt négatif, se présenteraient peu sur le marché du travail.
C’est bien en ayant en tête l’impôt négatif que Martin Hirsh et le gouvernement ont conçu le RSA. Un impôt négatif à la française, tenant compte de la logique des minima sociaux déjà existants et de notre situation socio-économique. En effet, comme l’impôt négatif, le RSA vise à supprimer les effets de seuil. C’est bien là l’un des objectifs phares affichés par le Grenelle de l’insertion : supprimer les effets de seuils pour les bénéficiaires de minima sociaux, afin d’assurer, en toutes circonstances, des revenus du travail supérieurs à ceux de la solidarité.
L’impôt négatif lutte contre les trappes à inactivité, cet objectif a aussi été affiché, mais davantage d’ailleurs par les pseudos-libéraux de l’UMP qui font usage de cet argument pour stigmatiser l’inaction des RMIstes.
En France, la démarche de l’impôt négatif a déjà été amorcée avec la création de la prime pour l’emploi (PPE). Seulement l’impact de ce dispositif sur la croissance est quasi nul. La PPE est un saupoudrage financier qui en fait un instrument très peu incitatif à la reprise d’un emploi : pour être incité à reprendre un travail, la carotte aurait dû être bien plus importante. Ce saupoudrage fait aussi que de nombreux bénéficiaires perçoivent cette aide sans qu’ils en aient un besoin vital. L’étude montre qu’un peu plus d’un million des bénéficiaires de cette prime se trouve dans la moitié la mieux rémunérée des travailleurs, tandis que 2,8 millions de travailleurs aux revenus d’activité très faibles en sont exclus. Ce qui explique que le gouvernement a voulu opérer un "recentrage" pour redonner à cette aide un caractère redistributif, mais il s’y est pris maladroitement et non sans arrière-pensée en voulant capter ces sommes pour financer le RSA. Devant l’indignation générale (prendre aux pauvres pour donner aux pauvres n’est pas admissible), il dut renoncer. Voilà comment on rate une réforme !
La PPE a peu d’impact sur le taux de pauvreté des personnes en emploi. Cela est confirmé par une étude conjointe menée en 2006 par la Dares et la Drees, l’Insee, la Direction générale des impôts et la Direction générale du Trésor. "Peu ciblée et excluant les salariés et non-salariés ayant de faibles revenus d’activité (inférieurs à 0,3 Smic), la PPE ne réduit que de 0,5 point le taux de pauvreté des personnes en emploi". C’est un constat d’échec de la première expérimentation (socialiste) de l’impôt négatif en France.
Le RSA et le RMI
Le RSA ne diffère pas tellement du RMI qu’il remplacera. On retrouve pour les deux dispositifs les mêmes conditions d’accès, le même principe d’une allocation différentielle, le même suivi par un référent, la même notion de contrat d’insertion passé entre le bénéficiaire et le président du Conseil général. Beaucoup de points de ressemblance donc, mais, alors, pourquoi vouloir remplacer l’un par l’autre ? Tout d’abord parce qu’il fut annoncé lors de la campagne présidentielle de Sarkozy. Le but affiché était de lutter contre la grande pauvreté tout en incitant les "assistés" à la reprise du travail. Il y a cette - mauvaise - raison de considérer tout RMIste comme un profiteur de l’assistanat, mais il y a aussi le vœu de redonner leur dignité à tous ceux qui subissent l’inactivité prolongée. Le travail permet non seulement un gain de revenus, mais il apporte la satisfaction personnelle de gagner soi-même ses revenus sans se sentir un "assisté" ; il permet de sortir de l’endettement et des fins de mois difficiles, de recréer du lien social dans le monde des actifs. Enfin, il devrait redonner de la dignité par le travail.
La dignité par le travail : c’est un des objectifs poursuivis que le RMI ne permettait pas vraiment : quand on entrait dans le dispositif du RMI, on courait le risque d’y rester enfermé de longues années... Même à temps partiel, le bénéficiaire du RSA a la satisfaction de retrouver un rôle actif et utile. L’employeur n’a pas connaissance de sa situation car le RSA ne figure pas sur la fiche de paye. Respect de la dignité de l’être humain là aussi. Mais... Mais si l’on n’y prend garde cette dignité peut être mise à mal par la relégation possible dans des petits boulots indignes sans avenir. C’est aussi le risque de "trappe à temps très partiel". Le secrétaire d’Etat à l’Emploi lui-même, Laurent Wauquiez, a reconnu que le RSA pouvait devenir une "trappe à temps partiel", proposant un "rendez-vous" pour évaluer son efficacité au bout d’"un certain nombre de mois, voire un an". A l’heure qu’il est, aucune suite connue à sa proposition n’a été annoncée. En fait, il existe un risque que le caractère incitatif du RSA joue parfois plus en direction des employeurs qui verront dans cette aide une prime aux plus petits boulots, pour rendre ceux-ci plus attractifs. Ce n’est pas là l’esprit initial du RSA.
La pérennité de l’aide : à l’inverse du RMI qui vous apporte une aide financière conséquente les trois premiers mois de la reprise d’activité puis qui vous lâche un peu la main avant de vous abandonner complètement passé la première année d’activité, le mécanisme du RSA, sera, lui, pérenne. Mais cette pérennité se révèle à double tranchant. C’est bien sûr une bonne nouvelle pour les bénéficiaires du RSA (même si les trois premiers mois sont moins généreux qu’avec le RMI) : ils pourront en bénéficier au-delà d’une année. Mais cette pérennité peut aussi produire des effets indésirables. Charles de Courson, député centriste, déclare : "Si le RSA reste non dégressif dans le temps, comment allons-nous expliquer au smicard qui travaille à temps complet qu’il ne gagne pas plus qu’un bénéficiaire du RSA qui travaille moins ?"
On le voit, tirer un bilan parfaitement objectif et exhaustif des avantages et inconvénients du projet de réforme est particulièrement délicat et risqué.
Cette étude comportera un troisième volet.
A suivre...
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