Le RSA sera-t-il incitatif ?
On connaît le principe. Le RSA doit se substituer aux minima sociaux (RMI, API, peut-être ASS) qui découragent à la reprise d’emploi. Le RSA, au moyen du procédé de l’intéressement, devrait inciter les "assistés" à se mettre au travail. Mais des questions se posent : sera-t-il suffisamment incitatif ? Quels sont les effets pervers ?
Les députés commenceront à débattre du projet de loi sur le RSA à partir de mardi 29 septembre au soir. Mais il est intéressant d’ouvrir parallèlement le débat sur ce média.
Le débat citoyen pourra suivre ou pas le déroulement du programme de l’Assemblée qui commencera ses travaux par les mesures concernant la politique d’insertion (articles 8 à 13), a précisé le ministre des Relations avec le Parlement, Roger Karoutchi, jeudi 25 septembre.
RSA moins incitatif pour les femmes ?
La question est essentielle parce que le caractère incitatif du RSA a été posé comme la qualité principale du dispositif. Un point qui semblait acquis, Valérie Létard a même annoncé qu’elle s’apprêtait à transposer le mécanisme, inspiré du RSA, à l’AAH (Allocation aux adultes handicapés). Or, une étude de l’OFCE vient discuter ce point. Dans un article publié sur son site, "RSA et emploi : où sont les femmes ?", l’OFCE affirme plusieurs choses :
1 - Le RSA "ne peut avoir un effet incitatif à la reprise d’emploi que dans la mesure où le non-emploi des bénéficiaires de minima sociaux est volontaire". Or, une enquête récente de la Dress indique que 28 % seulement des Rmistes ne recherchent pas d’emploi. Une forte majorité subit donc un non-emploi involontaire. Ceci limitera déjà par avance l’étendu de l’effet incitatif.
2 - Les freins non financiers au retour à l’emploi, tels que "les problèmes de santé, de transport, de gardes d’enfants, le manque de qualification", viendront aussi réduire cet effet incitatif.
3 - Le RSA pourrait même s’avérer désincitatif pour certaines femmes : il pourrait "encourager certaines femmes à réduire leur temps de travail, voire à se retirer du marché du travail". Pour les couples, "si le RSA rend le passage de l’inactivité à un Smic plus rémunérateur, il réduit les incitations financières du travailleur secondaire, le plus souvent la femme" sachant que, "lorsqu’il faut faire garder des enfants, le coût du retour à l’emploi peut être important", précise l’OFCE.
Avant l’heure, c’était l’Eure
Le département de l’Eure, qui fut le pionnier en matière d’expérimentation locale du RSA, a publié un livre de témoignages des acteurs et bénéficiaires impliqués qui expriment quelques doutes. L’ouvrage, intitulé Le RSA : une révolution sociale (aux éditions Autrement), fait le récit de l’expérimentation menée dans l’Eure depuis juin 2007. Le président du Conseil général, Jean-Louis Destans, s’est rallié très tôt à Martin Hirsh pour explorer de nouvelles voies d’insertion des personnes en situation de précarité dans son département. Aujourd’hui, il émet des réserves. Pour lui, la généralisation de la réforme est "trop rapide ou restreinte".
"Trop rapide" : il aurait fallu, selon lui, mener jusqu’à son terme l’expérience engagée, initialement prévue pour trois ans. Mais le temps politique n’est pas le temps de l’administration et ce ne sont pas les fonctionnaires qui décident.
"Trop restreinte" : peut-être fait-il allusion à la non-extension du RSA aux jeunes de moins de 25 ans ?
Il déclare aussi : "La limite, c’est que nous avons très vite intégré dans le RSA des personnes qui étaient relativement proches de l’emploi", explique-t-il. Or, "au bout de quelques mois, nous sommes confrontés au groupe de personnes qui ont davantage de difficultés, et c’est plus compliqué". Mais cette déclaration est à prendre avec prudence car, d’une part, elle sonne comme un aveu que l’expérience menée dans l’Eure a favorisé la solution de facilité (aider les gens proches de l’emploi) pour grossir le bilan. Venir se plaindre ensuite que la généralisation intervient prématurément et que l’on n’a pas eu le temps de tout évaluer relève un peu de la mauvaise foi. D’autre part, le comité d’évaluation des expérimentations vient de publier un rapport national d’étape sur l’impact de l’allocation dans lequel il lève la suspicion selon laquelle les bénéficiaires du RSA sont choisis parmi les personnes les plus proches de l’emploi. Figurent dans l’échantillon témoin beaucoup d’allocataires inscrits au RMI depuis plus de quatre ans.
En conclusion, la question à se poser est surtout la suivante : comment rendre le caractère incitatif du RSA le plus efficient possible ? Il s’agira de bien mesurer les effets positifs et négatifs du dispositif, de manière à les corriger. L’OFCE se veut optimiste en affirmant qu’il est encore possible de lutter contre la désincitation des femmes "en diminuant les frais de garde d’enfants et/ou en augmentant le nombre de places d’accueil collectif", ce qui lèverait "un des principaux freins à l’emploi des mères de jeunes enfants". Seulement voilà, cela nous coûterait cher et pouvons-nous nous le permettre encore ?
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