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Accueil du site > Actualités > Economie > Le temps de la rentabilité est révolu

Le temps de la rentabilité est révolu

La rentabilité est le point central qui occupe toutes les pensées de l’homme inscrit dans le monde capitaliste. Objectif primordial à atteindre le plus rapidement possible, sa poursuite exprime un état de conscience positif qui le pousse à l’action, et qui par cette action provoque la réalisation d’un futur différent de celui qui adviendrait sans cette action. En d’autres termes, la recherche de la rentabilité est le moteur qui fait avancer le monde (qu’on le veuille ou non), et sans elle pour le motiver, l’homme semble aujourd’hui incapable d’agir.

Mais la rentabilité, qui se mesure en termes économiques par des perspectives de recettes supérieures à celle des dépenses, se mesure également en terme de temps (de perspectives) : une action peut être « rentable » pendant un temps donné, ou à partir d’un certain temps. C’est pour exprimer cette relativité de la rentabilité qu’on parle aujourd’hui de court, moyen ou long terme. Car le temps de la rentabilité peut varier, et il n’est pas rare de trouver des exemples de certaines activités rentables sur le court terme mais catastrophiques sur le moyen ou le long terme, et réciproquement.

Ensuite, il faudrait définir à qui cette rentabilité profite : une activité rentable est-elle une activité qui profite à celui qui la crée, à ceux qui y sont associés ou à tous ? Pas facile de répondre, pas facile de le calculer. Et si on y ajoute le facteur temps, il apparaît qu’il devient rapidement impossible de répondre à cette question.

D’autant qu’en définitive la « rentabilité » ne se fonde que sur un sentiment, la confiance. Lorsque les « météorologues de la bourse » nous indiquent quotidiennement la tendance, (la tendance et rien de plus), ils ne font rien d’autre que de nous abrutir d’indices de confiance des ménages, des entreprises ou de je-ne-sais-qui, qui eux-mêmes influent sur les comportements des investisseurs… selon des critères que seule une technique très élaborée permettrait de mettre en équation.

Tout ce qu’on sait pour le moment, c’est que si les investisseurs ont confiance, ils viseront le long terme. Si non, ils sont même capables d’aller jusqu’à parier (et de se faire de l’argent) sur la baisse de la bourse, la faillite d’un Etat ou même sur la fin du capitalisme. Et c’est de cette confiance dont dépendent les investissements qui, mis bout à bout et additionnés les uns aux autres, provoqueront le futur hypothétique auquel ils croient (même si ce futur est un enfer) ; et c’est sans doute pourquoi la crise semble s’auto-alimenter. A force de perte de confiance le crédit (qui n’est rien d’autre que la confiance que les banquiers mettent dans un investisseur qui lui aussi doit avoir confiance en l’avenir) se raréfie et entraîne une sorte de « panne » dans la machine à produire de la liquidité, ainsi qu’à plus long terme la réalisation de ce qu’on appelle l’assèchement du crédit.

Mais si la rentabilité se calcule aisément sur le court terme, plus on avance vers le long terme et plus elle est difficile à envisager. Les risques sont donc plus grand à investir sur le long que sur le court, et le seuil financier en deçà duquel il ne vaut mieux pas lancer une activité n’est aisément appréciable que sur une courte durée. C’est-à-dire qu’une activité utile mais non rentable n’a pas lieu d’être ; et qu’à l’inverse une activité utile mais non rentable n’a tout simplement pas lieu d’être (vous pouvez prendre une minute pour prendre la mesure de tout ce dont l’homme se prive ainsi).

Maintenant, le capitalisme peut-il réfléchir à long terme ?

A cette question il est difficile de répondre. On voit bien que dans un monde où l’individualisme l’emporte sur toutes les autres considérations, le court terme doit l’emporter sur le long terme. Comme « on ne prête qu’aux riches », et que seuls les entreprises ou les individus les plus fortunés sont capables de prendre les risques d’un échec ou d’une rentabilité à long terme (car eux seuls ont la trésorerie nécessaire à couvrir ce genre de paris), on peut dire que d’une certaine manière les riches tiennent le futur de tous entre leurs mains, et que ce futur dépend de la confiance qu’ils en ont eux-mêmes. Et quand la confiance est rompue (c’est ce qui semble être le cas aujourd’hui), les riches cessent d’investir pour protéger (enfin c’est ce qu’ils croient et ce que la rationalité exige) leur avenir, en le mettant ainsi en péril.

C’est qu’il est aujourd’hui devenu quasiment impossible de savoir en lançant une activité si elle sera rentable ou non sur le long terme, et à surtout à qui elle profitera, et de quelle manière. La complexité du monde a rendu impossible ce genre de prévisions sur le long terme, et personne ne sait à l’avance si un investissement sera ou non rentable. Tout ce qu’on peut dire, c’est si il sera utile ou pas : comme on sait depuis des siècles que surproduire sur une terre pour obtenir la « maximisation » du profit engendre l’épuisement de cette terre, et qu’à long terme cette méthode n’est pas viable. Mais on le fait quand même. Car derrière la rentabilité il y a le profit, qui n’est que personnel. Si les investisseurs se sentaient non pas héritiers mais emprunteurs de la planète qui les accueille, alors le collectif l’emporterait sur l’individuel, et peut-être les choses pourraient-elles changer.

Car lorsqu’il devient plus rentable de jouer contre le système que de croire à sa sauvegarde et que le court terme l’emporte sur le long, alors c’est la décadence qui nous guette. Les investissements s’amenuisent, la recherche et développement périclite, l’éducation et la formation se désagrègent, le système de santé s’effondre, l’emploi se raréfie… faute de moyens, faute de rentabilité, et ce malgré les besoins gigantesques qui ne sont pas satisfaits. Tout cela au nom de cette rentabilité à laquelle même ceux qui la recherchent à tout prix ne croient plus. Peut-être parce que ce n’est plus la rentabilité qu’il nous faut aujourd’hui trouver, mais simplement la voie d’une vie meilleure pour tous.

Et cette vie meilleure, ne la pourrions-nous pas trouver en nous séparant, justement, de la rentabilité comme objectif primordial, pour le remplacer par celle de l’utilité ou de l’intérêt général ?

Caleb Irri
http://calebirri.unblog.fr


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17 réactions à cet article    


  • Gabriel Gabriel 25 juillet 2012 09:05

    Bonjour Caleb,

    La rentabilité est le miroir aux alouettes auquel les capitalistes et matérialistes se réfèrent comme au saint Graal. Leur vision de l’humanité s’arrête aux profits cours et immédiats. Ils n’ont aucune notion de l’éphémère durée de leur vie et amassent des illusions matérielles comme si ils étaient immortels… Réfléchissons quelques instant à l’idiotie incommensurable d’une telle démarche : « Emporteront-ils leurs comptes en banque, leurs voitures de luxe ou leurs nombreuses résidences secondaires dans la tombe ? Les ressources naturelles sont-elles inépuisables ? Jeter des millions de personne dans la misère est-il gage de paix et d’équilibre ? » Evidement non ! Alors, cette attitude n’est qu’une fuite en avant d’individu incapable, par peur ou limite intellectuelle, d’imaginer un autre type de société basée sur l’amélioration de la qualité de la vie pour l’ensemble de la communauté en harmonie avec son écosystème. Vous avez parlé d’utilité et d’intérêt général, vous avez tout dit. Merci


    • lulupipistrelle 26 juillet 2012 02:36

      " Emporteront-ils leurs comptes en banque, leurs voitures de luxe ou leurs nombreuses résidences secondaires dans la tombe ?"

      Evidemment non. Mais ils les transmettront à leur progéniture, et assureront ainsi la supériorité , sinon la pérennité de leur lignée... parce que la survie biologique est quand même un des moteurs de tout individu, quelle que soit son espèce.


    • gogoRat gogoRat 25 juillet 2012 10:07

      La notion d’utilité est-elle plus claire, plus ’propre’, plus consensuelle que la notion de rentabilité ?

       Est-elle absolument décorélée de cette rentabilité ? ... ou du ’matérialisme’ ?
       N’est-elle pas aussi relative à des a priori sur le court terme, le moyen terme et le long terme ?

       Qui pourrait prétendre savoir arbitrer les revendications à des visées d’intérêt général ?
      Peut-on penser l’intérêt général sans poser la question des techniques de démocratie par lesquelles un consensus pourrait être légitimé ?


       

      • gogoRat gogoRat 26 juillet 2012 14:27

        @ yéti :

         ce lien avec la « valeur travaull » est-il beaucoup plus pertinent qu’une nouille dans la choucroute ? !!

      • kiouty 25 juillet 2012 10:31

        Et cette vie meilleure, ne la pourrions-nous pas trouver en nous séparant, justement, de la rentabilité comme objectif primordial, pour le remplacer par celle de l’utilité ou de l’intérêt général ?

        Comme si on n’avais pas tous individuellement fait ce constat... Franchement, merci de nous ouvrir les yeux, hein (sarcasme).

        Bon, au moins, maintenant on est tous à niveau, et on peut passer à l’étape suivante : le changement de paradigme que tout le monde souhaite, ça passe par l’éradication d’un ennemi unique :

        LE LIBRE-ECHANGE NEOLIBERAL !

        Ca va pas plus loin que ça. Mais c’est un gros morceau à faire comprendre, et ça a du mal à passer.


        • luluberlu luluberlu 25 juillet 2012 13:42

          Hé cogno ! c’est pas parce que tu la prends qu’ils nous la mettent....oups.... c’était quoi ?. un

          thermomètre ?


        • citoyenrené citoyenrené 25 juillet 2012 12:04

          bon article,

          effectivement, le temps de la rentabilité est révolu

          quel est le taux de rentabilité dans la nature ?

          si l’on considère les 3,5 milliardss d’années de R&D de la nature, l’étude du profit, de la rentabilité hors proportion, est sans appel


          • tf1Goupie 25 juillet 2012 14:21

            La rentabilité est très simple à observer dans la nature : ce qui n’est pas efficace meurt.

            Seul l’homme ose déroger à cette règle implacable : il maintient en vie ce qui naturellement devrait mourir.


          • citoyenrené citoyenrené 25 juillet 2012 14:58

            @ tf1groupie,

            la nature se perpétue sans amasser de profit, sans rentabilité

            soit vous ne comprenez pas la notion de rentabilité, soit vous ne comprenez pas la notion de nature


          • tf1Goupie 25 juillet 2012 15:02

            Un arbre qui grandit, se développe et se reproduit profite des éléments que la nature lui apporte.
            Il croit, et si les conditions sont favorables il se multiplie.

            Jamais réalisé cela ??

            Arrêter de lire des livres regardez autour de vous, rappelez vous de ce monde « réel » dont vous êtes le produit.


          • citoyenrené citoyenrené 25 juillet 2012 18:39

            @ tf1groupie,

            l’arbre profite des éléments

            le profit n’est, dans ce cas, pas une fin en soi

            profiter de, profiter à

            ok

            mais pas de profit comme but, ou alors vous réinventez la nature


          • tf1Goupie 25 juillet 2012 20:12

            Si : le but de l’arbre est de profiter, de s’épanouir, de grossir et développer le plus possible sa descendance.

            Restez dans vos livres , ideologies ou bondieuseries : la nature ne se théorise pas, elle est, qu’elle vous plaise ou non ... et apparemment elle ne vous plait pas


          • citoyenrené citoyenrené 25 juillet 2012 20:56

            la nature, l’arbre, aurait un but ?

            la nature ne se théorise pas, elle est

             »le but de l’arbre est de profiter">span> la bonne blague

            pour vos petites tentatives de phrases méprisantes en fin de commentaire, va faire les gros yeux à ta peluche, mon gars


          • citoyenrené citoyenrené 26 juillet 2012 07:18

            @ Tf1groupie

            « plus que nécessaire est vain »

            (je retire la peluche, c’est superflu)


          • eric 25 juillet 2012 14:05

            La rentabilité est un impératif écologique. Un organisme, vivant, entreprise, administration, a besoin de consommer des ressources pour survivre. Si il produit plus qu’il ne consomme, il apporte quelque chose au système. Dans le cas inverse, il est purement un consommateur net de ressources. Ainsi, notre école. Doublement de la depense par tete en monnaie constante en 30 ans, pour des resultats qui se degradent et notamment excluent de plus en plus les plus pauvres. C’est un bon exemple de rentabilite nagative. D’autant plus grave que c’est avec notre argent a tous. COnsommer a fond perdu ne peut se justifier qu’avec un fort imperatif social. La fantastique augmentation des depenses publiques a efficacité sans cesse decroissante est un scandal écologique. Vouloir élargir au secteur privé,« capitaliste », cette logique ; pose la question de savoir qui paiera.


            • tf1Goupie 25 juillet 2012 14:18

              Sauf que rentabilité, utilité et intérêt général font partie de la même famille.

              Si vous profitez d’Internet, si vous tirez un bénéfice personnel en écrivant sur Agoravox, c’est parce qu’Avox est rentable, et qu’Internet est économiquement viable.

              Avec l’âge vous découvrirez que les progrès humains ont été inspirés par l’efficacité.
              Quand vous aurez compris cela vous arrêterez de cracher sur les mots et vous commencerez à apprécier le progrès humain...


              • citoyenrené citoyenrené 25 juillet 2012 18:39

                @ tf1groupie,

                l’arbre profite des éléments

                le profit n’est, dans ce cas, pas une fin en soi

                profiter de, profiter à

                ok

                mais pas de profit comme but, ou alors vous réinventez la nature

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