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Accueil du site > Actualités > Economie > Le troisième âge du marketing, sinon rien

Le troisième âge du marketing, sinon rien

Evidemment, le changement de décennie accentue notre entrée dans le nouveau siècle. Quelles années à venir après l’échec de Copenhague ? Si dans notre rétroviseur l’an 2000 c’était hier, donc dans notre longue-vue 2020 c’est demain : dix ans derrière, dix ans devant. Et pourtant, que de changements depuis 10 ans et que de changements dans 10 ans ! Il est plus facile de faire de l’histoire récente que de la prospective proche. Or, le monde de 2020 se dessine sous nos yeux. C’est ce que je vais tenter des décrire.

  1. Les Trente Glorieuses et le marketing de masse.
L’époque moderne (après 1945) est marquée par les Trente Glorieuses, 1945-1974, expression de Jean Fourastié, dont nous pouvons convenir que si elles ont été glorieuses pour le pouvoir d’achat, ces années n’ont pas été glorieuses pour l’environnement. A ces Trente Glorieuses correspond un marketing de masse : plus on tape fort plus on a de résultats, plus on a de présence en linéaire plus on a de ventes, donc plus on a de linéaires (de surfaces de vente) plus on a de ventes. C’est la course des Auchan, Cora, Carrefour … Donc fabriquons et vendons. C’est la course des Danone, Pernod, Nestlé, L’Oréal, Haribo, etc. A la linéarité de la croissance de l’époque a correspondu la linéarité de la création de produits et d’ouverture de mètre carrés dont la France s’est faite championne mondiale. Et championne d’exception car peu copiée.
 
  1. Les Trente Chahutées et le marketing de précision 
L’époque qui a suivi est les Trente Chahutées, 1975-2005. Nicolas Baverez a fait écho à « Les Trente Piteuses » (Flammarion, 1999) se référant à la France. Si ces années ont été piteuses, je souhaite que ces piteuses se multiplient encore quant à notre pouvoir d’achat en hausse continue et à la création sans fin de produits nouveaux. Ce qui est certain, c’est que la linéarité des Trente Glorieuses a pris fin avec le premier choc pétrolier de 1973/1974. Je défends ce concept de Trente Chahuteuses car ces trente années tout du chahut : fin du monde bipolaire avec la Chute du Mur de Berlin (1989) et l’apparition du G2 notamment à Copenhague, développement des démocraties d’Amérique latines puis retour de régimes de gauche et nationalistes (Venezuela, Bolivie), développement mondial de la démocratie puis développement mondial de la puissance des dictatures, succession de bulles financière, immobilière, Internet, prise de conscience de l’environnement et mondialisation de l’économie avec la Chine usine du monde pour que les occidentaux se donnent bonne conscience, explosion des NTIC (informatique, Internet, téléphone portable), explosion des nanotechnologies, diminution de la faim dans le monde, augmentation de la richesse mondiale, etc. Bref, en 30 ans, le monde va mieux, bien mieux, et nous autres Occidentaux – OCDEistes devrions nous dire pour inclure le Japon et la Corée – mieux, évidemment mieux. Et le monde consomme de plus en plus.
 
A ces Trente Chahutées correspond un marketing de précision qui est devenu par le temps un marketing de bistouri. Le marketing de niche a succédé au marketing de masse avec une approche de plus en plus fine jusqu’à créer des produits que nous avons oubliés tant ils étaient ridicules car d’une cible trop étroite, condamnés par la moindre crainte sur le pouvoir d’achat. C’est le marketing des sociétés déjà citées et Univer, Procter&Gamble, Henkel, etc. La distribution de masse a été complétée par – selon certains, a cédé la place - selon d’autres - à une distribution de précision : les spécialistes se sont multipliés (Décathlon, Leroy Merlin et Castorama, Ikea, etc.) et le multiformat est devenu la règle que ce soit avec des .com ou avec des points de vente plus petits (Monop’, Carrefour City, U Express, …), adaptés à des zones commerciales moins chères ou des zones de chalandise plus petites (Carrefour Contact). On n’attrape plus une mouche avec un marteau ! Ce marketing de précision a conduit de nombreux industriels à maîtriser leur distribution : défendre sa marque dans son concept global c’est la magnifier (Nike, Adidas, Apple, Häagen Dasz), défendre son savoir faire c’est aussi le magnifier (Inditex avec Zara et autres, Décathlon et ses marques passion futures enseignes passion, Picard Surgelés, Botanic, L’Occitane, …).
 
Pourquoi ces Trente Chahutées auraient-elle pris fin et quand ? Intuitivement, elles ont pris fin depuis trois à cinq années. Je revendique le droit en prospective d’affirmer des convictions dont la justification pourrait prendre plusieurs articles d’Agoravox … ce que n’accepterait ni le l’animateur du site, ni les lecteurs ! Pour faire court : une stabilité du monde est nécessaire pour résoudre les problèmes d’environnement, d’énergie, d’alimentation mondiale, de monnaie, de multiplication des technologies dont chacun veut devenir le maître, etc. Le monde a besoin de stabilité, le multipolaire est signe d’instabilité donc le monde va vers un G2 même si le G20, l’ONU et ses activités satellites comme l’OMS vont prendre plus de place. En bref, la fin du chahut a sonné. Cette fin des Trente Chahutées a débuté avec l’entrée de la Chine dans l’OMC signée le 17 septembre 2001. Cette fin des Trente Chahutées correspond aussi avec la fin - ou la diminution – de la seconde mondialisation, avec un « gâteau » à partager mondialement, avec des pays en voie de développement qui sont des pays développés (la Chine n’est-elle pas bientôt la seconde puissance mondiale, les BRIC’s vont être suivis par les TIMSA – Turquie, Indonésie, Mexique, South Africa).
 
  1. Les Trente Vertueuses et le marketing partagé
L’époque qui vient, qui est en marche, sera celle des Trente Vertueuses, 2005-2035. Le terme est ambitieux et correspond peut-être à une intuition utopique, mais la prospective n’est-elle pas un choix donc une utopie volontariste. Il y a prise de conscience mondiale des questions d’environnement, de démographie, d’alimentation, d’énergie, de technologie, de santé, etc. Il y a plus de Terriens dans les villes que dans les campagnes or la ville ne peut survivre que par prise de conscience de la collectivité. Jamais le monde, les pays, n’ont autant échangé, ne se sont autant parlé. Ce qui est valable pour le monde, l’est pour les individus : jamais les individus n’ont autant échangé, autant parlé, autant communiqué. Deux Terriens sur trois a un téléphone portable et peut être joint de partout dans le monde ! Pour aller plus directement à notre sujet : le pouvoir du consommateur est de plus en plus évident et de plus en plus indépendant des pouvoirs organisés. La méfiance est d’ailleurs réelle envers les politiques, les syndicats, les religions, … les institutions. La génération Y, native des années 75/80, que j’appelle génération Erasmus, celle qui a plus de performances technologiques au fond de sa poche qu’à son bureau, celle pour qui Londres est une destination de week-end et Sydney ou Los Angeles des villes pour apprendre l’anglais, cette génération a développé un monde différent de ses parents. Par exemple, elle se détache de la notion de propriété patrimoniale : acheter d’occasion, louer, échanger, voila la règle de vivre mieux et plus curieux. Plus détachée de l’automobile que ses parents, cette générations adoptera la voiture électrique de location dont l’intelligence qu’elle aura sélectionnée sera placée dans un smartphone, nouvelle clé de contact de la voiture et transmetteur de cette sélection. Lesquels parents se doivent de ne pas perdre pied et se battent pour rester « d’jeun’s » et le jeunisme est une règle des plus de « 45 » ans pour être, paraître, se comporter comme ses enfants voire ses petits enfants. Or l’acheteur de voiture a plus de 50 ans, c’est l’acheteur d’une autre époque, il ne fréquente pas eBay car il achète du neuf. Pour caricaturer, sans s’en rendre compte, la génération des babymoomers a basculé comme soutien de la génération de ses enfants pour ne pas se sentir dépassée. Oh certes, ce changement d’époque ne se fait pas en un an, mais en dix, vingt ans. Il a débuté depuis ces années 2001/2005. On ne communique plus en 2010 comme on communiquait en 2000 ! Le Web 2.0, quoique l’on pense de ce fabuleux coup marketing avec ses symboles comme MSN/Messenger, Second Life et aujourd’hui Facebook, Twitter, symbolisent la puissance de l’opinion, du consommateur, de l’individu face au marché, à l’entreprise, à la marque. C’est le marketing à 360° non pas dans tous les sens de l’action mais dans tous les sens du public, le marketing partagé. C’est le constat que si l’entreprise, la marque, le distributeur, est toujours l’émetteur, le « bouche à oreille » a un poids équivalent de récepteur et d’émetteur à son tour. Depuis quelques années, et le smartphone et le mini PC en sont des multiplicateurs, une bouche touche des centaines d’oreilles en quelques secondes qui touchent donc des milliers d’individus en quelques minutes. C’est donc un marketing de vérité, une communication de vérité, qui est attendu pour être relayé ou contrarié voire combattu. Une communication de génération spontanée qui peut apparaitre en quelques secondes et disparaitre tout aussi vite. Car rien n’est plus dangereux que cet effet multiplicateur. Au bout des doigts, le smartphone aide à comparer les prix, transmettre des photos ou films de produits, diffuser une opinion sur un point de vente, un vendeur ou un restaurant et voir en quelques secondes une queue se former ou se dissoudre. Nées en 2003, les flash mob ou mobilisations éclair, qui se développent encore plus rapidement grâce aux smartphone par SMS, Facebook ou Twitter, sont des modes d’expression dont l’effet peut être particulièrement dévastateur. Face à un consommateur qui revendique son pouvoir, sa part de décision, le marketing partagé considère à poids « égal » la marque et le consommateur. Si dans les années 90 on a entendu que le consommateur était insaisissable, c’est plutôt que la marque ne savait pas le saisir, qu’il était soit disant infidèle alors que la marque elle-aussi ne l’était pas, c’est que la marque est infidèle. Le marketing partagé, c’est comprendre et anticiper le consommateur. C’est mettre en place une logique de temps, une logique d’espace et une logique de choix. Le commerce – laissons de côté ce mot de distributeur qui ne voit que des points de vente alors que le commerce suppose un point d’achat – se fonde sur le temps, l’espace et le choix. Il y a place pour le m-commerce comme pour le commerce « mortar », l’un n’étant que la prolongation de l’autre … et réciproquement. Je suggère une question à se poser pour trouver une réponse partielle : « si ma marque – mon commerce – n’existait pas, par quoi serait-il (elle) remplacé(e) ? »
 
  1. Dans l’immédiat, le temps du greed-washing sous prétexte de green-washing.
Et puisque le pouvoir d’achat stagne, voire baisse,et encore plus en 2010 qu’en 2009, si donc nous allons consommer moins et mieux pour vivre aussi bien, sous prétexte de green-washing nous allons faire du greed-washing, autrement dit ce n’est pas l’écologie qui va nous diriger mais notre avidité, notre porte-monnaie, notre pouvoir d’achat. Le mot « vertueux » des Trente Vertueuses est clairement ambitieux mais il correspond aussi pour la première fois de cette époque moderne, depuis l’après-guerre, où notre vision dépasse la jouissance du gain immédiat des Trente Glorieuses, puis la sensation de crise permanente des Trente Chahutées. Pour la première fois se pose clairement une compréhension que la Terre a des limites, que les énergies carbone ne sont pas sans fin, que les maladies mondiales se multiplient et que donc nous devons partager notre monde, pour la première fois notre vision n’est pas courtermiste. Que Copenhague ait été un échec, c’est possible, mais les villes et les régions sont plus en avance que les Etats, sur le Vieux Continent comme sur le Nouveau. Et justement, c’est vers 2035 que nous aurons si nous avons réussi notre pari de substituer les énergies carbone par d’autres énergies, si nous avons réussi à remplacer les minerais rares des Terres Rares par des produits de substitution sans lesquels par exemple la voiture électrique n’existerait plus, si la température de la Terre se stabilise, etc. C’est pourquoi nous sommes dans les Trente Vertueuses, autour d’un mot dérangeant – la Vertu, autour d’un comportement trop idéaliste pour certains – le Green, alors que bien plus sont sans l’avouer avide, âpre au gain – le Greed. L’un des plus grands « greed » que je connaisse est Ingvar Kamprad, le fondateur d’IKEA, l’une des dix plus grandes fortunes mondiales, qui a fondé sa méthode sur l’avarice … mais surtout ne le répétez pas !
 
Philippe Cahen
Prospectiviste
Edite la Lettre des Signaux Faibles.

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6 réactions à cet article    


  • alterego 26 décembre 2009 13:51

    Merci pour cet article.

    Quand vous dites :  « notre longue-vue 2020 c’est demain », je ne peux qu’approuver. On oublie trop souvent qu’un siècle n’est absolument rien dans la vie de l’humanité.

    J’ai beaucoup apprécié le recul que vous avez pris par rapport à la cacophonie assourdissante du bruit ambiant actuel.

    Dans l’ensemble je partage cette analyse à la fois rétrospective et prospective de l’évolution de la société. Cette démarche devrait nous aider à dépassionner notre regard sur les problèmes au quotidien souvent débattus dans un rapport au temps trop refermé sur le vécu instantané, là où nous replacer dans une vision historique serait essentielle et plus appropriée.

    Je garderai ce texte sur mon disque dur.


    • Bardamu 26 décembre 2009 14:38

      « Prospestiviste », quésaco ?

      Ne serait-ce là une acception trempée dans l’euphémisme pour définir sans heurt un extasié sorti d’une école de commerce et qui est d’emblée promu à délirer en rond ?

      On place notre avenir -notre devenir prospecté !- en de bien mauvaises mains, me semble-t-il !... celles de dangereux théoriciens n’ayant du monde qu’une connaissance virtuelle !
      L’auteur a-t-il écrit cet article sous la dicté d’Attali ?
      « Baverez », nous dit-il... et ce n’est guère mieux !
      Plus la jeunesse se fait inculte et plus il croit en elle, notre pisse-copie !... quel enthousiasme ! que d’ingénuité, oui !

      De facto, notre intellectuel de service en appelle ici, de manière détournée s’entend-jamais de front, avec le tartufe !- à une gouvernance mondiale sous le prétexte d’une écologie sécuritaire.

      Et il le fait bien entendu pour le Bien commun : cela va sans dire !

      Bon, on l’aura compris, si on laisse pareille engeance penser notre avenir, à ce rythme-là les « trente vertueuses » ici conceptualisées risquent bien de se muer définitivement en « trente désastreuses » !


      • coquecigrue coquecigrue 26 décembre 2009 17:32

        L’avenir, c’est du passé en préparation.
        Jamais, jamais aucune prospective ne s’est révélée juste !
        Peut-être dans le grand chaudron des manigances quelques thaumaturges sont-ils en train de disposer les ingrédients d’une grande guerre, ou d’une grande famine, ou d’une pandémie (très mode !)... Saupoudrés de méconnaissance, d’ignorance, de fabulation, de crédulité, de dépendance et d’asservissement. La panique écologique est plus facile à gérer dans les troupeaux rassemblés dans les nouvelles étables polluées que sont les mégapoles, où les animaux humains entassés parviennent à se croire responsables - donc coupables- du niveau de la mer ou du sens du vent ! Absurde prétention ! Petits prédateurs arrogants qui n’occupent que 5 à 7 % de la surface de cette énorme planète !


        • Bardamu 27 décembre 2009 11:20

          Vous n’avez pas tort !


        • Cro Magnon Cro Magnon 26 décembre 2009 17:44

          Lorsque je vais voter, je pense (à tort, de toute évidence) que les candidats sont des gens intègres et consciencieux, capables d’avoir une vue à long terme du devenir de l’humanité et de la planète... ! J’ai tort, c’est évident ! Ce ne sont que des voyous, sans foi ni loi (à part la leur), ignares, imbéciles et...inhumains ! De dangereux parasites sur notre belle planète que notre bonté nous empêche pour l’instant...d’éradiquer ! Allons-nous nous laisser ainsi berner longtemps ?


          • M.Junior Junior M 28 décembre 2009 20:44

            Je ne suis pas venu vous tenir un discours que vous avez déjà entendu sur Internet. Aussi bien sur 20minutes, agoravox, rue89, LePost, etc, les mêmes articles, les mêmes commentateurs, les mêmes avis.

            Après les sondages d’opinion BVA ou Opinion Way et la question des socialistes sur une opinion manipulée que dire de ces commentaires.

            Un exercice simple : Un discours vaguement populiste, quelques amis qui immédiatement mettent quelques plus et voilà le commentaire en tête des chartes de l’opinion du public.

            Les 30 vertueuses, un voeu éternel du think populo
            Les 30 mensongères, une réalité dupliquée possible

            En attendant, les débats d’ici et d’ailleurs n’évoquent que faiblement le nombre d’exclus, la disparition du tissu social et tout ce qui fait le quotidien des habitants de cette planète. De la diversion à la prise de conscience, les limites communicationnelles sont atteintes avec le syndrome de Copenhague.

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