Leclerc : un panel très contestable
On ne pourra pas reprocher à Michel Edouard Leclerc la continuité d’une démarche communication initiée voilà plus de cinquante ans par son père Edouard. Le message sur le fond n’a pas bougé d’un iota : Leclerc lutte pour que votre consommation soit la moins chère possible.

On pensait que sur la forme, tout avait été imaginé par Australie, l’agence de communication du groupe de distribution. De l’attaque frontale de son grand rival Carrefour :« Quand vous faites vos courses, vous préférez nourrir la Bourse ou les marchés financiers ? », à la campagne de 2005 où l’enseigne, surfant sur l’iconographie de Mai 68, déclarait : « La hausse des prix oppresse votre pouvoir d’achat ? Leclerc défend votre pouvoir d’achat ». Halte à la récup, hurlent certains, stop à la démagogie, rétorquent les autres.
Michel Edouard, lui, reste sourd aux critiques, il a compris depuis longtemps que rébellion et consommation font plutôt bon ménage. Tant qu’il crée le débat, tant qu’il suscite la polémique, tant que son enseigne n’y laisse pas de plumes, tant que le message "Leclerc = lutte contre la vie chère" passe, il continuera. Leclerc, c’est tout à la fois une dose de récup, certes, beaucoup de démagogie, certainement, mais c’est aussi des convictions comme la suppression des sacs plastiques et des combats menés et gagnés qui ont fait du bien au porte-monnaie des Français.
Difficile à classer, en somme. La dernière campagne, fidèle à l’historique Leclerc, annonce sur plus de 4000 panneaux d’affichage que la meilleure manière de connaître le distributeur alimentaire le moins cher est de comparer les prix . Leclerc renvoie sur www.quiestlemoinscher.com, mais se refuse à tout commentaire sur le nombre de visiteurs, ce qui laisserait entendre que les Français ne s’y intéressent guère. Le site n’est autre qu’un méga indice de prix comparés entre plusieurs enseignes, copié au Britannique Tesco. Et bien entendu, le moins cher... c’est Leclerc à 97%. La volonté stratégique de cette campagne se situe ailleurs, pour Leclerc. Tout d’abord, elle est une réponse à la campagne Carrefour qui a mis en place une ligne téléphonique d’alerte sur les prix incitant ses clients à prévenir l’enseigne si les prix Carrefour n’étaient pas les moins chers. Ensuite, cette opération peut être perçue comme une manœuvre au moment où les centres Leclerc perdent 0,5% de parts de marché et où ils sont classés en cinquième position sur le baromètre UFC-Que Choisir.
A défaut de déclencher une guerre des prix, on peut imaginer que cette campagne va déclarer entre les différentes enseignes une guerre des indices, ça coûte moins cher, et ça occupe les médias ! Difficile d’imaginer Carrefour, Auchan ou Intermarché accepter le panel Leclerc. Les arguments qui seront déployés pour contester les résultats du panel de 3500 produits analysés par Leclerc sont faciles à percer : l’amalgame entre produits comparables (marques nationales) et non exactement comparables (marques distributeurs et premiers prix), surtout lorsque plus de la moitié du panel est constituée de ces marques non directement comparables. La question peut même être posée de la légalité de l’opération.
Longtemps interdite en France, la publicité comparative y est peu utilisée. Autorisée mais très encadrée, tous les coups ne sont pas permis. Elle doit être loyale, véridique et « permettre une comparaison objective qui ne doit pas induire en erreur le consommateur ». Lorsque la comparaison est axée sur les prix, elle doit « concerner des produits identiques vendus dans les mêmes conditions » (article L121-9 du Code de la consommation). C’est sur ce dernier point que la publicité Leclerc semble très "limite" par rapport à la loi. Les produits MDD et 1er prix ne sont, en aucun cas, identiques (composition des produits différente). Ce panel engendre donc la confusion, et crée le discrédit sur les concurrents, ce qui représente une infraction. Mais quel concurrent va oser attaquer en Justice, sans risquer de faire passer Leclerc pour une victime que l’on cherche à bâillonner ?
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