Leçon(s) de 10 ans de blairisme : la flexibilité du travail favorise-t-elle l’emploi ?
Le modèle social français est critiqué pour son inertie et sa rigidité. A l’inverse, le modèle britannique, qui aurait vaincu le chômage, est loué pour sa flexibilité et sa capacité d’adaptation optimale aux incertitudes du marché. Le départ de Tony Blair est l’occasion de revenir en chiffres sur l’impact de 10 années de blairisme sur l’emploi et le chômage britanniques.
Le Royaume-Uni ne dispose pas de droit du travail en tant que tel. Le contrat de travail est donc très faiblement réglementé. Mais contrairement à une idée reçue, le licenciement individuel est plus coûteux en terme de préavis et d’indemnités au Royaume-Uni qu’en France1. Malgré ces coûts, et donc cette forme de rigidités, le Royaume-Uni connaît aujourd’hui un taux de chômage de moins de 5 % de la population active, alors que le taux de chômage français est officiellement de plus de 8 %. Pourtant, au début des années 1990, les taux de chômage français et britanniques étaient semblables. A quoi est due la baisse britannique. On peut noter 4 raisons principales :
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une croissance économique supérieure d’un point au RU par rapport à la France : comme l’on sait que le meilleur remède contre le chômage est un point de croissance supplémentaire, cette raison est primordiale ;
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l’accroissement considérable d’emplois publics : deux tiers des 2 millions d’emplois créés entre 1998 et 2005 l’ont été dans le secteur public. Depuis 2000, l’emploi public a augmenté de 10 %, alors que l’emploi privé n’a crû que de 2,8 %.
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la stagnation de la population active ;
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le nombre de malades de longue durée a augmenté de près d’un million : il atteint actuellement les 2,2 millions de personnes et ce sont autant de personnes qui ne sont plus comptabilisées dans les statistiques officielles du chômage.
L’excellent résultat chiffré du RU en termes d’emplois est donc le fruit d’un artefact statistique et de l’augmentation considérable des emplois publics. On est bien loin de l’image d’Epinal des vertus de la flexibilité du marché du travail sur l’emploi. Car si cette flexibilité existe, elle semble avoir plus d’effets sur le niveau d’inégalités et de précarité que sur le niveau d’emplois.
En effet, depuis 10 ans, le niveau de richesse du top 1 000 des plus riches résidents au RU a augmenté de 263 %, alors qu’il y a encore 27 % des enfants (2,8 millions) qui vivent dans un ménage pauvre2, et qu’un quart des emploi sont à temps partiel (77 % féminin).
Si l’on rajoute à ces éléments la création d’un salaire minimum en 1999 (aujourd’hui à 7,83 euros de l’heure), le doublement du budget de l’Education et le triplement de celui de la Santé, les quelques bons résultats économiques de Tony Blair semblent le fruit de politiques de relances où l’Etat joue tout son rôle, plutôt que le résultat de la flexibilité du contrat de travail britannique.
Puissent ces quelques analyses être utiles à un gouvernement dont les premières mesures sont de faire quelques cadeaux fiscaux aux plus aisés... On rêve !
2moins de 1 400 livres (2 000 euros) par mois pour 4 personnes, soit moins de 60 % du revenu national médian.
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