Les actionnaires EDF veulent plus que la lumière
Les salariés-actionnaires d’EDF viennent d’écrire une lettre au Gouvernement et aux parlementaires critiquant l’extension d’un dispositif protégeant les clients industriels et professionnels contre des hausses de prix excessives. Sous prétexte de défendre les intérêts de l’entreprise, ils ne font en fait que chercher à augmenter encore leurs gains vertigineux en tant qu’actionnaires.
Dans un mouvement inédit, les salariés-actionnaires d’EDF viennent d’écrire une lettre aux parlementaires et au Gouvernement critiquant l’extension d’un dispositif réglementaire : le tarif d’ajustement du marché ou TARTAM[1]. Ce dispositif permet aux industriels et aux professionnels de continuer à bénéficier de conditions de prix modérées alors même qu’ils n’ont plus le droit aux tarifs réglementés traditionnels.
On comprend que les actionnaires aient un intérêt à supprimer tout plafonnement des prix qu’EDF doit pratiquer car ceci revient in fine à réduire les revenus d’EDF et donc la valeur de l’action. Cependant, les actionnaires-salariés, qui ont pour la plupart acheté leurs actions à moins de 25 € (après remise de 20% sur le prix d’ouverture, abondement de l’entreprise et distribution d’actions gratuites) ne peuvent pas vraiment se plaindre de leur situation actuelle : l’action EDF vaut actuellement 62 € soit un gain de 148% en 30 mois.
Mais le capitalisme vu des salariés d’EDF, est le capitalisme du « toujours plus » : pourquoi se contenteraient-ils d’une plus value de 148% alors que si les prix de l’électricité étaient totalement libéralisés, ils pourraient engranger des gains encore plus colossaux ? Ce faisant, ces salariés modèles ne font d’ailleurs que suivre l’exemple donné du plus haut de l’entreprise publique puisque M. Gadonneix, PDG d’EDF a vu son salaire augmenter de 92% en seulement deux années (voir par exemple l’article le concernant sur Wikipedia, dont j’ai recoupé les calculs).
Il est plus surprenant de voir les salariés justifier leur demande dans l’intérêt même de l’entreprise. En effet, à les entendre, le TARTAM pourrait nuire à la « compétitivité » du groupe EDF. J’ai du mal à comprendre comment une baisse des prix peut réduire la compétitivité d’un groupe : la compétitivité est liée aux coûts de l’entreprise (on peut réduire la compétitivité en taxant une entreprise, ce qui réduit la capacité de l’entreprise à baisser ses prix et donc à contrer la concurrence), non à l’imposition de prix bas.
Il est vrai que le mécanisme du TARTAM est plus complexe que ce je décris, mais l’essentiel est là : plus que d’une baisse de compétitivité réelle du groupe les salariés-actionnaires comme les dirigeants d’EDF se plaignent au fond que le TARTAM réduit leurs revenus nets (leur EBITDA dans le langage des financiers) et diminueraient donc la capacité du groupe à investir à hauteur de 1,5 milliards d’Euros tous les deux ans[2].
A l’heure où EDF s’apprête à dépenser plus de 15 milliards d’Euros –soit 20 années de TARTAM !- dans un projet aventureux de rachat de l’opérateur nucléaire britannique[3], on n’a pourtant pas l’impression que le groupe manque d’argent. Et qui plus est, on peut penser qu’il est plus utile de « dépenser » cet argent au bénéfice des clients français plutôt qu’en enrichissant l’actionnaire britannique de British Energy dont en particulier l’Etat britannique.
Mais il faut croire que les entreprises, comme les hommes qui les dirigent, sont adeptes du « toujours plus » ... que la lumière.
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