Les analyses d’ILLICH sur le mode de vie et les crises
Un, résumé des analyses d'iILLICH sur l'impact du mode vie tel qu'il résulte du développement du capitalisme sur l'accumulation de la marchandise et les conséquences de cette accumulation sur le mode de vie. Mais, un peu comme le soleil, il semble dangereux de regarder en face, ces analyses, tant leurs conséquences pourraient être corrosives,
… Qu’on en juge : la médecine rend malade plus qu’elle ne guérit, l’automobile fait perdre plus de temps qu’elle n’en fait gagner, l’école déforme plus qu’elle n’éduque. Sans doute, Illich a-t-il parfois cédé à un certain goût de la provocation en utilisant ces raccourcis….
Au-delà de cet aspect volontiers provocateur, Ivan Illich s’est attaché à développer une critique radicale de ce qu’il appelle le « mode de production industriel ».
De quoi s’agit-il ?
Pour lui, les hommes ont deux façons de produire ce qu’ils estiment nécessaire ou important de produire. Ou bien ils s’y attellent eux-mêmes, en produisant directement les valeurs d’usage qu’ils souhaitent, à la façon du jardinier amateur ou du bricoleur artisan. Ou bien ils ont recours à des marchandises produites par d’autres.
L’humanité a très longtemps utilisé essentiellement la première voie, celle qu’Illich appelle le « mode de production autonome ». Mais, pour des raisons d’efficacité, la seconde voie – le « mode de production hétéronome » – est devenue prépondérante depuis quelques siècles, et omniprésente depuis quelques décennies.
En apparence au moins, la division du travail permet en effet de produire davantage, elle facilite la mise au point de technologies performantes et la création d’objets innovants.
Or, cette voie est une impasse (1), parce qu’elle prive l’homme de sa capacité à être autonome, de « la capacité personnelle de l’individu d’agir et de fabriquer, qui résulte de l’escalade, constamment renouvelée, dans l’abondance des produits » (Le chômage créateur).
Un seuil contre-productif
Pour Illich, vient un moment où le recours croissant aux marchandises – ce qui est produit par d’autres – ne permet plus de satisfaire les besoins, mais engendre une demande encore plus grande de marchandises. Il y a inversion du sens….
Vient un moment où la marchandise n’est plus une réponse à un besoin, mais la base d’une nouvelle demande, dans une sorte de course sans fin, où la marchandise appelle davantage encore de marchandise.
Illich attache une grande importance à cette notion de seuil… la marchandise devient un obstacle qui empêche l’homme d’être l’artisan de son devenir : pour Illich, plus n’est pas synonyme de mieux ; vient un moment où la marchandise, d’objet de libération devient objet d’aliénation.
Alors, le modèle de production devient contre-productif : ainsi, lorsqu’on met bout à bout le temps passé à gagner de quoi acheter une voiture et les charges qu’elle entraîne pour l’entretenir et la faire rouler, et que l’on compare ce temps au nombre de kilomètres parcourus, on arrive à une moyenne de… 6 km/h (2). Pas plus vite que la marche à pied, et moins que le vélo, deux modes de transport autonomes.
…., « le temps passé à concevoir et à fabriquer des engins puissants prétendument capables de faire “gagner du temps” fait beaucoup plus qu’annuler le temps qu’ils économisent effectivement » (3). La technique hétéronome accroît les déplacements, mais réduit la vitesse.
La consommation médicale accrue n’accroît que peu l’espérance de vie (qui augmente principalement grâce à l’hygiène de vie), mais produit une dépendance croissante qui va à l’inverse de ce qu’on appelle la santé.
La marchandise, objet d’aliénation
Au total, le franchissement d’un seuil de contre-productivité provoque plus de dépendance, alors que les gens cherchaient plus d’autonomie. Les marchandises étouffent ceux qu’elles étaient censées libérer. Tout d’abord, la société tout entière est peu à peu façonnée en fonction des outils hétéronomes.
Ceux qui tentent de sauvegarder leur autonomie doivent progressivement choisir entre exclusion et règle commune : dans une ville où l’automobile est reine, se déplacer à pied ou en vélo devient dangereux. Certains moyens techniques éliminent ainsi toutes les autres formes de production de valeur d’usage : Illich parle alors de « monopole radical ». Et ceux qui n’y ont pas accès sont alors appauvris, puisqu’ils ne peuvent plus utiliser les méthodes autonomes.
La seule façon d’échapper à cet appauvrissement est d’utiliser des marchandises-prothèses suppléant à la perte d’autonomie. Les médicaments suppléent au mal-être, la télé à la solitude, le Viagra à l’impuissance. D’où un cercle vicieux : chaque diminution d’autonomie personnelle donne naissance à une demande supplémentaire de marchandises qui diminue un peu plus l’autonomie, etc. Congestion et encombrement font alors leur apparition, dans les transports, les hôpitaux, les grandes institutions. Enfin, se multiplient les « professionnels » (au sens américain du terme : spécialistes, experts), seuls capables de trouver des solutions au fonctionnement de plus en plus complexe d’une société hétéronome.
La voiture appelle le garagiste, l’école le professeur, la complexité sociale l’expert en tous genres : sexologues, psychologues, profileurs, communicateurs… Toutes ces professions deviennent des intermédiaires obligés, qui accroissent d’autant la perte d’autonomie de chacun
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