Les boutiquiers, la dette et le prix du pétrole
La baisse en cours des prix du pétrole est une bonne nouvelle pour l'économie française en proportion de la mauvaise nouvelle qu'ont été les deux chocs pétroliers de 1974 et de 1980. Paradoxalement, cette bonne nouvelle n'est pas si bonne pour les boutiquiers qui nous gouvernent.
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En 2012, le coût des importations de pétrole brut et produits raffinés était de 54 milliards d'euros avec un baril à 100 dollars, le déficit commercial de la France devrait donc baisser de près de 2 milliards par mois.
Les boutiquiers, les yeux rivés sur les indicateurs économico-politiques, déplorent que les baisses du PIB et de l'inflation induites par la division par 2 des prix du pétrole.
Nos boutiquiers accumulent les déficits budgétaires depuis la fin des 30 glorieuses. Cela fait 40 ans qu'ils font semblant de ne pas savoir que la période de reconstruction, des gros investissements d'équipements, de la démographie galopante, est terminée.
La mondialisation sauvage imposée par les riches actionnaires des multinationales qui contrôlent les USA et donc l'Union Européenne a permis la délocalisation de la production dans des pays à bas coûts. Au-delà du discours mondialiste, il s'agissait d'augmenter les bénéfices en réduisant autant que possible, c'est-à-dire à presque rien, les coûts de main d'oeuvre tout en profitant des avantages financiers et fiscaux offerts par les paradis fiscaux dispersés sur tous les continents et efficacement protégés par le droit international.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/des-paradis-aux-enfers-de-la-84586
Tous les pays développés ont été confrontés aux mêmes évolutions et tous, surtout les donneurs de leçons anglo-saxons, ont vu exploser le nombre de chômeurs.
Cela fait 40 ans que nos boutiquiers prétendent qu'il s'agit d'une crise, d'un creux conjoncturel qu'une relance à l'ancienne, une bonne dévaluation et des dépenses publiques financées par l'emprunt, comblera. C'est ce discours que tiennent encore aujourd'hui Hollande et Valls en demandant que la BCE achète de la dette française.
« On remboursera quand cela ira mieux. » prétendaient-ils sauf que lorsque cela allait mieux sous l'effet du dopage et de l'artifice, ils en profitaient pour dépenser encore plus, piochant dans la « cagnotte », s'endettant encore et encore.
Ceux qui s'étonnent de cette stupide obstination, doivent considérer trois principes guidant les dirigeants carriéristes en général.
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Principe 1 : Etre élu ne transforme pas par magie une carne en cheval de course.
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Principe 2 : « Mon élection, mes intérêts, ceux de mes sponsors et de mon parti » sont les premières et souvent les seules priorités d'un élu.
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Principe 3 : Quels que soient les faits, mieux vaut, pour un dirigeant, se tromper avec le troupeau plutôt que risquer d'assumer seul une décision réfléchie.
En 2015, rien n'a changé, les dépenses seront encore de 80 milliards supérieurs aux recettes. Nous passerons de 2020 milliards de dettes à 2100 milliards, c'est-à-dire à 98% du PIB et à 925% des recettes prévues pour 2014. Curieusement, c'est toujours le ratio Dette/PIB (Produit intérieur brut) qui est annoncé et non Dettes/revenus comme la logique financière l'exigerait.
Ce détail n'est pas sans conséquences pour nos boutiquiers. La dette va encore augmenter cette année pour financer le déficit budgétaire mais du fait de la déflation, de la baisse du pétrole et de la croissance prévisible, le PIB va baisser. Le calcul est rapidement fait, le ratio Dette/PIB va brutalement augmenter alors qu'il approche du chiffre symbolique des 100% et ça, « coco », c'est pas bon pour l'image, d'où la grimace.
Parions que la droite, et en particulier Sarkozy, va emboucher les trompettes médiatiques pour proclamer la faillite de la politique « socialo-communiste » de Hollande. Ils feront comme s'ils n'étaient pas les principaux responsables de cet endettement avec pour le seul Sarkozy le record absolu d'augmentation du ratio dettes/PIB pendant les périodes durant lesquelles il a sévi entre 1993 à 2012.
Nos boutiquiers, qu'ils soient de droite ou de gauche, ne connaissent qu'une combine, la cavalerie, pratique frauduleuse à la Ponzi (et Madoff qui est en prison pour escroquerie) qui consiste à emprunter toujours davantage pour rembourser les dettes et les intérêts qui, telle une boule de neige, ne font qu'enfler en dévalant la pente de la facilité jusqu'à l'explosion finale.
Nous devrions trouver 100 milliards de recettes et d'économies, pour simplement revenir à l'équilibre et de 120 milliards pour espérer rembourser nos dettes en un siècle. Aucun Président et Premier ministre n'auront les moyens politiques et policiers d'imposer les décisions nécessaires. C'est tout simplement impossible du moins tant qu'il y aura des élections et que la guillotine restera au musée.
Faute de mieux, les boutiquiers appellent de leur vœux une intervention « divine », c'est-à-dire une initiative dont les effets négatifs pour les électeurs-clients, ne pourraient pas leur être imputés.
Ah ! Qu'elle serait belle l'inflation à deux chiffres si seulement la BCE (déesse financière de dernier recours) inondait l'UE de tonnes de papiers monnaies de singe comme l'ont fait ses consoeurs américaines, britaniques et japonaises, si les français craignant le chômage et la misère voulaient bien s'endetter davantage pour consommer français au lieu d'économiser pour leurs vieux jours, si les entreprises investissaient à tour de bras pour fabriquer en France ce qu'ils ont dû délocaliser dans les pays à bas coûts pour répondre aux impératifs de la mondialisation.
Si les citoyens voulaient bien faire comme si la politique de l'Union Européenne ne favorisait pas depuis si longtemps les intérêts des riches actionnaires des multinationales et des grands propriétaires terriens, à coup de subventions, de normes monopolistiques, de fausses concurrences, le PIB augmenterait, la valeur de la dette baisserait en proportion, les taux d'intérêt resteraient proches de zéro. Bien sûr, les retraités et les salariés seraient sacrifiés pour sauver les bénéfices et les dividendes mais moins que les chômeurs et les sans domiciles qu'ils pourraient devenir.
Hélas, leurs espoirs sont vains et ils devraient le savoir. Les US et le Japon font tourner la planche à billets depuis des années et la seule inflation visible est celle de la dette et des actions pour le plus grand bonheur des intermédiaires financiers qui en redemandent encore et encore.
Inutile de raisonner logiquement en analysant les faits et leurs conséquences pour établir des scénarios de sortie tant la tricherie, les manipulations et les dissimulations permanentes des « responsables » ont perturbé gravement le fonctionnement de l'économie. Pas besoin d'avoir fait de grandes écoles pour se rendre compte que l'hyper bulle de la dette est insoutenable. Il est de toute façon trop tard pour s'en sortir sans faire exploser tout le système.
Ce qui devait être fait ne l'a pas été au moment où il était encore possible de limiter les dégâts. En 2008, les banquiers spéculateurs les plus véreux et leurs complices, les hauts fonctionnaires chargés de les contrôler, ont facilement persuadé les hommes politiques de les sauver.
http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/le-pantouflage-cause-de-la-crise-137217
G.W. Bush était Président des USA et, hélas pour notre nation, Sarkozy décidait de tout en France avec l'appui ou le silence complaisant de ceux qui auraient pu et dû l'en empêcher. Une fois de plus, les pouvoirs exorbitants du Président de la République face à la faiblesse de ceux qui devaient les contrôler, nous ont menés à la débacle.
Ce n'est pas comme si personne ne savait les conséquences désastreuses de ces choix iniques. Le Japon a suivi la même voie dans les années 80 et est aujourd'hui une nation en déshérance.
http://www.alternatives-economiques.fr/les-lecons-de-la-deflation-japonaise_fr_art_801_40862.html
Nous assistons à l'habituelle gesticulation des hommes politiques « aux responsabilités » tentant de dissimuler les conséquences de leurs décisions ineptes en détournant l'attention des électeurs sur ces fraudeurs du RSA, ces truqueurs de chômeurs et par une propagande va-t-en-guerre stupide. Le but étant toujours le même, mentir pour durer encore un peu et .. profiter.
Il serait injuste de ne pas informer les lecteurs que toute cette monnaie de singe disponible aux taux d'intérêts pratiquement nuls ont permis non seulement aux spéculateurs initiés de s'enrichir sur les marchés financiers, aux fonds de pension et aux entreprises américaines d'acheter des actifs de valeur à l'étranger mais aussi à de véritables entrepreneurs opportunistes de se lancer dans des investissements risqués qu'ils n'auraient jamais pu financer si les bonnes règles de prudence n'avaient pas été mises au rancart par le si populaire Clinton et ses golden boys.
Voilà donc des pétroliers qui se lancent à grands frais financiers et écologiques dans la fracturation, polluant les terres et extrayant du pétrole de schistes à 80 dollars le baril pour le revendre à 100 dollars. « Les USA redeviennent le premier producteur mondial de pétrole » titraient les médias occidentaux, enthousiastes.
Patatra ! Les prix du pétrole s'effondrent. Personne ne semble avoir vu venir la surproduction, ni ceux qui gouvernent, ni ceux qui prêtent, ni ceux qui forent. Tous ont suivi le principe 3, évoqué plus haut :
« Quels que soient les faits, mieux vaut, pour un dirigeant, se tromper avec le troupeau plutôt que risquer d'assumer seul une décision réfléchie. »
Certains évoquent un coup politique machiavélique d'Obama, comme s'il fallait prouver que quelqu'un gouverne encore le Titanic entre deux eaux. Les victimes ne seront ni le gouvernement russe, ni l'iranien et encore moins le chinois mais bel et bien les foreurs américains, ceux qui les ont financés et ceux qui les ont assurés. Nous devrions voir des résultats probants d'ici à pas longtemps avec les premières faillites financières.
Ce que nous savons de l'histoire et des hommes politiques laissent prévoir la continuité de cette non-politique qui consiste à reporter au lendemain ce que l'on peut éviter de faire aujourd'hui et « après moi, le déluge ».
Les banques centrales des pays endettés continueront à imprimer du papier monnaie pour racheter de la dette d'état, illégalement dans le cas de la BCE, et maintenir les taux d'intérêts proches de zéro. La priorité des priorités est de masquer la faillite généralisée des pays développés causée par les conséquences sociales et financières de la mondialisation voulue par les néo-conservateurs américains, relais politiques des riches actionnaires des multinationales.
Jamais ceux qui l'ont promue ne reconnaitront les conséquences catastrophiques de la mondialisation sauvage pour les peuples des nations développées, ni leurs hommes de mains, les politiques, ni leurs porte-voix, les médias.
Une seule chose est certaine, quoi qu'il arrive et le pire est possible au vu de la situation désespérée et de la stupide obstination de ceux qui détiennent toutes les manettes du pouvoir, ces derniers ne seront jamais ni dénoncés, ni punis.
Quant aux solutions, elles existent mais devront attendre que le processus en cours aille à son terme pour s'imposer.
Dans le meilleur des cas, les dettes souveraines, irremboursables, seront dénoncées, restructurées, annulées en grande partie. Le dollars et donc, les US, perdront leur hégémonie. Le monde se divisera en grands blocs continentaux qui tenteront de se relever de leurs blessures.
Dans le pire des cas, les US parviendront à imposer une guerre sur le continent Euro-asiatique, mais là, c'est une autre histoire.
Daniel ROUX - janvier 2015
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