Les dévaluations, nouveau tabou de la pensée économique
Diabolisation du protectionnisme, des barrières aux mouvements de capitaux, des entreprises publiques (avec les problèmes de neige dans les aéroports) : la pensée unique définit sans cesse la frontière entre le mal et le bien sans la moindre nuance. Nouvel exemple avec les dévaluations.
« L’euro nous protège des dévaluations »
Les défenseurs de la monnaie unique sont habiles. A l’origine, ils avaient vendu l’unification monétaire comme un soutien à la croissance et à l’emploi. Mais vu les résultats désastreux de la zone euro sur ces questions, ils ont bien vite abandonné cette ligne de défense pour en adopter une autre, basée sur le fantasme de ce que serait la vie sans l’euro. Et sans l’euro, les monnaies nationales pourraient être dévaluées. Donc, par définition, l’euro nous protège des dévaluations.
Et pour convaincre de l’utilité de l’euro, il faut donc convaincre que les dévaluations seraient une horreur économique dont la monnaie unique nous préserverait. Les européistes n’ont peur d’aucun excès malgré le fait que les pays européens qui n’ont pas adopté l’euro se portent en général plutôt mieux que ceux qui ont cédé à l’unification monétaire. Ils recourent donc à l’outrance et à l’exagération. En fait, la monnaie unique nous protégerait des sept plaies d’Egypte !
Les dévaluations provoqueraient donc hyperinflation, baisse de la demande, plans de rigueur, fuite des capitaux, et appauvrissement généralisé. Le plus drôle est que ce dont l’euro nous protégerait est exactement ce qui se passe comme conséquence de la défense de l’euro. En effet, pour rester dans l’euro, les pays de la périphérie, après avoir subi une inflation du prix des actifs, font baisser leur demande par des plans de rigueur, voient les capitaux fuir les titres de leur dette et s’appauvrissent…
Ni mauvaises, ni bonnes, mais parfois utiles
Dans la réalité, comme je l’ai dessiné rapidement dans mon papier de dimanche, les dévaluations ont des avantages et des inconvénients. Il s’agit simplement d’essayer d’estimer si elles permettraient ou non d’améliorer la situation. Dans le cas des PIIGS, il me semble impossible de soutenir la politique menée actuellement tant elle ressemble à l’impasse déflationniste dans laquelle s’était enferrée l’Argentine en 1999 pour défendre son lien avec le dollar, avant le choc de 2002.
Des pays ne peuvent pas à la fois améliorer leurs finances publiques et leur compétitivité (réduction des coûts salariaux) sans ajustement monétaire. En effet, la conjonction de deux politiques déflationnistes sans le moindre soutien à la croissance apporte forcément une dépression économique. Les dévaluations permettent à un pays qui a besoin de rééquilibrer ses comptes de compenser par la balance commerciale et le tourisme l’effet récessif d’un ajustement budgétaire, et de le limiter.
Le problème en Europe est que cela fait longtemps que nous n’avons pas dévalué, ce qui permet aux défenseurs de la monnaie unique d’en caricaturer les conséquences (bénignes par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui). Dans la réalité, si les dévaluations n’ont pas que des avantages bien sûr, au global, elles permettent en général de dynamiser l’économie, sans effet négatif sur la demande (autre que celle des produits importés). En Europe, on peut soutenir qu’elle favoriserait les hausses de salaire.
Bref, loin d’être un cataclysme qui abîmerait plus encore nos économies, les ajustements monétaires sont sans doute ce dont l’Europe aurait le plus besoin pour rééquilibrer la situation des différents pays qui la composent. Mais attention, ne le dites pas trop fort !
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