Les dirigeants du Cac 40 vont-ils fuir la France ?
A chaque fois qu’un « scandale » éclate à propos de la rémunération, supposée excessive d’un grand patron comme se fût le cas avec Philippe Varin le patron de Peugeot, la France se divise entre deux.
D’un côte, ceux qui crient à l’immoralité d’une trop haute rémunération en période de crise et alors que tant de Français souffrent (et bla bla bla.., le plus marrant est que souvent ceux qui disent cela ne sont pas à plaindre), d’un autre côté les « pragmatiques » qui pensent aussi que c’est immorale (parce qu’il sont aussi français et de culture catholique même s’il s’en défendent) mais que pour une question d’efficacité et parce qu’on attrape pas les mouches avec du vinaigrette, on est bien obligé de s’aligner sur ce qui se fait à l’étranger sinon on risque de voir partir les meilleurs dirigeants économiques français.
Il faut bien croire que ces derniers ont bien retenu les leçons d’histoire qu’il ont suivis au lycée. Le décrochage de la France par rapport au Pays d’europe du Nord, en général, et au Royaume-Uni, en particulier, au XVIIe siècle (et oui ! on parlait déjà de décrochage à cette époque alors qu’il n’y avait ni l’Euro ni les 35 heures) aurait pour origine la révocati0n de l’Edit de Nantes. La fuite massive d’une population industrieuse et dynamique, qu’étaient les Huguenots, a eu la double conséquence d’appauvrir le Royaume du Roi Soleil et d’enrichir ses voisins. Cent ans plus tard éclatait la Révolution française : Faut donc faire gaffe aux conséquences d’une fuite des élites !
Arrêtons les supputations et les discours interminables et voyons en quelques chiffres si les Français contemporains ne risquent pas de subir la même déconvenue s’ils s’avisaient de limiter les retraites-chapeaux, les golden parachute, les stock-options et autres Golden Hello. Essayons de mesurer l’employabilité et l’attraction de nos élites sur le marché internationale du travail du patron de multinational. Pour ce faire, j’ai fait un travail très simple de collecte d’informations publiques à l’aide de Wikipédia ; J’ai sélectionné les entreprises cotées sur les plus grands marchés financier occidentaux (il n’y a pas le Japon mais c’est pas un pays occidentale) et j’ai relevé la nationalité d’origine de leur principal dirigeant (le PDG ou le CEO en anglais). Evidemment pour que l’étude fût plus fine et plus fiable, il aurai fallut avoir un panier plus large ; plus de pays et plus de dirigeants par entreprise. C’est pas l’envie qui me manquait mais le temps disponible et le courage.
Les grandes entreprises mondiales dirigées par des étrangers
Il y a, à n’en pas douter, un marché haut de gamme des très grands patron dans les pays développés occidentaux mais qui reste très limité. Certains pays faisant très peu appel aux étrangers comme les USA, l’Allemagne ou la France soit pas du tout comme l’Italie. Et même quand la part des patrons venus d’un autre pays est importante, comme au Royaume-Uni, ces étrangers ne sont pas vraiment étrangers et viennent, dans le cas vraiment atypique de la bourse de Londres, pour la plupart d’entre eux soit du Commonwealth soit des Pays-bas ou du Danemark. Des cousins on peut dire.
Comme dans l’automobile de luxe, les Français semblent relativement absents et ce constat est plus particulière pour les anciens de l’ENA alors que, selon Jacque Attali, cette école nous est enviée par le monde entier. Ils pourraient même venir nous les chercher….malheureusement ils ne viennent pas lui aurait répondu Coluche. Si aucun Enarque n’arrive à se vendre hors de l’hexagone (mais peut-être ne le désirent-ils pas, l’amour du pays cela ne se commande pas), on peut relever que les rares Français qui percent ont des formations scientifiques et plus particulièrement en médecine. En clair si vous avez l’ambition de diriger, un jour, une valeur du Footsie (surnom de l’indice boursier de référence de Londres), faites comme Pascal Soriot, le CEO du groupe pharmaceutique AstraZeneca, et suivez les cours de l’école vétérinaire d’Alfort plutôt que ceux de l’ENA.
Pourquoi cette relative absence de dirigeants Français à la tête de grands groupes internationaux ?
Les mauvaises langues diront que les Français sont si mauvais en langues étrangères, et particulièrement en Anglais, qu’ils ne peuvent prétendre diriger de groupes étrangers. Il y a sûrement un peu de vérité dans ce constat qu’on peut vérifier en notant la surreprésentation de citoyens venant de petits pays où la maitrise de deux ou trois langues est courante y compris dans les classes populaires (Néerlandais, Suisse et Danois).
La principale raison à mes yeux est que pour atteindre les sommets himalayens d’une entreprise, il faut soit y avoir fait toute sa carrière et avoir montré et démontré des capacités de managers hors pair, soit bénéficier d’un réseaux (économique ou politique) puissant. On imagine bien un chef de cabinet se faire imposer par un gouvernement français chez Orange ou au Crédit Agricole par contre se retrouver même directeur d’une filiale de Daimler ou de HSBC parait hors de porté. Ce constat est aussi valable pour la France que pour n’importe quel autre pays.
Ce n’est donc pas la fuite de quelques dizaines de grands dirigeants d’entreprise que la France devrait craindre puisque ceux-ci ont très peut de chance de trouver un poste à l’étranger à la hauteur de leurs espérances. A ma connaissance Atomic Anne et J6M, Jean-Marie Messier Moi-Meme-Maitre-du-Monde, sont toujours dans les placards (même capitonnés avec des billets de banque, cela reste des placards).
C’est plutôt la fuite des jeunes cerveaux qui devrait inquiéter le gouvernement français. La plupart des pays européens ayant une natalité plus faible que celle de la France, beaucoup d’entre eux (et pas seulement l’Allemagne) regardent avec les yeux de Chimène les jeunes français bien formés, pour lesquels ils n’ont pas dépensé un centime en frais de formation et qui seront de bons cotisants pour des systèmes de retraite mise à rude épreuve par le vieillissement de leurs populations de par l’actuelle crise financière. Si le seul horizon offert à ces jeunes gens est le fardeau d’une dette abyssale que leurs ainés leur laisseront et la certitude qu’ils ne pourront pas bénéficier librement des fruits de leur réussite puisqu’on nie de plus en plus souvent l’état de droit. Les 21 millions d’euros de Philippe Varin c’est beaucoup, mais c’est le résultat d’un contrat négocié librement entre une entreprise privée et un salarié.
Indices boursiers
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Nombre d'entreprises
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Nombre de dirigeants étrangers
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Dow Jones (U.S.A.) | 30 | 2 (6,7%). Aucun Français. | |
DAX (Allemagne) | 30 | 7 (23,3%). Aucun Français. | |
FTSE 100 (Royaume-Uni) | 30 (*) | 14 (46,6%). Un Français. | |
CAC 40 (France) | 40 | 6 (15%). | |
MIB (Italie) | 40 | Aucun étranger. | |
SMI (Suisse) | 20 | 14 (70%). Trois Français. | |
(*) Les 30 plus importantes capitalisations sur les 100 entreprises listées. |
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