Les effets pervers de la vente en ligne : qui sont les victimes collatérales ?
Inexorablement, le commerce de détail se reporte sur le net, et rien n’indique que cette évolution doive s’infléchir, bien au contraire.
Les "autorités" peuvent toujours essayer de réduire la pression fiscale sur les pas-de-porte en réduisant les impôts fonciers, ce n’est pas ce genre de mesure qui décidera de l’avenir, mais les facteurs de rentabilité économique et le choix des consommateurs.
Vendre en ligne revient moins cher que les systèmes de distribution traditionnels. La variable dépend du type de produit mais, en règle générale, les coûts en ligne sont entre 10 et 20% inférieurs aux charges inhérentes à une boutique en ville.
Une étude américaine montre qu’un vêtement dont le coût de production est de 45 $ et le prix de vente vente au détail de 150 $ produit un bénéfice de 24 $ s’il est vendu dans un magasin et un bénéfice de 45 $ s’il est vendu en ligne. Alors, les détaillants vont-ils pouvoir doubler leurs bénéfices grâce à cette évolution technologique ? En fait, ça n’est pas aussi simple.
Les grandes enseignes de la mode et les détaillants traditionnels ne peuvent pas fermer du jour au lendemain leurs magasins ni supprimer leurs vitrines sans risquer de perdre une bonne partie de leur clientèle, et ils doivent continuer à assumer les coûts liés aux baux, aux salaires, au chauffage, à la sécurité, etc. Au mieux, changer le circuit de distribution se traduit pour eux par une compensation des charges et des pertes commerciales irréductibles en cours, et au pire par une disparition pure et simple.
Un site de vente « en ligne », lui, n’a pas à supporter ces coûts générés pas l’histoire de l’entreprise. Pour ces nouveaux « détaillants », le commerce connecté est une évidence à partir du moment où ils disposent d’une stratégie et de moyens autres qu’une vitrine pour faire connaitre leur existence. Mais la réduction des coûts d'implantation se traduit par davantage de concurrence et une espérance de vie limitée pour la plupart des aventuriers.
Alors, pourquoi la grande distribution maintient-elle ses super et hypermarchés dans des centres commerciaux dont les galeries ont tendance à se vider des petits commerces annexes ? La raison est que, pour les courses alimentaires, contrairement à d’autres commerces comme le prêt-à-porter, les livraisons à domicile sont coûteuses et la logistique difficile à gérer, et le stratagème consiste à convaincre la clientèle qu’elle a intérêt à sélectionner, trier, acheter et effectuer le paiement elle-même, puis ramener tout à la maison sans que le distributeur ait à rémunérer vendeurs, caissières ni livreurs. Le « drive » et les caisses « automatiques » sont des outils de rationalisation de la productivité présentés aux consommateurs comme des services « gratuits » alors qu’il représentent des économies de charges et les offres de livraisons de denrées alimentaires se traduisent, elles, par une tarification hors de portée des budgets familiaux moyens.
Pour les autres commerces, les détaillants peuvent tenter de justifier le surcoût par le service rendu, mais la différence de prix ne peut pas aller très loin sans risquer de voir les clients utiliser le service de conseil sans acheter, puis commander en ligne à leur retour chez eux.
D’autres effets pervers se font jour.
D’une part, les emplois détruits par la vente en ligne sont pour la plupart des emplois traditionnellement féminins, alors que la plupart des chauffeurs-livreurs sont des hommes (ces deux caractéristiques étant des faits constatés et non pas une fatalité intangible).
D'autre part, les prix de l'immobilier, ventes et locations, commencent à s'ajuster. Les tarifs mirobolants des center-villes diminuent au fur et à mesure que les commerces ferment et que les centres commerciaux se transforment en zones résidentielles, comme cela a été le cas pour la mutation de locaux industriels en « lofts » et de bureaux en appartements « sociaux ».
Mais alors, où seront les emplois ?
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