Les entreprises vieillissantes
Le concept « d’entreprise vieillissante » devient un thème qui interroge...
Le concept "d’entreprise vieillissante"
devient un thème qui interroge et renvoie, sans quelquefois que l’on
s’en rende compte, à des modèles biologiques qui, pour ceux
que ces références irritent, sont perçus comme une dérive
trop biologisante ! En effet, dans ce cas, l’hypothèse qu’une organisation
peut être régie dans sa transformation par les mêmes mécanismes
qu’un organisme vivant peut sembler, au premier abord, abusive. Et pourtant,
bien des indices nous laissent penser que, sous réserve d’analogies
prudentes, cette hypothèse pourrait être riche de suggestions
sur l’animation du changement dans les organisations et sur la gestion des
entreprises dans des environnements de plus en plus incertains.
Tout d’abord l’idée qui semble bien ancrée en nous est celle
de la pérennité des structures, des organisations et des institutions,
alors même que le quotidien devrait nous alerter de plus en plus sur
la durée de vie limitée de celles-ci et sur leur mortalité
certaine. Mais nous n’aimons pas la mort, pourtant si présente, si
familière dans tous les pans de nos vies personnelles et professionnelles
; nous la nions inconsciemment, pour nous et nos proches et nous la nions,
par extension, pour tout ce qui nous environne. En général d’ailleurs,
les organisations dans lesquelles nous travaillons ont une durée de
vie tellement supérieure à celle de notre vie professionnelle
qu’elles nous semblent faites pour durer une éternité ; en France,
des organisations telles que les Télécom, l’EDF-GDF, la SNCF,
Air France nous rassurent ; nous les avons toujours connues et même
si, récemment, elles semblent bousculées, leur disparition nous
paraît invraisemblable. Pourtant la disparition de Pam Am et de bien d’autres
compagnies aurait dû nous faire changer de point de vue.
Au même titre que leur disparition, nous nous efforçons d’ignorer
les symptômes de leur vieillissement ! Il est vrai que selon la taille,
selon le secteur d’activité, ceux-ci se manifestent de manière
plus ou moins rapide, selon des formes qui, au premier abord, peuvent sembler
très dissemblables, mais qui en fait traduisent les mêmes dysfonctionnements.
A l’instar de ce que l’on peut observer pour l’espèce humaine, mais
aussi plus largement dans tout le règne du vivant, la jeunesse est
synonyme de croissance physique et intellectuelle, de découverte, curiosité,
exploration, prise de risques. On dit de certaines personnes qu’elles restent
jeunes longtemps physiquement et surtout intellectuellement, qu’elles restent
ouvertes au nouveau, à l’inattendu, qui bien entendu interpelle et
transforme. La recherche de stabilité, de sécurité, de
certitudes s’installe plus ou moins tôt, non seulement chez les individus
dans leur vie personnelle, mais sans doute aussi dans des collectifs professionnels.
Les termes imagés utilisés dans ce cas reflètent bien
ces analogies : on parlera de sclérose, de congestion.
Les cures de rajeunissement ne sont jamais simples et, même si elles
se traduisent sur le plan physique pour une personne comme pour une organisation,
elles se situent avant tout dans nos têtes, dans notre capacité
à aller de l’avant, à s’ouvrir et s’exposer au nouveau, à
accepter des remises en cause, des réajustements qui sont aussi plus
souvent que l’on ne le pense enrichissements, expériences nouvelles, abandons
de points de vue erronés ou d’illusions inutiles.
Les politiques de formation dans les entreprises pourraient être mises
en oeuvre dans cette optique de cure de rajeunissement ; bien sûr en
synergie avec d’autres initiatives en matière de GRH allant dans le
même sens. Nous en sommes loin ! Les récentes restrictions budgétaires
ont entraîné certaines coupes sombres dans les budgets de formation,
mais les décisions restent superficielles et à court terme,
à l’image de l’ensemble des politiques GRH. La vraie offensive sera
de fait culturelle, et d’ailleurs budgétairement pas forcément
coûteuse. Point de stages communication, team-bulding ou de managements
x ou y ! Mais des formations très intégrées, pour la
plupart, à l’action, à des projets, à des chantiers et
où la hiérarchie valorisera les audacieux, les preneurs de risques
et protégera les innovants. Une cure de rajeunissement peut être
un projet d’équipe gagneuse et gagnante ; hélas les récents
sondages dans les entreprises françaises nous montrent que si les organisations,
après moult restructurations et réengeenering sont devenues
saines économiquement, les troupes sont démobilisées
et prématurément vieillies. Il est vrai que les calculs économiques
et financiers ne peuvent saisir, directement, sous forme de ratios et d’indicateurs
ces éléments ; mais ceux-ci sont, peut-être, plus importants
qu’il n’y paraît et rapidement des effets directs et indirects ne se feront
pas attendre. Les politiques de formation dans l’entreprise, et au-delà
les politiques GRH, devraient dépasser les préoccupations aujourd’hui
bien connues de postes de travail et de compétences, pour se centrer
sur le développement des potentiels qui ne sont pas des stocks appelés
à apparaître un jour, mais des possibles virtuels dont l’émergence
doit être stimulée par des politiques GRH et de formation plus offensives
et plus "rajeunissantes".
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON