Les Etats-Unis dans les pas de la Suède
En 1991, l’implosion d’une bulle immobilière en Suède laissait le pays au bord de la récession tout en menaçant de faillite l’ensemble de son système bancaire. Un plan de sauvetage drastique fut alors concocté par le Gouvernement de l’époque qui consistait en l’intégration au sein d’une seule et unique banque détenue entièrement par l’Etat Suédois de tous les crédits non remboursés et autres créances toxiques. Authentique opération chirurgicale dont le but était de nettoyer le secteur bancaire afin de le motiver à se réengager sur un marché du crédit moribond.
Ce modèle de "mauvaise banque " ou de "banque zombie " est actuellement étudié de près par des autorités US préoccupées par un système bancaire qui certes a évité de justesse une catastrophe majeure mais qui ne s’engage pas pour autant dans de nouvelles opérations de prêts. Le Président de la Réserve Fédérale Ben Bernanke et le Secrétaire au Trésor Paulson avaient persuadés en Octobre dernier le Congrès de consacrer 700 milliards de dollars afin d’acquérir les créances douteuses des banques avant de modifier leur stratégie en optant pour des recapitalisations. Ce plan avait du reste permis à un certain nombre d’établissements de passer le cap de la panique ayant prévalu l’automne dernier mais l’aggravation de leurs pertes mettait en péril l’ensemble du plan de sauvetage Fédéral tout en décourageant l’actionnariat privé de toute nouvelle prise de participation dans ces banques. Le Gouvernement Américain dut effectivement procéder par la suite au sauvetage de Citibank en Novembre et de Bank of America tout récemment !
La Fed est donc parfaitement consciente que la masse des actifs douteux - parfois impossibles à valoriser - figurant au bilan des banques constitue une "barrière", selon l’expression employée par Bernanke, tant au rétablissement du marché du crédit qu’à l’investissement privé dans le secteur financier. En fait, plusieurs options ont été successivement étudiées par le Gouvernement Américain : De l’achat en direct de ces actifs douteux requérant de mobiliser des sommes gigantesques afin d’en acquérir des quantités suceptibles de nettoyer les bilans bancaires à la garantie de l’Etat mettant un plancher sous les pertes de ces banques à l’instar des plans appliqués en faveur de Citibank et de Bank of America...Ces plans sur mesure en fonction de la taille et du degré d’exposition de la banque nécessitent néanmoins une mobilisation lourde des équipes Gouvernementales qui en atténue l’efficacité en comparaison au concept simple et global de la mauvaise banque. Un tel établissement qui phagocyterait les actifs toxiques constituerait donc une réponse simple à un problème complexe tout en contribuant de manière décisive à ramener confiance et sérénité dans les marchés. Une banque zombie d’une telle taille n’a toutefois jamais été expérimentée dans le passé sans négliger que ces actifs douteux sont souvent très sophistiqués !
Quoi qu’il en soit, l’objectif de la nouvelle Administration Démocrate est de maintenir les établissements bancaires en vie tout en limitant les coûts inhérents à la création de cette mauvaise banque...Pour autant, l’équipe d’Obama entend appliquer d’autres types de mesures comme celle - critique pour le marché immobilier - de consacrer 100 milliards de dollars à la limitation des défauts de paiement des titulaires de prêts hypothécaires. Par ailleurs, les autorités US travaillent à simplifier et à baisser les frais de ces prêts hypothécaires. Elles souhaitent enfin promouvoir l’investissement de capitaux privés dans le secteur bancaire en s’engageant à injecter des liquidités en quantités équivalentes à toute recapitalisation privée...Car cet investissement privé - vrai nerf de la guerre - s’était effectivement asséché dès lors que la dégradation du marché immobilier avait eu des répercussions néfastes sur les valorisations des titres subprimes. En effet, les établissements bancaires furent dans l’incapacité de glaner tout capital privé dès lors que ces titres subprimes, détenus en quantités importantes par tous types d’investisseurs à travers le monde, se déprécièrent au même rythme que le marché immobilier.
La problématique fondamentale réside en réalité dans la manière et surtout dans le prix que le Gouvernement US est disposé à payer pour ces créances toxiques. Comme il ne peut en effet se porteur acquéreur de tous ces actifs pourris, sa priorité est plutôt de re créer un marché où pourraient se re négocier ces titres au prix minimum défini par le prix qu’il est prêt à assumer... En l’occurrence, le dilemme est de taille puisque, les banques estimant que leurs actifs valent plus que ce que les investisseurs sont disposés à leur en payer, elles sont condamnées à encaisser une perte sèche si le Gouvernement reprend ces créances au prix du marché ! A l’inverse, le rachat Fédéral de ces titres à des prix plus intéressants pour les banques pourrait passer aux yeux des investisseurs privés comme un plan de sauvetage de plus ne reflétant en rien la valeur intrinsèque et réelle de ces actifs... En fait, l’approche la plus rationnelle serait le rachat au prix marché par le Gouvernement qui compenserait alors les pertes bancaires par des injections de capitaux en exigeant en retour une participation majoritaire ou très importante aux capitaux de ces banques.
C’est du reste ce cas de figure qui fut appliqué en Suède où les banques durent céder des portions importantes de leur capitaux à l’Etat en contrepartie de ses achats d’actifs douteux au prix du marché induisant ainsi une perte quasi totale parmi leur actionnariat tandis que les titulaires de ces titres et autres obligations étaient saufs ! Au final, la Suède, qui avait investi 4.5 milliards de dollars, put récupérer quelque 1.7 milliards - soit 38% - par la revente ultérieure de ces actifs toxiques.
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