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Les gens aisés lavent leur linge et roulent à l’allemande alors que le PRB croit fortement

Cet étrange billet résulte d’une conjonction de deux phénomènes socio-économiques, l’un extrait d’une publication, celle du nombre de milliardaires recensés par la revue Forbes et l’autre, d’une observation effectuée par mes soins en flânant dans une grande surface dédiée aux équipements domestiques. Rassembler ces faits permet de décrire l’évolution économique des prochaines années.

Le nombre de milliardaires a augmenté de 20% en l’espace d’une année. Ajoutons aussi la publication des excellents résultats des entreprises du Cac 40 dont les bénéfices ont presque doublé et bien évidemment, les faramineux gains des traders new-yorkais, sans oublier les requins de la City qui eux aussi, ont engrangé de belles sommes. C’est une bonne nouvelle. Il existe un métier de plus pour ne travailler qu’une dizaine d’années puis se reposer sur les rentes. On croyait ce luxe réservé aux footballeurs et aux chanteurs à succès mais non, un trader peut aussi amasser en dix ans une fortune de quelques millions d’euros, largement de quoi glander le reste d’une vie si l’on gère bien ses affaires. C’est cela l’égalité des chances, un fils de bourges du seizième passé par HEC et finissant à la City a autant le droit d’amasser des millions qu’un jeune beur de Sarcelles élevé chez Guy Roux et recruté à l’OM ou qu’un Delerm éduqué dans l’Eure par son enseignant de père et finissant aphone derrière un piano ! L’économie est à l’image de l’aviation, il existe une classe affaire. Ou du moins une hyper classe, qui se surimpose aux classes supérieures, celles-ci entourant avec les classes pauvres les hétérogènes classes moyennes, catégorie mal identifiée mais regroupant une bonne partie de la société, enfin, tout dépend comment on situe une classe moyenne. C’est comme le bac, si on veut amener 90 % des lycéens de terminale vers le diplôme final, il suffit d’abaisser le niveau des épreuves. Si on veut des classes moyennes représentant 60 % de la population, au lieu des 40%, alors il suffit d’abaisser le seuil des revenus. Sans doute, les sociologues usent de critères fixes permettant de voir l’évolution des revenus. Du style entre 0.8 et 3 fois le revenu médian. Mais ça dit quoi au juste ? On peut cerner quelques tendances sur dix ans mais guère plus. Les niveaux de vie dépendent de tas de critères, du fait d’être propriétaire ou pas, d’hériter ou non, des zones géographiques, de la stabilité de l’emploi, de la structure du ménage… Bref, rien de bien tangible mais quand on lit la revue Forbes, là c’est du vrai calcul. On est milliardaire ou on ne l’est pas. Quoique, il faudrait voir comment les fortunes sont évaluées car il pourrait y avoir sous-estimation en cas de fortunes cachées dans les paradis fiscaux. Cela dit, la tendance est avérée, les riches sont de plus en plus riches. Ce qui signifie qu’il y a bien une croissance économique forte mais seulement dans un secteur précis nécessitant un indice économique nouveau, le PRB. Contrairement au PIB qui comptabilise toutes les richesses produites par une nation, le PRB est le produit riche brut, créé dans les secteurs privilégiés de l’économie par l’hyper classe. En France, le PIB stagne mais le PRB est en augmentation notable, comme l’immobilier à Paris. On comprend alors pourquoi dans un contexte de croissance faible du PIB, le PRB augmente avec les revenus des riches, tandis que le chômage n’a cessé d’augmenter cette année 2010, dans les pays occidentaux.

L’Allemagne semble bien placée dans la course à la croissance. La belle situation économique outre-Rhin fait gloser la plupart des économistes invités à bavarder et pleurer sur la crise à France Inter ou chez Taddéi. Les Allemands sont dynamiques, ils investissent, ils sont productifs (mais moins que les Français paraît-il), ils exportent, ils ont les meilleures PME du monde… En plus, ils ont un déficit bien inférieur au notre, malgré le coût de la réunification. Mais bon, on peut se consoler et comme aurait dit Desproges, les Allemands ont de la croissance longue mais ils se baladent en short ! Oui mais ils sortent souvent d’une belle berline, comme la nouvelle Audi des bonnes familles proposée à 40 000 euros. L’Allemagne se singularise en fabricant des automobiles de grand standing, à la réputation solide, bien dotées en motorisation, finitions et équipements. Audi, BMW, et Porsche pour le fun, irriguent ce secteur pas si réduit à très forte valeur ajoutée, engendrant de la croissance, parce qu’ils trouvent dans le monde les acheteurs grâce aux classes moyennes aisées, supérieures, et à l’hyper classe. Quand on est riche, on n’a pas forcément envie de rouler tel un nabot au ras du sol dans une Lamborghini en étant tenté de doubler par en dessous un 38 tonnes. Une Porsche Cayenne permettra de montrer sa situation sociale élevée en roulant au dessus du clampin qui vient d’acheter sa nouvelle Audi dotée de phares ressemblant à un éclairage de sapin de noël, ce qui est le moins qu’on puisse attendre quand on se fait un cadeau de ce prix. Le marché du haut de gamme et du standing explique sans doute la bonne santé économique de l’Allemagne. Il n’y a que Volkswagen pour produire une « petite » Polo réservée aux jeunes ploucs venant de signer un CDI comme employé de banque, mais pas dans la version GTI. Il se dit que la Polo est au niveau d’une Golf. L’Allemagne illustre bien l’évolution de la production automobile. En Italie comme en France, PSA, Fiat et Renault s’en tirent bien, se plaçant notamment sur le segment des petites voitures pas trop chères, genre Twingo, Clio, 107, C1, Uno, Logan, 500. Tout le monde n’a pas les moyens de se payer une béhème, ou même une Laguna ou une 407. Les petites automobiles, c’est ce qui convient aux classes moyennes et pour baisser les coûts, elles sont fabriquées en Slovaquie, en Roumanie ou dans d’autres pays européens ayant appartenu au bloc de l’Est.

Les constructeurs européens ne font pas encore fabriquer leurs véhicules en Chine. Par contre, d’autres secteurs comme l’électroménager ont noué des relations avec les industriels chinois et l’on peut constater les effets en flânant entre les lave-linge dont l’étiquette indique la provenance. C’est ce que j’ai fait il y a peu. Et ma foi, le résultat est assez étonnant, mais pas si inattendu, pour ceux qui suivent l’économie. En gros, il y a trois segments. Les marques génériques en bas de gamme sont systématiquement produites en Chine mais aussi surprenant que cela puisse paraître, quelques enseignes bien connues font produire leurs modèles d’entrée de gamme en Chine. Passons à la gamme moyenne. Dans ce segment, allant de 350 à 700 euros, occupé par des marques grand public, Vedette, Brandt, Laden, Candy, Indesit, les pays de fabrication sont diversifiés, quelque fois en Europe de l’Ouest comme l’Espagne ou l’Italie qui produit ses Indesit mais plus souvent dans les pays de l’ancien bloc de l’Est, Slovénie, Pologne. Enfin, il y a le très haut de gamme et ses marques prestigieuses, Bosch, Miele, avec des prix allant jusqu’à 1500 euros pour un lave linge familial à grande capacité. On remarque la finition chromée, le design et à ce prix, on peut exiger une production dans les usines allemandes, ce qui est effectivement le cas. La logique productive des lave-linge ressemble de près à celle des automobiles européennes, sauf que la Chine s’ajoute aux pays de l’Est pour entrer dans la compétition, y compris dans la hi fi de bon standing. Lisez avec soin l’étiquette d’un ampli Marantz, vous constaterez que la Chine met à contribution ses travailleurs et si les marques occidentales vont à l’Est, le Japon délocalise à l’Ouest. Notons aussi la marque LG qui est produite en Corée et dont les appareils viennent concurrencer le haut de gamme allemand.

Le succès économique de l’Allemagne ne s’explique pas uniquement sur des critères d’innovation et de maîtrise des coûts salariaux. Le positionnement sur le marché des classes aisées joue également et comme la tendance est à la croissance inégale des revenus tirée par les classes supérieures, l’Allemagne se place parfaitement en ajustant ces produits « haut de gamme » à la distribution des solvabilités. Les riches lavent leur linge sale en famille, on le savait, mais en utilisant des lave-linge fabriqués en Allemagne ! Globalement, il n’y a aucune raison que la tendance s’inverse, autrement dit, le chômage pourra au mieux se stabiliser pendant une bonne décennie en Europe.

Le fordisme des années 1960 avait pour principe : « je paye assez mes ouvriers pour qu’ils puissent acheter les produits qu’ils fabriquent ». A l’ère post-fordienne du marché global, le nouveau principe c’est : « je paye assez mes ouvriers pour qu’ils puissent acheter des produits équivalents à ce qu’ils fabriquent, mais dont la production est assurée par des ouvriers chinois ou roumains. Et puis quand j’ai trop d’ouvriers, je les licencie, ils pourront aussi acheter ces mêmes produits venant de Chine mais d’occase, chez Emmaüs, ou bien les récupérer dans une poubelle ».


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16 réactions à cet article    


  • srobyl srobyl 11 mars 2011 09:44

    Tout le monde ne peut pas se payer une béhème...
    Certes, pas le haut de gamme ni les monstres M5 et compagnie, mais on peut trouver de très bonnes occasions dans les séries 3 ou 5 qui ne consomment bien moins qu’un 4X4 et pour beaucoup moins cher qu’une simple Dacia sandero neuve ! 
    Toujours cette fixation franchouillarde contre les bagnoles teutonnes. Il faut dire que qund on compare le confort , la finition et la fiabilité, il y a de quoi être jaloux.... 


    • french_car 11 mars 2011 22:55

      Bah non, de par les études qualité mené par la VDA, organisme allemand, Renault est devant Audi pour la fiabilité.sur le segment Laguna/A4. Quant au confort il n’y a pas photo non plus.


    • Francis, agnotologue JL 11 mars 2011 10:23

      L’auteur écrit : « Cela dit, la tendance est avérée, les riches sont de plus en plus riches. Ce qui signifie qu’il y a bien une croissance économique forte mais seulement dans un secteur précis nécessitant un indice économique nouveau, le PRB »

      Il n’y a pas de mystère : le but des entreprises, c’est fe faire du profit (*). Et il se trouve que les industries de luxe qui prolifèrent en même temps que les inégalités s’accroissent, procurent beaucoup plus de profit que les industries vivrières (à part la spéculation sur les denrées de première nécéssité, mais c’est une autre affaire). Bien malin celui qui dira quel de la poule ou de l’oeuf ...

      Le drame c’est que toute cette énergie et ces ressources détournées pour pourvoir la consommation ostentatoire de quelques privilégiés imbéciles est perdue pour répondre aux besoins élémentaires de la multitude.


      (*) « Sérieusement, vous croyez vraiment que Peugeot produit des voitures, Michelin des pneumatiques et Aventis des médicaments ? Bien sûr que non ! Ils produisent des profits. » (Jean-Pierre Berlan)


      • Marc P 11 mars 2011 11:11

        Bonjour Monsieur « Ford »,

        Produire en Chine, pour combien de temps (cf votre article récent sur le prix du pétrole) compte tenu du coût du transport voué à une hausse effrénée...

        Le secret des Allemands ? tout ce que vous avez écrit, plus une relation au travail dont on n’a pas idée si on a pas travaillé chez eux ou avec eux... Pas de pas vu pas pris au sens ou la qualité et les résultat correspondent à l’apparence qu’on en perçoit... Bien sûr une implantation historique sur les secteurs évoqués et un réalisme pragmatisme avec service après vente maximisés...

        Malgré tous ces compliments sincères, je trouve que leur amour-passion trop dévorant du travail n’est pas compatible avec une qualité de vie disons « à la Française » ou « à l’Anglaise ».

        Enfin sans doiute ont ils pu investir, interdits comme le Japon qu’ils étaient d’entretenir une armée penadant tant d’années...

        Cdlt.

        Marc p


        • dogon dogon 11 mars 2011 11:55

          Bonjour Bernard,
          « Il se dit que la Polo est au niveau d’une Golf ».
          VW vient d’annoncer qu’il se lançait dans les rallies-raid avec une ... Polo, justement.


          • globulos nilasse 11 mars 2011 12:27

            après on me dit que je suis excessif quand je dis qu’il y a un nombre important de gens ( grande bourgeoisie,banquiers,grand patrons ) qui méritent qu’on leur tire une balle dans la tête. tres bon article.


            • Lisa SION 2 Lisa SION 2 11 mars 2011 15:20

               bonjour berrnard,
              « Tout le monde n’a pas les moyens de se payer une béhème, »Jusqu’aux années soixante dix, les voitures allemandes n’avaient aucun mérite ni aucune renommée. Aucune d’elles n’est vraiment devenue mythique dans l’inconscient collectif, si ce n’est les quinze millions de ventes de la coccinelle et son frère combi à fleurs des Hippies. Toutes les autres marques allemandes n’avaient aucun charme et n’inspiraient confiance que parce qu’elles étaient beaucoup plus lourdes et imposantes, ce qui est un argument en cas de choc. Mais c’est aussi ce poids qui constituait, et aujourd’hui encore, la principale cause des sorties de routes aux cours desquelles ne sont souvent tuées que les parties adverses. Leur suprématie actuelle est banalement due au réflexe primaire de faire le choix de donner la priorité aux plus lourd et tâcher à tout prix de devenir propriétaire de l’un de ces obus roulants, de ces descendants de tanks civilisés


              • apopi apopi 11 mars 2011 18:17

                J’ai du manquer un épisode, je roule « japonais » mais les audi c’est très bien aussi, n’en déplaise à certains aigris, un peu jaloux peut être ? C’est très humain.


                • kitamissa kitamissa 11 mars 2011 19:21

                  il faut tout de même admettre que la réputation des belles et bonnes bagnoles Allemandes n’est pas usurpée ...


                  rien qu’en faisant la comparaison,motorisation,fiabilité,longévité,finition,performances et aura ...

                  il n’y a qu’a voir en occasion la côte d’une Française et d’une Allemande de la même année et du même créneau !

                  prenez une Renault de 10 ans d’âge et même kilométrage qu’une Mercedes ! 

                  • ZEN ZEN 11 mars 2011 19:41

                    C’est vrai que la carrosserie de Merkel en impose plus plus que celle de Sarko
                    Pour le moteur, ce dernier est plus nerveux... smiley


                    • ZEN ZEN 11 mars 2011 19:44

                      Pour les vélos, sont pas à le hauteur les Teutons !
                      Je parle de vélo, pas de bicyclette
                      Et comme c’est l’avenir....


                      • kitamissa kitamissa 11 mars 2011 21:04

                        ah les vélos,ce sont les Italiens les cadors ....les Français également ....voir les productions d’Alex Singer ou d’André Sablière ...


                        aux Etats Unis,c’est Vanillia ...Rambouillet également,ils ont même repris la marque Motobécane ....Schwinn Paramount fabrique de sublimes machines ..

                        en Espagne,c’est Zeus ,

                        en Angleterre,c’est Hetchins ....Mercian......etc....

                        • jluc 11 mars 2011 21:59

                          le luxe français rapporte quand même plus :
                          Bernard Arnault patron de LVMH à la tête d’une fortune de 41 milliards de dollars vient d’être classé l’européen le plus riche par le magazine américain Forbes, et la quatrième fortune mondiale.

                          Les Barons de la Bourse - zonebourse.com
                          Bernard Arnault est la quatrième fortune mondiale - lefigaro.fr


                          • Asp Explorer Asp Explorer 11 mars 2011 22:21

                            J’ai conduit trois voitures dans ma vie. La première était la 4L de ma mère. La seconde était la fiat panda de mes années d’étudiant. Puis je n’ai plus touché un volant pendant douze ans, et ensuite, j’ai acheté une Mercedes SLK.

                            La Mercedes est mieux.


                            • Thierry LEITZ 11 mars 2011 22:53

                              Les Allemands fabriquent des machines-outils pour faire bosser les pauvres Chinois et des voitures de luxe pour leurs employeurs, délocaliseurs et autres importateurs...

                              « L’argent va à l’argent »

                              Mais plutôt que de continuer à écouter des ’experts" répéter ce genre de dictons comme s’il s’agissait de lois physiques on ferait mieux de remettre à l’honneur L’IMPOT PROGRESSIF, et la cotisation sociale assise sur la VALEUR AJOUTEE...

                              La Révolution commencerait par là.

                              Y’ a du chemin à faire quand on voit tous ceux qui ne paient aucun impôt direct, profitent de la Sécu tout en râlant systématiquement sur les impôts et cotisations diverses, tout en pleurant sur les services publics qu’on démantèle avec constance...
                               
                              L’IMPOT PROGRESSIF c’est la Loi Républicaine qui impose un minimum de solidarité et qui reste le seul rempart efficace contre l’explosion des inégalités. L’IMPOT permet une ré-orientation de la richesse vers la collectivité, et qui, à son tour, remet cet argent dans le circuit local (plutot que vers l’épargne seule ou les paradis fiscaux).

                              L’IMPOT est Toujours combattu par les plus riches... Et une masse d’ignorants qui votent FN... C’est à pleurer.


                              • french_car 11 mars 2011 22:57

                                En tout cas les Allemands travaillent moins que les Français, alors que cesse la querelle sur les 35h !

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