Les « golden parachutes » remercient Mai 68 !
Les « golden parachutes », en français « parachutes en or », souvent dénoncés par la gauche, ont été aussi critiqués par le candidat Nicolas Sarkozy. Mais ce qui est surprenant, c’est que loin d’attribuer cette pratique scandaleuse à l’excès de libéralisme, il accuse Mai 68 ! Une thèse qui ne repose absolument sur aucun fondement.
Ce n’est pas là le seul exemple où M.Sarkozy a soutenu des thèses avec grande légèreté. On se souvient aussi des pédophiles de naissance. M.Sarkozy est passé maître aussi dans l’art de renverser l’argumentation pour la diriger contre son adversaire. Du grand art d’avocat ! Cette présidentielle aura été son prétoire. Mais lorsqu’on sait que le talent d’un bon avocat peut faire admettre presque n’importe quelle thèse, y compris de faire passer pour un enfant de choeur son client, même si c’est un assassin de père et de mère, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de recourir à l’art oratoire de palais lors d’une élection démocratique.
1 - Qui sont les "parachutes en or" ?
Parlons des cas qui ont le plus défrayé la chronique ces dernières années :
- 1999 : Philippe Jaffré, ex PDG d’Elf obtient 19 millions d’euros.
- 2002 : Jean-marie Messier : ex PDG de Vivendi : 15, 1 millions d’euros (il réclamait 20,6).
- 2005 : Daniel Bernard : ex PDG de Carrefour : 9,39 millions d’euros
- 2006 : Antoine Zacharias : ex PDG de Vinci : 13 millions d’euros
- 2006 : Jean-Marc Espalioux : ex PDG d’Accor : 12 millions d’euros
- 2006 : Noël Forgeard : ex PDG d’EADS : 8,54 millions d’euros
- 2006 : Serge Tchuruk : ex PDG de Pat : 5,7 millions d’euros
Nicolas Sarkozy, encore candidat, déclare à quelques jours du second tour des élections que Mai 68 est directement responsable des "parachutes en or, des retraites chapeaux, des patrons voyous". Parmi les noms cités ci-dessus, Bernard, Zacharias, Forgeard et Tchuruk ont également profité des "retraites chapeaux" qu’évoque Sarkozy.
2 - La diatribe de Sarkozy contre Mai 68 :
Le 29 avril 2007, Sarkozy affirme : "L’héritage de Mai 68 a introduit le cynisme dans la société et dans la politique. Voyez comment le culte de l’argent-roi, du profit à court terme, de la spéculation, comment les dérives du capitalisme financier ont été portées par les valeurs de Mai 68".
A l’appui de sa thèse absurde, le candidat n’apporte évidemment aucun argument. Et il serait bien en peine de le faire puisqu’il n’en a pas. Pour mémoire, rappelons que les manifestants de 1968 ont mis le feu à la Bourse, curieuse manière d’adorer l’argent-roi, non ? Et s’il s’agissait d’une simple manoeuvre pour faire d’une pierre deux coups ? Attaquer la gauche sur le fondement de ses valeurs et récupérer les voix de centristes, puisque l’on sait que ces derniers, et Bayrou en particulier, veulent rétablir un rapport sain avec l’argent et l’économie, et moraliser cette dernière.
Paris vaut bien une messe mais la victoire électorale justifie-t-elle l’énonciation d’une telle contre-vérité ? Deux journalistes viennent de publier un livre dans lequel ils affirment que le candidat aurait aussi menti à propos des faits d’armes de son grand-père. (Voir l’article sur Agoravox du 9 mai : "Le candidat Sarkozy aurait menti lors de sa campagne sur son grand-père ", d’Aurélien) Cela n’est pas démontré et le nouveau président ne s’est pas encore exprimé suite à ces accusations. Mais sur le principe, la question ne mérite-t-elle pas d’être sérieusement posée ? On peut d’ailleurs évoquer aussi le cas Jospin qui refusa d’admettre son passé de trotskyste en disant que ce n’était pas lui mais son frère.
3 - Débat :
Il serait intéressant d’entendre sous cet article les argumentaires des partisans de l’UMP qui partagent la thèse invraisemblable et mensongère de leur chef à propos de Mai 68, source de tous les maux du capitalisme. Mais d’autres questions affleurent : les indemnités astronomiques versées étant sans rapport avec les risques encourus des PDG cités, ne faut-il pas légiférer sur le plan européen ou français pour les limiter ? Ne faut-il pas les réduire dans les cas où l’entreprise va très mal et qu’elle doit licencier ? François Bayrou avait énoncé un certain nombre de propositions et surtout tracé une certaine ligne morale. Madame Royal avait également dans son pacte présidentiel fait des propositions. Le président Sarkozy se contentera-t-il de l’invocation opportuniste de valeurs qu’il sembla subitement embrasser entre les deux tours, ou bien prendra-t-il des mesures qui rejoindront ces propositions ?
Dans la foulée des questions posées dans cet article, ne faut-il pas envisager un salaire plafond et une retraite plafond pour les gros PDG ? Ne faut-il pas instaurer des parachutes aussi (à la mode scandinave ? la flexibilité-sécurité ?) aux salariés eux-mêmes au nom du simple principe d’égalité de droits ?
Permettez-moi cette conclusion en forme de provocation : si les "golden parachutes" remercient Mai 68 pour les privilèges exorbitants dont ils auraient hérité, ils ne verront pas d’inconvénient à ce que l’on remette cela !
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